Les 7 et 8 avril se tenait à Bordeaux, à la librairie Mollat, le 1er EPUB Summit organisé par EDRLab. Je reproduis ici les quelques mots que j’ai prononcés pour introduire les débats, et j’en poste une version en anglais ici.Â
Je vous souhaite à tous la bienvenue à l’EPUB Summit, au nom du comité directeur d’EDRLab et de son président, Pierre Danet, qui, lui, conclura ces deux journées.
Travailler sur le standard EPUB, ce n’est pas seulement chercher à résoudre le problème de la transposition sous forme numérique des livres imprimés.
Cela serait déjà un beau programme, étant donné la complexité, la variété et la sophistication des objets concernés. Et, disons-le, c’est ce qui nous a majoritairement occupés, dans les maisons d’édition, ces huit dernières années.
Markus Gylling avait résumé, dans une présentation, l’EPUB 3 en 5 lignes, qui ouvrent déjà plus largement notre horizon :
EPUB 3 c’est :
- un format standard pour l’ebook développé par l’industrie
- construit sur les standards Web du W3C (XML, HTML5, SVG)
- de nature « agnostique » : utilisable pour le livre, mais aussi pour les magazines et pour tout document.
- incluant des possibilités de mise en page sophistiquées, l’ajout de composants multimédia et d’interactivité
- comportant nativement des possibilités fantastiques pour l’accessibilité
Un mot sur la nature « agnostique » de l’EPUB : travailler sur un standard qui englobe non seulement le livre mais également d’autres types de documents que ceux qui nous sont si familiers n’est pas indifférent. Cela nous oblige à nous décentrer, à sortir des considérations purement métier pour construire des représentations plus complètes et plus complexes, utiles à la définition de nos stratégies numériques.
Car la tentation est grande, une fois le « moment ebook » passé, une fois que les processus de production sont en place, qu’une grande partie du catalogue est numérisée, que les nouveautés sortent systématiquement en numérique, de penser que nous avons fourni les efforts demandés, et que nous pouvons retourner à nos petites affaires, rassurés par des chiffres qui montrent la solidité du marché papier, la certitude que la lecture numérique va demeurer marginale, et pensant quelque chose comme « Beaucoup de bruit pour rien ».
Qu’avons-nous fait, en réalité ?
Nous nous sommes focalisés, et c’était nécessaire, sur nos processus, sur notre métier, sur ce que nous connaissons, et nous avons injecté, parce qu’il était impossible de faire autrement, ce qu’il faut de technologie pour répondre aux évolutions les plus visibles : des nouveaux terminaux permettant d’accéder immédiatement à des livres en version numérisée.
Un peu comme des climato-sceptiques qui observent la météo et concluent que le temps n’est pas si chaud, et ne croiront au réchauffement climatique que lorsqu’ils auront les pieds dans l’eau, quelque chose en nous s’accroche à l’idée que la révolution numérique, et bien, c’est pour les autres, mais pas pour nous : « voyez, le livre imprimé se porte bien, et il a de beaux jours devant lui. »
Bien sûr. Et tant mieux. Mais que cela ne nous empêche pas de regarder autour de nous, de chercher à comprendre ce qui se passe, car ces beaux jours pourraient bien se raréfier en même temps que vieillissent les générations de grands lecteurs, nos principaux clients. Alors il va nous falloir considérer les nouvelles pratiques, les nouvelles lectures, les nouvelles écritures ; élargir notre vision, anticiper sur les évolutions, comprendre que s’il était tout à fait nécessaire de travailler sur la transposition numérique des livres, sur la numérisation des arts de la lisibilité, cela ne nous dispense pas de penser d’autres formes de contenus, d’observer les nouveaux usages, d’accueillir de nouvelles propositions, d’attirer de nouveaux publics. Si nous nous en dispensons, d’autres vont s’en charger, se chargent déjà peut-être de dessiner notre avenir. Un avenir qui doit prendre en compte le fait que YouTube, Wattpad, Instagram, Snapchat, Facebook, Netflix, Periscope sont entrés dans la vie de beaucoup de gens. Que la lecture et l’écriture se diversifient, deviennent hybrides, que chacun pratique désormais la lecture fractionnée et s’inquiète de sa capacité à continuer à pratiquer des formes de lectures immersives. Que le rapport de chacun à l’image, fixe ou animée, a été complètement modifié dirant les dix dernières années.
EPUB3 porte une vision élargie de l’édition numérique, nous rapproche du web, fait la part belle à toutes les problématiques d’accessibilité, accueille le son, l’image animée, l’interactivité, les mises en pages sophistiquées.
Cela fera bientôt 5 ans que la spécification EPUB 3 a été publiée par l’IDPF.
