Réviser sa géographie

Comme je twittais en direct depuis la table ronde à laquelle je participais aujourd’hui à Tallinn, en Estonie, à l’occasion de la foire du livre Balte, Christine Génin, qui anime l’excellent blog lignes de fuite,  indiquait sur Twitter qu’elle avait du chercher sur Google pour localiser précisément Tallinn sur la carte. Et moi de la rassurer, en disant que j’étais #nulleengeomoiaussi, et que j’avais du faire de même en recevant l’invitation.

Arrivée hier soir dans cette ville, au bord de la mer Baltique, à 2h30 de ferry de la Finlande, et à 400km de St Petersbourg. Ce matin, une table ronde (en trois sessions successives ) réunissait des intervenants estoniens, lettons, allemands et français, l’événement ayant été porté conjointement par les représentations allemandes et françaises à Tallinn.

J’ai retrouvé ici Samuel Petit et Denis Lefebvre, d’Actialuna (devenu Sequencity), déjà croisés dans des bookcamps et à des réunions organisées par Cap Digital, ainsi qu’un professeur de lettres de Nancy, Blandine Hombourger, venue témoigner de son usage des manuels numériques et de l’ENT dans le collège où elle enseigne, qui utilise TBI et ordinateurs portables. Rémy Gimazane, du Ministère de la Culture, parlait du droit d’auteur et expliquait le projet français de numérisation des Å“uvres épuisés, projet très proche de celui qui devrait se mettre en place en Allemagne, que nous présentait Jessica Sänger, juriste attachée au Bösenverein.

L’objectif était d’aborder différents aspects du numérique dans l’édition, ce qui explique la grande variété des intervenants, responsables de bibliothèques, spécialistes du droit d’auteur, représentants du monde de l’édition et de l’enseignement.

Curieusement, alors que l’Estonie est très en avance en ce qui concerne la généralisation de l’accès à internet et l’usage du web (ici, on peut voter en ligne ou via téléphone mobile), l’édition numérique en est encore à ses balbutiements. Alors qu’on trouve pratiquement partout, je l’ai vérifié dans chacun des lieux où je suis passée,  une connexion wifi immédiate et graduite, à l’hôtel, au centre de conférence, mais aussi dans le premier café venu ou dans une librairie, certains services comme iTunes ne sont pas disponibles en Estonie. Une différence aussi, quand les estoniens évoquent les réseaux sociaux, ils mentionnent Facebook mais aussi Orkut, qui n’est pratiquement pas utilisé en France.

Denis Duclos, Conseiller de Coopération et d’Action Culturelle et Directeur du Centre Culturel Français, qui a porté ce projet avec le Goethe Institut, nous a accueilli très chaleureusement, et a su nous communiquer son intérêt pour ce pays du bout de l’Europe, où se mêlent les influences russe, allemande et nordique. La langue estonienne, qu’il apprend, n’est pas une langue indo-européenne, mais une langue finno-ougrienne.

Il m’aura manqué 48h pour faire un saut à Helsinki, ou visiter le KUMU, le nouveau musée construit par l’architecte finlandais Pekka Vapaavuori. Les Finlandais sont nombreux à venir à Tallinn le week-end, pour y consommer de l’alcool, dont l’usage est moins réglementé ici qu’en Finlande, et fréquenter les spas dont le prix est moins élevé qu’à Helsinki.

J’ai affronté la tempête pour vous rapporter quelques images un peu tremblantes du vieux Tallinn, histoire de vous mettre dans l’ambiance. (Le vent fait un sale bruit dans le micro de ma petite caméra.)

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à propos de Craig Mod

Hubert Guillaud, sur La Feuille,  attire notre attention sur cet article de Craig Mod, et j’ai envie moi aussi d’y faire écho ici. Pour mettre en avant d’autres remarques de Craig qui me semblent également pertinentes. Et pour partager avec vous une de ces petites découvertes que nous réserve parfois le web.

