Je n’ai pas encore lu « Des néons sous la mer« , de Frédéric Ciriez. Il m’attend, avec cette remarquable patience qu’ont les livres. J’en connais l’extrait que son auteur a lu jeudi soir dans la librairire Pensées Classées. Croisements entre vie en ligne et vie en vrai : la lecture annoncée sur Facebook, la librairie déjà virtuellement visitée via un billet sur Tiers-Livre, le libraire déjà rencontré virtuellement via son blog. Ces néons sous la mer sont ceux d’un bordel sous-marin, d’un sous-marin transformé en bordel, et c’est un plaisir d’écouter Frédéric Ciriez parler de son livre, parler de ce grand bordel qu’est aussi le langage. Yves Pagès, son éditeur chez Verticales, nous le dit, et je dois le croire sur parole puisque je n’ai pas encore lu le livre : quelque chose de l’écriture de Frédéric passe dans sa manière de parler de son livre. Je ne peux vérifier que la partie « oral » pour le moment : une énergie joyeuse, dont surgissent des questions brusques, une drôlerie naturelle : il s’exclame, s’interrompt, s’étonne, nous prend à témoin, fait le gamin mais jamais le malin. Mais ce blog n’est pas, vous le savez bien, un blog littéraire, aussi, quand j’aurai lu « des néons sous la mer », je n’en parlerai pas. Ici, on parle de nu-mé-rique, enfin quoi, pas de sous-marins bretons renconvertis en maisons closes.
Pas plus que je ne parlerai de « La vitesse des choses », que je suis en train de finir. C’est de la faute de ce diable de Fresà n si je n’ai pas encore lu « Des néons… », ce diable argentin qui m’a tout à fait entortillée dans ses fictions en abîme, perdue dans les limbes de son livre qu’on lit presque comme si on était en train d’essayer de l’écrire, tant il n’y est question que de cela, de l’écriture, de l’art jublilatoire de raconter des histoires, de l’imbrication des fictions les unes dans les autres.
De plus en plus souvent, les livres viennent à moi via le web. Et une fois qu’ils sont là , je referme mon mac, je débranche, j’abandonne mes « friends » et mes « followers », j’oublie mon agrégateur, et je plonge. Vers les néons d’un sous-marin, bientôt, et, pour l’instant, dans la vitesse des choses.
j’aime bien « librairire » – surtout ne corrige pas!
et content de voir que Pensées Classées est sur ton chemin aussi
pareil pour la « Vitesse des Choses », très longtemps que n’avais pas été attrapé comme ça par un roman, ses nappes de construction, même si de toute façon, sur un format pareil, des inégalités, on retombe toujours sur une page qui rattrape le reste, comme ses morts qui basculent tête en bas pieds en haut pour soutenir nos pas
vais donc te suivre pour les « Néons sous la mer », mais vais quand même aller voir ce qui se passe chez les followers du twit aux pauses
… Oui, les livres viennent presque désormais uniquement à moi via le web également… Et ils pourraient venir plus encore à moi via le web si tu nous faisait partager plus souvent tes lectures Virginie ;-). Bonne initiative en tout cas à continuer et prolonger. A moins que tu ne le fasse avec régularité sur Babelio, LT, GoodReads ou ailleurs ? Which one ?
non, Hubert : ces grosses bases de partage ne servent à rien, alors que l’ensemble des singularités de nos blogs, par les liens qui les assemblent, constituent de fait une nappe 2.0, mais capable de préserver les singularités, l’expérience subjective du livre – autre chose : si j’avais pu disposer de « La vitesse des choses » en numérique, j’en aurais aussi profité hier et aujourd’hui dans mon voyage à Montpellier – le web c’est pas simplement « faire venir les livres », ça doit de plus en plus les faire naître – on aimait bien lire la Feuille sur ces questions, quand il y avait des billets quotidiens !
Une question intéressante, qui renvoie à celle du statut de la critique et aux différents discours sur le livre…
Ça pourrait d’ailleurs aussi bien être “Pourquoi parler des livres qu’on n’a pas encore lus†ou de ceux qu’on a lus.
En tout cas, il me semble que la question n’est pas sans rapport avec la discussion lancée par Silvère Mercier sur Bibliobsession à propos de système d’office pour les bibliothèques qui donne lieu à des commentaires bien intéressants.
Alors, confidence “extimeâ€, destinée à la recherche de lien social, information altruiste ou promotion commerciale ? L’interprétation change sans doute selon que l’on prend le point de vue de l’énonciateur ou celui du récepteur.
la « Vitesse des Choses », est-ce que c’est le web qui me l’amène? oui, et aussi le merveilleux de tenir, pour ce qu’on a de noyau le plus dense, de tenir entièrement au creux de ce maillage
avais perdu le papier gribouillé « Vitesse des choses » pour quand j’irais en ville, papier perdu oublié, puis lavé avec le pantalon, effacé mietté, mais intact reparu ce titre, ici
merci, Virginie, me doutais bien que ça provoquerait parfaite réponse!