Une spécification, c’est formidable. Mais reste lettre morte si toute la chaîne ne suit pas, et si les livres numériques respectant la spécification ne peuvent être lus quelque soit le terminal et l’application de lecture utilisés. Pour accélérer le mouvement et faciliter la tâche des différents acteurs, il faut développer des briques logicielles et faciliter ainsi la diffusion de l’EPUB3, online et offline, sur l’ensemble des systèmes d’exploitation. Cependant L’IDPF, qui veille sur le standard et ses évolutions, n’a pas vocation à accueillir de tels développements.
Nous sommes pressés, nous voulons des livres numériques accessibles, beaux, novateurs, lisibles sur tous les terminaux, avec toutes les applications, tournant sous tous les systèmes d’exploitations. Nous les voulons maintenant. Nous voulons aussi pouvoir protéger les livres sans désespérer leurs lecteurs avec des manipulations insupportables. Nous le voulons tout de suite.
Alors en 2013, nous contribuons activement à la création de la Fondation Readium, chargé justement de prendre en charge le développement des briques logicielles nécessaires à une adoption plus rapide de l’EPUB3 par l’ensemble des acteurs.
Lorsque la Fondation Readium fait savoir, en 2014, qu’elle souhaite se renforcer en Europe et en Asie, et ouvrir des entités permanentes sur les deux continents, plusieurs capitales européennes sont candidates. Pourquoi ne pas installer une telle entité à Paris ? Pourquoi ne pas s’inscrire dans la dynamique déployée là -bas, comme d’ailleurs ici à Bordeaux, pour accélérer et soutenir le tissu des start-up françaises ? Voici une occasion d’en finir avec l’image passéiste qui colle, quoi qu’ils fassent, à la peau des éditeurs, et de construire les passerelles nécessaires avec l’univers des start-up, des incubateurs, et de la French Tech. Cap Digital, le pôle de compétitivité d’Ile de France, sera notre allié. Plusieurs éditeurs siègent à son comité éxécutif, et l’idée fait son chemin.
Quelques rencontres au café, quelques réunions mémorables et quelques déjeuners plus tard, plusieurs des grands groupes d’édition français, Hachette, Editis, Madrigall, Média Participations, ainsi que le Cercle de la Librairie et le Syndicat National de l’Edition décident de s’impliquer et s’engagent à soutenir EDRLab.
Les équipes de la Direction du Livre et la Lecture au Ministère de la Culture partagent leur vision d’un écosystème ouvert et interopérable pour l’édition numérique. Nicolas Georges, son Directeur, qui nous fait l’honneur de sa présence aujourd’hui, pourra en témoigner tout à l’heure, et expliquer pourquoi le Ministère a accepté de s’impliquer aussi fortement dans l’implantation d’EDRLab en France. Le Ministère de l’Economie apporte aussi un soutien majeur, ainsi que le Centre National du Livre, que son président Vincent Monadé en soit remercié, ainsi que François Rouyer-Gayette qui participe à nos travaux .
La structure est créée en juillet 2015. Son directeur, Laurent Le Meur, recruté en octobre. Laurent recrute à son tour une équipe très solide de développeurs spécialisés.
Certains d’entre vous connaissent l’un d’entre eux, qui est intervenu à plusieurs reprises dans des rencontres sur l’accessibilité, Daniel Weck, et partage maintenant son temps entre le consortium Daisy et EDRLab.
Cyril Labordrie travaille lui aussi pour deux structures, Cap Digital et EDRLab, depuis le début de l’aventure.
Avec eux, nous avons relevé le défi assez fou de monter en quelques semaines l’événement qui nous rassemble aujourd’hui, un événement résolument international.
Oui, car même si EDRLab est très fortement soutenu par des acteurs français, publics et privés, l’organisme a bien une vocation internationale, et notamment européenne. Je souhaite tout particulièrement la bienvenue à tous ceux qui ont fait un long déplacement pour nous retrouver à Bordeaux. EDRLab a besoin de l’adhésion d’éditeurs, de distributeurs, de libraires, de bibliothécaires, de prestataires issus du plus grand nombre possible de pays européens.
Je ne vais pas me lancer dans un long plaidoyer pour vous convaincre de devenir membres d’EDRLab : je compte sur l’ensemble des orateurs de ces deux journées pour vous démontrer l’utilité et l’intérêt de ce travail partagé.
Je souhaite également la bienvenue à nos invités américains. Je ne peux tous les citer, mais je peux tous les remercier d’avoir accepté notre invitation.
Enfin, une mention particulière pour Denis Mollat qui nous accueille dans les locaux de sa magnifique librairie. Merci, Monsieur Mollat, d’avoir su comprendre, dès le premier pitch, l’intérêt pour le Cercle de la Librairie, que vous présidez, de soutenir EDRLab. Merci pour votre support, merci pour votre hospitalité.
Je vais laisser maintenant la parole à Bill McCoy, qui dirige l’IDPF et préside la Fondation Readium.
It’s your turn, Bill, welcome in Bordeaux, and have a nice EPUB Summit !