Craig Mod possède un iPad, et il est fort mécontent de la qualité de lecture que lui proposent les deux applications qu’il cite, iBooks et Kindle.app. Ce n’est pas le terminal qui est en jeu ici : il n’a rien à reprocher à la qualité de l’écran, ni au poids du iPad.  Non, ce qui ne va pas, c’est ce qu’il a sous les yeux : des textes mal présentés, comme si le savoir faire en matière de mise en page avait été oublié, comme si, en abandonnant l’encre et le papier, on abandonnait aussi toute exigence en matière de traitement du texte écrit. Il déplore ce sur quoi beaucoup d’autres se pâment : la métaphore du livre à laquelle les développeurs du lecteur iBook se sont soigneusement attachés, cherchant à offrir une expérience qui simule le plus finement possible l’expérience de manipulation d’un ouvrage imprimé. Résultat, pour faire de la place à cette métaphore, une partie de l’écran ne sert qu’à abriter le graphisme imitant des pages empilées les unes sur les autres, imitant sans aucune autre raison que celle de rappeler ce qui a disparu, le relief du livre, la déclivité des pages enserrée dans la reliure, et jusqu’à cet effet, déjà vu sur le web sur de nombreux feuilleteurs, de la page qui s’enroule et se tourne, petite performance infographique qui en jette toujours, qui produit son effet la première fois qu’on la voit. Tous les efforts se sont concentrés sur la restitution de l’objet disparu (le kitsch qui en résulte est détaillé abondamment  dans le billet des designers d’Information Architect’s inc intitulé « Designing for iPad : Reality Check » ) et absolument pas sur la qualité de l’expérience de lecture, pas sur le texte, sur le détail de sa présentation, l’hyphénation,  le traitement des veuves et des orphelines (termes parfaitement bien expliqués dans ce billet de Marc Autret.)

Hubert insiste également, au grand dam de ses premiers commentateurs, sur l’autre remarque de Craig Mod concernant l’absence d’exploitation par ces applications de lecture des métadonnées des livres. Même si, et on en a souvent discuté avec Hubert, je suis plutôt une lectrice solitaire, un brin sauvage, et que j’ai plus envie d’un tête à tête avec le texte que d’un accès aux traces de lecture des autres lecteurs, je conçois que ces fonctionnalités ont leur intérêt : pour certaines lectures, pour des lecteurs ne partageant pas ce désir d’intimité exclusive avec le texte qu’ils sont en train de lire.

Une certitude, l’informatisation de nos lectures autorise de nombreuses formes de suivi de celles-ci, de « pistage » pour traduire littéralement le terme « tracking », et ces données peuvent effectivement être partagées, de lecteur à lecteur. Elles intéressent également au plus au point tous ceux pour qui toute information précise sur nos habitudes est une matière première, celle qui permet  à un marketing qui tente de segmenter de plus en plus finement le peuple des consommateurs de cibler précisément les acheteurs potentiels de tel ou tel produit. Certains vont jusqu’à imaginer que ces données (où s’arrêtent les lecteurs dans leur lecture, sur quelle page ont-ils buté, quel passage ont-ils sauté, quels retours en arrière ont-ils effectué…) puisse intervenir dans la fabrication des bestsellers, un peu comme ce qui s’observe à la télévision : si le spectateur n’est pas happé par l’action dans les trois premières minutes, il va zapper, si celle-ci se trouve ralentie, il va zapper, aussi l’écriture des scénari de série devient-elle toujours plus rapide, spectaculaire, au risque d’observer de véritables tics dans les figures narratives proposées aujourd’hui.

La disponibilité potentielle de ces données pose en premier lieu la question de la protection de la vie privée, car elles ont évidemment un intérêt commercial plus fort si elles ne sont pas anonymisées. Elle interroge aussi la nature des échanges culturels, le risque, à toujours se voir proposé ce qui est susceptible de nous plaire, d’enfermer petit à petit chaque lecteur dans une niche douillette correspondant à ses centres d’intérêt initiaux, et une difficulté à se confronter à l’inconnu, à s’exposer aux divines suprises, à accéder à ce qui est étranger, nouveau et  souvent déconcertant au premier abord.