Pourquoi parler des livres qu’on n’a pas encore lus†ou de ceux qu’on a lus…
J’adore cette interrogation.
Parce que j’adore faire parler des lecteurs, de leur lecture ou d’autres choses… scénariser et web designer le désir de lecture.
Parce qu’elle aussi interroge sur la matérialité de la posture du lecteur et son sens dans la nappe 2.0.
Que peut un livre pour un lecteur ?
Je crois depuis le début (Zazieweb à l’appui) que ce qui donne sens c’est le lien, la faculté de créer du lien, de la médiation 2.0, appelons ça comme on veut, comment on valorise la posture du lecteur, au-delà de l’opinion, vers un appareil critique : élever une opinion au rang de valeur critique et le valoriser au sein d’un réseau social articulé, sémentarisé, qui raconte lui-même une histoire… de lecture ? avec au coeur, pas le catalogage, pas le re-re-post, pas l’auteur, pas le libraire, pas le bibliothécaire, pas l’éditeur mais le livre et le(s) lecteur(s) qui sont autant de lectures du texte.
Il y aurait autant de livres que de lecteurs, de lectures que de livres…
Je ne crois pas à l’empilement/l’enquillement contemporain des plates-formes de blogs ou alors il faudrait précisément être capable de les travailler…
Ce qui m’intéresse c’est non seulement de ne pas avoir lu « Des néons sous la mer » mais savoir ce que l’éditeur, l’auteur, la presse, d’autres lecteurs en ont dit, en diront… et de pouvoir « travailler » ce livre en e-lecteur actif. Ce qui suppose une base de donnée, une articulation, une construction de sens autour de ma pratique individuelle de lecteur.
Cataloguer oui mais pourquoi faire ?
Bloguer chacun dans son coin à la post leu leu oui mais so what ?
Quelle est l’articulation sémantique de tout celà ? La posture éditoriale, que veut/peut le lecteur in fine ?
Qu’est ce qui fait qu’un lecteur parle de livres et pourquoi le ferait-il ici plutôt qu’ailleurs ? Quel est le gain du lecteur ?
Les réponses sont le plus souvent uniquement technologique… mais souvent virtuose : Facebook, librarything… et inclus dans la posture de lecture une forte articulation sociale. Le livre est un prétexte à la valorisation du lecteur au même titre que le friends…
De la nappe 2.0 au tissage de liens, au tricotage sémantique, bref vers le patchwork mashuppé et éditorialisé qu’on attend tous…
Moi ce que j’aime c’est qu’on mashuppe ma lecture… et que je puisse la mashupper !
Et moi, ce que j’aime, c’est quand Isabelle vient partager ses réflexions sur teXtes, elle est complètement mashuppée, Isabelle, et ça ne date pas d’hier ! Donc bienvenue et hommage à la créatrice de Zazieweb.
Ce que j’aime aussi, c’est cette figure de la « nappe 2.0 », articulée à celle du lecteur.
Même si je ne suis pas si sûre que ça d’avoir toujours envie de mashupper mes lectures, mais parfois aussi qu’elles alimentent mon jardin secret, ma rêverie intime, dans le silence et la tranquilité, loin des flux et des réseaux, du côté de l’immobilité : lacs, étangs, flaques..
« vers le patchwork mashuppé et éditorialisé »
ben oui, Isabelle, mais faut que tu repiques au truc pour nous expliquer ce que ça veut dire ? !
et merci à la webmaster de son excursion cinémathèque hier soir!
Rattrapé par la vitesse des choses moi même j’avais pris le pavé sans même le feuilleter, pour le laisser quelques minutes plus tard au coin du lit de la dévastatrice, qui en bonne cubaine se jette généralement avec appétit tout ce qui sonne argentin. N’y résistant pas, j’entrouvris le livre pour y chercher quelque auspicieuse dédicace à griffonner et y fus happé immédiatement.
Je ne sais combien de pages plus tard, je me suis retrouvé dans la rue, hagard et dévoré par une furieuse envie d’écrire.
Je n’avais pas ressenti cela depuis Mullholland Drive de David Lynch. La fois d’avant c’était au sortir de « Mon 20eme siècle » un film de faconde totalement féminine enfin rencontré. La fois d’avant c’était « le Manuscrit trouvé à Saragosse ».
Cette démangeaison n’est pas nécessairement plaisante mais elle m’est précieuse car elle force en moi la reliance avec ces voix qui n’ont pas encore de bouche.
« Ce n’est pas la faute du cuivre s’il se réveille clairon »