Généralement, Twitter est plutôt calme le samedi. On y jette un coup d’Å“il distrait, pour apprendre qu’un tel se lance dans une recette compliquée, que tel autre a commencé à lire tel livre, on découvre quelques liens vers un article de blog qui ne risque pas de se retrouver sur son fil RSS, parce qu’il ne parle ni de livres, ni de numérique, ni de l’iPad, ni de liseuse…
Mais aujourd’hui, voilà que quelqu’un remarque que la plupart des livres de l’éditeur Macmillan sont devenus inaccessibles sur Amazon. On ne peut plus les acheter qu’en passant par des tiers, mais Amazon ne le vend plus en direct. Pourquoi donc ?
Bien sûr, ni Macmillan ni Amazon ne commentent l’événement, aussi les supputations vont bon train. (Voir mises à jour ci-dessous). Les sujets de discorde entre les groupes d’édition américains et Amazon sont nombreux. Et ce n’est pas la première fois qu’Amazon supprime le bouton acheter aux titres d’un éditeur, pour exercer sur lui une pression bien réelle. Amazon représente aux USA une part bien plus importante du marché que celle qu’il occupe en France.
Le blog « Bits« , un blog lié au New York Times, a mis à jour son billet en fin d’après-midi, confirmant que l’action d’Amazon était bien liée à la décision de Macmillan de décaler dans le temps la mise à disposition des versions numériques de ses livres :
« Ma collègue Motoko Rich a parlé avec quelqu’un ayant eu une conversation directe avec une personne de chez Macmillan, familière des conversations avec Amazon. Macmillan offrait à Amazon l’opportunité d’acheter les versions numériques (destinées au Kindle) de ses livres sur le même modèle de type « agence » que celui proposé par Apple pour le iPad. Selon ce modèle, l’éditeur fixe le prix du livre et garde 70% de chaque vente, laissant 30% au revendeur. Macmillan dit qu’Amazon pourrait continuer à acheter les ebooks selon son modèle courant de commercialisation, en payant à l’édituer 50% du prix de la version imprimée grand format et en fixant librement le prix de vente au public., mais que dans ce cas Macmillant décalerait dans le temps la disponibilité des versions numérique de 7 mois après la mise en vente des versions grand format. Le fait de supprimer la mise en vente des titres de Macmillan apparaît comme une réaction directe à cela. »
Les éditeurs, mécontents des prix bas pratiqués pour le livre numérique par Amazon, ont été nombreux à commencer à différer la sortie des versions numériques de leurs livres à fort potentiel commercial. Le prix du livre est libre aux Etats-Unis, où il n’existe pas d’équivalent de la loi Lang, et cette décision de différer la vente de la version numérique est une façon comme une autre pour les éditeurs de chercher à contrarier Amazon, qui n’hésite pas à vendre à perte pour conquérir des parts de marché, et diffuser le plus possible son Kindle, qui, une fois vendu à un acheteur de livres, rend celui-ci totalement dépendant d’Amazon pour s’approvisionner en lecture. Il ne sera pas très difficile à Amazon, une fois que le Kindle aura trouvé sa place dans des millions de foyers américains, de changer les règles du jeu aux dépens de l’éditeur. Et si celui-ci refuse ? Alors, plus d’accès pour ses livres aux millions de e-lecteurs scotchés chez Amazon. Et toc !
La sortie du iPad, et la politique de prix annoncée pour les « iBooks » doit jouer son rôle dans tout cela. Apple ne vend pas de livres imprimés, et ne dispose pas de ce levier qu’Amazon actionne de temps en temps pour rappeler aux éditeurs qui leur donne accès aux clients. Apple, dit-on, laisserait les éditeurs vendre leurs livres numériques plus cher qu’Amazon, avec des prix de 12;99 et 14,99 $… Alors, Amazon se réveille, et frappe directement Macmillan, pour rappeler à tous que c’est lui qui commande…
Le fait de maintenir une grande diversité de canaux de vente est, on le voit, crucial pour les éditeurs. Lorsqu’à la concentration s’ajoutent des dispositifs d’exclusivité avec des modèles propriétaires, un seul acteur, devenu dominant, prive de toute liberté à la fois les lecteurs, qui ne peuvent s’approvisionner chez le revendeur de leur choix, et les éditeurs, soumis aux diktats d’un revendeur devenu tout puissant.
On pourra lire également le point de vue d’un auteur publié chez Macmillan, John Scalzi.
– Mises à jour :
30/01 – 23h : John Sargent, CEO de Macmillan, adresse un message aux auteurs et illustrateurs édités dans les maisons de son groupe, publié sous forme de publicité payante sur Publishers Lunch, qui confirme les propos rapportés par Motoko Rich.
31/01 – 23h30 : Lettre d’Amazon à ses clients : Amazon cède et accepte les conditions de Macmillan, et explique pourquoi.
mises à jour accélérées : c’est pour te punir de nous laisser aussi souvent sans nouvelle, dans une période où il y aurait tant besoin de tes analyses, aussi bien professionnelles que « canal historique » ! bravo d’avoir fait plier amazon rien qu’avec ton billet !
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