À propos de Craig Mod, j’ai retrouvé ailleurs sa trace sur le web : sur un site qui permet à des particuliers de financer des projets, nommé kickstarter. Le projet de Craig Mod est la réédition d’un ouvrage qu’il a coécrit avec Ashley Rawlings nommé  « Art Space Tokyo », réédition sous forme imprimée et nouvelle édition sous forme numérique.  Le principe du site est simple : chacun expose son projet, et indique la somme qu’il a besoin de réunir  ainsi qu’une date butoir pour le démarrer. Les donateurs ne sont débités que si la somme plancher est atteinte à la date indiquée. Craig et ses associés avaient indiqué qu’ils avaient besoin de 15 000$ avant le 1er mai, la somme est déjà dépassée de plus de 4000$, aussi verrons-nous bientôt ce « Art Space Tokyo », et pourrons-nous tester sa version iPad, qui, nous dit Craig, devrait mettre en pratique ses observations concernant la lecture sur iPad.

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Encore le Cloud…

bleuQuel dommage de parler de « clouds » en ce beau premier week-end vraiment printanier… Mais je n’ai pas le choix. suite à une intervention que j’avais faite au TOC de Francfort en octobre dernier, on m’a demandé de participer, lors de la prochaine foire du livre de Londres, à une table ronde sur le thème « Clouds : What are They Really About, and What is Their Impact on Publishers? »

Bonne occasion pour sortir mon blog de sa léthargie, et essayer de faire ce à quoi sert un blog : réfléchir tout haut, réfléchir avec vous, ouvrir la boîte, et m’aider de votre possible lecture pour avancer dans la préparation de cette table ronde.

Je suis loin d’être une spécialiste de la question, et c’est pour ça que ça m’intéresse… Les premières explications concernant le cloud computing, c’est au théâtre de la Colline, lors d’une conférence donnée dans le cadre d’Ars Industrialis que je les ai trouvées. J’ai approfondi cette affaire en lisant le livre co-écrit par Christian , Alain Giffard et Bernard Stiegler, intitulé « Pour en finir avec la mécroissance« .

A Francfort, je me suis demandé ce que pourrait bien devenir l’industrie du livre, si on se mettait à la définir non plus comme « produisant » des livres, mais comme proposant des services, en détournant l’un des sigles qui déclinent ceux que le cloud computing propose : « PAAS = Publishing As A Service ».

J’avais bien conscience, dans cette présentation, de jouer un peu sur les mots, en considérant comme « dans les nuages », toute l’activité qui entoure le livre et qui se situe en ligne. En effet, il ne suffit pas qu’un service soit proposé en ligne pour qu’il relève précisément  du « cloud computing », ou alors, on enlève à ce concept sa véritable substance, considérant chaque serveur comme un petit nuage…  Non, lorsque l’on parle de « cloud computing », on parle non pas de serveurs dispersés et gérés de façon autonome, tous reliés par internet. On parle de gigantesque installations industrielles, contenant des centaines de milliers de serveurs, offrant d’énormes capacités de stockage et de calcul. On parle aussi « virtualisation », et là, je cite Christian Fauré :

La virtualisation est un procédé qui consiste à dé-corréler la vision physique de la vision logique des infrastructures de machines. On peut ainsi avoir une seule machine physique qui est considérée comme étant une multiplicité de machines logiques. Bien que la technologie de virtualisation ne soit pas toute récente,  Amazon a relevé le défi non seulement de la mettre en place sur de très grandes quantités de machines, mais en plus d’automatiser l’allocation
de ses ressources logiques, permettant ainsi à tout internaute de mettre en place un serveur virtuel, en ligne et sans intermédiaire. Nombre de jeunes sociétés web s’appuient aujourd’hui sur les infrastructures d’Amazon pour disposer d’une puissance de calcul et de stockage « à la demande » et élastique, précisément pour ne pas s’effondrer en cas d’augmentation des consultations sur leur site. »

