Espèces d’espaces : géolectures

On se souvient de la série « We tell stories » : Les éditions Penguin avaient fait travailler ensemble des romanciers et des concepteurs de jeux spécialisés dans les « ARG » (Alternated Reality Games), et ils revisitaient ensemble des romans classiques. Le premier de la série utilisait GoogleMaps. Le dispositif faisait surgir les portions de texte sur la carte, et l’on se déplaçait sur la carte en suivant les pérégrinations du héros.

Un autre dispositif de lecture utilise Google Maps, et je trouve intéressant de rapprocher les deux : il s’agit de l’adaptation d’un roman de Christoph Benda, intitulé Senghor on the Rocks. On a là aussi un mash-up, mais la conception est radicalement différente. Dans « The 21 steps », le texte s’inscrivait sur la carte, dans un dispositif de lecture en rupture complète avec l’univers visuel du livre. Avec Senghor on the Rocks, le dispositif simule à l’écran l’expérience classique de la lecture, et c’est dans une pseudo page que vient s’afficher la carte interactive issue de Google Maps en mode satellite.

J’avais admiré la belle finition de « The 21 steps » tout en trouvant à la longue assez difficile à suivre cette histoire semée sur la carte, et assez pénible dans la durée une lecture hachée par des manipulations. L’immersion dans la carte empêchait un peu l’immersion dans le texte, et le « mi-chemin » entre lecture et jeu ne fonctionnait pas très bien.

Est-ce que la plus grande soumission de la carte au livre qu’on peut observer dans Senghor on the Rocks est plus convaincante ? Difficile à dire avec un texte en allemand, que je lis mal, mes souvenirs de cette langue pourtant apprise ayant été fort mal entretenus.

J’avoue que je suis toujours un peu gênée lorsqu’on vient simuler un livre sur l’écran de mon ordinateur, je me souviens l’avoir déjà été il y a des années à la sortie du cédérom « Le livre de Lulu » qui utilisait lui aussi la métaphore du livre aux pages qui se tournent. Gênée, et en même temps séduite, la perfection de l’imitation ayant un fort pouvoir de séduction, un peu comme on admire un dessin très ressemblant : ce que l’on admire c’est la ressemblance, conçue comme une performance, même si le dessin est de peu d’intérêt.

Mais j’apprécie, ici comme dans l’expérience We tell stories, les efforts d’exploration autour du concept de livre numérique. Différentes manières de tirer les conséquences de la nouvelle disponibilité du texte, et le désir de le confronter aux autres formes de représentation : ici, la carte, figuration de l’espace, qui tente de s’articuler avec l’espace de la fiction.

Germanophones qui passeriez ici, dites-nous ce qu’il en est de l’expérience de lecture proposée par Benda !

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Une réponse à Espèces d’espaces : géolectures

  1. PhilippeG dit :

    Que pensez-vous du dialogue plus équilibré entre le texte et la carte sur http://lisbon.pessoa.free.fr ? Le site propose en particulier une version imprimable du guide touristique de Fernando Pessoa sur sa Lisbonne, pour reproduire également ce dialogue en version papier (même si la recherche de numéros sur la carte est un peu plus laborieuse que le simple clic de la version interactive).

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