… lire le billet d’Hubert Guillaud sur l’édition numérique vue de l’autre côté de la Méditerrannée.
Nous étions quelques uns, conviés par l’association Diversités, à participer à une rencontre avec des éditeurs du Maghreb, et Hubert restitue parfaitement l’essentiel de ce que ces échanges nous ont permis de découvrir de de comprendre. Extrait :
« Il est intéressant de constater que les questions que nous adressent les éditeurs du Sud sont les mêmes que celles que se posent les éditeurs du Nord. Quels contenus vont-ils pouvoir proposer ? Vont-ils pouvoir faire exister les leurs dans une culture toujours plus Mainstream, comme l’explique le livre éponyme de Frédéric Martel ?
Qui diffuse et qui vend ? La question de la constitution d’une chaîne de diffusion numérique est aussi importante des deux côtés de la méditerranée, chacun comprenant bien que sans elle, rien n’est possible, et que celles que proposent Apple, Amazon ou Google, ne sont peut-être pas des solutions sans conséquences pour la chaîne du livre et la diversité culturelle.
La question de l’accès est bien sûr essentielle. Celle de la démocratisation des supports, celle des possibilités de connexion ou de modes de paiement bien sûr. Mais peut-être plus encore, celle de l’accès à la culture. Au Nord comme au Sud, ces outils s’adressent d’abord à ceux qui lisent, à ceux qui ont le plus de moyens économiques ou culturels. Qui s’adressera aux autres ? »
Tandis que nous apprivoisons le concept d’économie de l’attention, dans notre petit monde où la question pour le livre est celle de sa visibilité au milieu d’une profusion de contenus disponibles, nous oublions que cette profusion n’est pas le cas partout sur la planète, que pour quantités d’individus il est difficile et parfois impossible de se procurer des livres, et que le numérique ne peut être la solution immédiate, la clé magique pour un accès enfin universel à la connaissance, lorsque les infrastructures manquent, lorsque les accès sont rares, instables, et chers.
Hubert restitue de manière très fidèle et exacte les propos de nos interlocuteurs marocains, algériens et tunisiens. Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il nous a proposé, lui, une brillante réflexion sur l’avenir du livre, à base d’exemples qui tous interrogent les destins que l’on peut imaginer pour les livres, lorsque ceux-ci s’affranchissent de leur support imprimé. Destin algorithmique, souvent, puisque le texte peut désormais être visité par des robots, puisque les pratiques de feuilletage, de navigation, d’achat, de consultation, de lecture, laissent des traces observables, quantifiables et manipulables. Livres enrichis, illustrés, multimédias, connectés, livres de demain, pour quels lecteurs, du Nord, du Sud, pour quels rêves partagés ?
Se référer au billet d’Hubert pour les liens vers les éditeurs du Maghreb. D’autres éditeurs du sud, du sud de la France, étaient là également, naturellement tournés vers le monde méditerranéen : Fabienne Pavia, des éditions le Bec en l’Air, qui ne rate pas une année la foire du livre d’Alger et nous donne, à la manière dont elle en parle, envie d’y aller ; Marion Mazauric, la « chef » du Diable Vauvert (chef du Diable, comme il est écrit sur sa carte de visite…), dont la maison d’édition installée en petite Camargue fête cette année ses dix ans, a su témoigner de la vision du numérique qui est celle d’un éditeur indépendant, qui cherche toute occasion de faire connaître son catalogue et de défendre les voix d’aujourd’hui, à travers des expérimentations sans tabous. Plus au nord, engagé au plus concret de la mutation numérique chez Flammarion, Florent Souillot a ouvert ses fichiers, expliqué les processus de production, détaillé le quotidien d’une mutation partagée par de plus en plus d’éditeurs. Xavier Cazin, (Immatériel) lui aussi, déroule des questions, diffusion et distribution, modèles économiques, rôle des plateformes. Pierre Fremeaux, à travers la présentation du réseau social dédié à la lecture Babelio, dont il est l’un des cofondateurs, nous rappelle la place des lecteurs, leur rôle, la puissance qui est désormais la leur. Denis Lefebvre d’Actialuna déconstruit pour nous les évidences de la lecture, pour les reconsidérer sous l’angle du numérique, à grand renfort de questions et d’expérimentations.
Saluons Jean-François Michel, instigateur de ses rencontres, artiste de la pollinisation : se parler au delà des métiers, à travers les événements organisés par l’Atelier Français : livre, presse, cinéma, musique, jeu. Se parler au delà des frontières, d’un bord à l’autre de la Méditerrannée.
Ci-dessous, quelques instants filmés au vol :
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