La complexité et le gigantisme de ces installations industrielles, mises en place par des acteurs dont on imagine que, parce qu’ils opèrent sur le web, ils ne brassent que du virtuel, de l’immatériel, a été un réelle découverte. D’ailleurs, l’idée très bien implantée qui consiste à considérer que « du moment que ça passe par Internet, cela ne coûte rien, c’est virtuel, ce sont des « bits », pas des atomes, alors n’allez pas nous faire croire que cela coûte cher » s’appuie sur cette vision naïve d’une société de la connaissance qui serait post-industrielle, brassant uniquement de la matière grise à l’aide d’impulsions électroniques sans presque aucune inscription dans la matière. Amazon, Google, Microsoft, IBM, Apple, possèdent de telles installations, et continuent d’en construire. Où croyez-vous que sont stockés vos photos sur Flickr, vos vidéos sur YouTube, vos messages sur Twitter, vos publications sur Facebook, et vos billets de blog ?

Alors, l’édition dans les nuages ? Ce que j’avais eu envie de mettre en avant à Francfort, c’est le fait que le livre n’avait pas besoin d’être numérique pour avoir quelque chose à voir avec le cloud. Que déjà, alors que le livre numérique en France en est encore à ses balbutiements, le monde des livres avait déjà en partie migré sur le web, et probablement « dans les nuages » aussi. Que déjà, le concept de « chaîne du livre » était devenu inopérant, et cédait la place à quelque chose qui ressemblait bien plus à un réseau, dont bien des nÅ“uds, déjà, étaient dépendants du cloud computing. Notre bouquinosphère, par exemple, mais aussi le web littéraire, avec lequel elle a des intersections. Auteurs-blogueurs, pro-am de la critique littéraire, certains libraires et éditeurs, tous utilisent des services et des plateformes qui bien souvent s’appuient sur ces infrastructures « dans le nuage ».

Du côté des éditeurs, les exemples de nouvelles offres éditoriales tout à fait susceptibles d’utiliser le cloud computing se multiplient également. Les sites proposant du « pick and mix », offrant la possibilité aux utilisateurs de composer eux-mêmes le livre qu’ils pourront ensuite consulter en ligne, télécharger ou imprimer à la demande se sont multipliés. Construits autour de thématiques comme la cuisine, ou bien édition scolaire et universitaire, ces sites s’appuient sur des plateformes permettant d’identifier et de sélectionner des éléments de contenu, textes et images, de les choisir et des les assembler. La plupart proposent aux utilisateurs de créer des ouvrages qui pourront mixer des contenus éditoriaux prééxistants et des contenus créés par l’utilisateur.

La vision de Bob Stein, celle d’une lecture connectée, communautaire, collective, de textes disponibles en ligne et accompagnés de dispositifs permettant annotation et échanges entre lecteurs, s’appuie également sur un concept de plateforme en ligne, offrant à la fois l’accès à un contenu et l’accès à des services qui vont au-delà du simple affichage du texte.

En vérité, chacun des services cités n’était pas nécessairement situé dans les nuages, au sens strict du terme. Susan Danzinger, la fondatrice de Daily-Lit, que j’avais questionnée à ce sujet m’avait répondu que l’offre qu’elle propose n’utilise pas le cloud computing, pour la raison simple que ces solutions ne permettaient pas de gérer comme elle le souhaitait les envois de mail, et que le service qu’elle propose (envoi à la demande d’un livre numérique sous forme d’extraits successifs, adressés soit par mail,  soit vers un agrégateur de fils RSS)  exigeait cela.

La grande idée du cloud, pour la résumer très sommairement,  c’est de demander aux dirigeants d’entreprise : de quoi avez-vous besoin ? de salles informatiques bourrées de serveurs pour héberger les applications que les salariés de votre entreprise utilisent ? ou bien que ceux-ci accèdent simplement à ces applications pour les utiliser ? Pourquoi vous embêter avec le stockage, l’installation, la maintenance, la mise à jour, le dimensionnement ? Nous pouvons faire tout cela pour vous. Vous n’avez pas besoin d’acquérir des licences et d’installer des logiciels. Vous avez besoin des services que ces logiciels  vous rendent.

À quoi bon être propriétaire ? À quoi bon vous embêter à entretenir votre bien, à réparer la toiture, à changer la plomberie, à refaire les peintures ? Avez-vous vraiment besoin de cela ? Ou bien plutôt d’un toit pour vous abriter, et que quelqu’un s’occupe pour vous de faire en sorte que ce toit ne prenne pas l’eau, ou vous propose une pièce supplémentaire le jour où la famille s’agrandit…

L’édition dans les nuages, selon Google, c’est Google Recherche de Livres, mais aussi Google Editions :  à quoi bon télécharger vos livres ? Laissez-les sur le nuage. A quoi bon les stocker sur votre disque dur, à la merci d’un plantage ? Votre bibliothèque entière sera dans le nuage, disponible en quelques clics (ou en quelques caresses sur l’écran de votre iPad…). Vous vous y faites très bien en ce qui concerne vos mails, utilisateurs de Gmail, Yahoo ou Hotmail… Est-ce que cela vous dérange vraiment de ne pas stocker vos mails sur votre disque dur ?

L’édition dans les nuages, selon Amazon, c’est ce livre que vous commencez à lire sur votre Kindle, et dont vous poursuivez la lecture sur votre iPhone, où il s’ouvre directement à la bonne page… La synchronisation se fait via le nuage d’Amazon, qui stocke et traque vos lectures. Mais c’est aussi ce livre que vous aviez acheté, et qu’Amazon efface de la mémoire de votre Kindle sans vous demander votre avis…

Olivier Ertzscheid, nous met en garde :

« Pourtant, et maintenant que les grands acteurs du web sont bien positionnés dans les nuages, maintenant que chacun d’entre nous, particulier ou institution/entreprise dispose quotidiennement de ces services le plus souvent dans la plus parfaite transparence/ignorance, maintenant qu’au-delà des seuls accès ce sont également nos pratiques, nos médiations, qui prennent place dans la distance offerte par ces nuages, il est temps de sortir de l’imaginaire cotonneux dans lequel nous entraîne et que co-construit le vocable même « d’informatique dans les nuages ».

Sortir de l’imaginaire cotonneux, certes, et demeurer vigilant. Remplacer cet imaginaire cotonneux par une connaissance suffisante de ce que recouvre cette terminologie séduisante, une réflexion nourrie sur les conséquences des basculements qui s’effectuent déjà, pour autoriser des prises de décision qui ne se basent ni sur des peurs fantasmatiques ni sur des enthousiasmes naïfs.

Une maison d’édition est susceptible d’avoir affaire au « cloud computing » à plus d’un titre :

– en tant qu’entreprise, elle peut faire le choix d’offres « XAAS » pour son informatique de gestion.

– elle peut également développer de nouvelles offres éditoriales impliquant l’utilisation de services basés sur le « cloud », ce qui l’engage à repenser et transformer ses processus de production, comme l’ont fait les premiers les éditeurs scientifiques comme Elsevier, en partenariat avec MarkLogic.

– elle s’inscrit, je l’évoque déjà plus haut,  dans un écosystème qui utilise déjà largement des services basés sur le cloud computing, qu’il s’agisse de repérer des auteurs ou de promouvoir ses titres : l’usage des réseaux sociaux, tous adossés à des solutions « cloud », se développe considérablement.

Enfin, et c’est peut-être là le point le plus important, l’éditeur,  qui n’existerait pas sans ses lecteurs, se doit de s’interroger sur l’impact du « cloud computing » sur la lecture elle-même, et sur la définition de la lecture numérique à l’ère des lectures industrielles,  objet des recherches d’Alain Giffard, récemment invité des assises professionnelles du livre organisées par la commission numérique du SNE.

J’ai filmé avec ma petite flip caméra, en tremblotant un peu, un petit moment de cette intervention, qui n’est pas sans rapport avec ce dont il est question ici, le voici :

Que ferons-nous des nos livres, en effet, s’ils s’en vont sur les nuages, et que ne parvient pas à s’inventer un art de la lecture numérique ? J’arrête ce billet, plus que je ne le termine,  tant les questions sont loin d’être toutes abordées et traitées,  en citant Alain Giffard :

« Les faiblesses des robots de lecture permettent d’établir ce point que je crois décisif : le dispositif actuel de lecture numérique suppose un lecteur doté à la fois d’une grande responsabilité et d’une grande compétence. Il est responsable non seulement de l’établissement du texte pour la lecture, mais aussi de la technologie, de sa propre formation, et de sa participation au réseau des lecteurs. Il ne confond pas pré-lecture et lecture, «hyper-attention» et attention soutenue, lecture d’information et lecture d’étude, acte de lecture et exercice de lecture. Il sait identifier et rectifier le travail des robots. Même l’industrie de lecture reconnaît que son activité suppose un tel lecteur. Pour se défendre à propos des erreurs relevées dans les moteurs de Google Books, les dirigeants de Google soutiennent que l’ampleur du texte numérique impose l’automatisation avec sa part d’erreur machinique inévitable et donc l’activité de correction des internautes. Autrement dit, à l’inlassable industrie de lecture du robot doit correspondre l’interminable activité de rectification du lecteur compétent. »

Je ne suis pas un robot, mais je fais appel aux lecteurs compétents que vous êtes, pour apporter corrections et rectifications à ce billet…

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controverse du grille-pain, suite…

Ceux qui suivent depuis longtemps ce blog et quelques autres, inscrits dans la « bouquinosphère« , se souviennent peut-être de la « controverse du grille-pain« … le nom que, par plaisanterie, nous avions donné à une discussion récurrente que je pourrais résumer ainsi : Existe-t-il un avenir pour les liseuses, instruments dédiés à un usage spécifique et circonscrit, la lecture immersive de textes, assez proche de l’usage d’un livre imprimé, face aux terminaux multi-fonctions permettant l’interactivité,  reliés en permanence à internet, affichant du texte, mais également les liens hypertextes, des images en couleur, des animations, des vidéos, et rapprochant lecture et écriture ?

Nous somme à quelques petites semaines de la sortie du iPad d’Apple, qui n’est pas le seul modèle de tablette, et qui sera certainement suivi de la mise en vente d’autres modèles, que ce soit celui de Microsoft, ou celui, qui n’a fait l’objet d’aucune véritable annonce mais sur lequel on peut raisonnablement compter, de Google.

Aussi fruste soit-elle, c’est bien la liseuse, objet assez peu sexy, en noir et blanc, à l’ergonomie sommaire, au design incertain, dont l’écran e-paper a l’avantage de ne pas fatiguer les yeux lorsque l’on s’attarde longuement sur un texte, mais l’inconvénient de sembler à première vue plutôt terne et austère, qui a fait l’objet d’une adoption rapide aux USA, avec la mise en vente du Kindle, et a abouti à ce chiffre encore modeste mais déjà significatif de 3% de chiffre d’affaires pour l’édition réalisé grâce à la vente de livres numériques.

Je note au passage avec une petite fierté, que le terme liseuse, que j’ai proposé pour désigner ce type de lecteur, à l’époque dans une discussion sur le site de Bruno Rives, et qui n’a pas fait, loin de là, l’unanimité pendant une longue période, tend à se généraliser. Bruno Racine l’emploie dans le livre qu’il vient de faire paraître, il figurait dans deux récents articles du Monde. Je sais qu’Aldus ne l’aime pas, mais le terme fait son chemin… Mon mari me gronde régulièrement de n’avoir pas déposé immédiatement le nom de domaine correspondant, (liseuse.com et liseuse.fr sont maintenant réservés), mais qu’en aurais-je fait ? Je ne suis ni fabricante de matériel, ni créatrice d’un logiciel, et d’avoir proposé un nom commun facilitant la désignation d’un objet ne me rapportera rien d’autre qu’un petit plaisir à chaque fois que je le vois employé… les petits plaisirs sont sans prix.

Les usages des livres sont multiples. Il existe un grand nombre d’objets particuliers qui n’ont entre eux rien de commun, sinon le fait d’être rangés dans cette catégorie « livre » uniquement parce qu’ils sont imprimés sur des feuilles reliées entre elles. Comment imaginer que  ces objets pourraient, une fois numérisés, être utilisés sur des terminaux de lecture ou de consultation identiques ?

Lorsque disparaît ce point commun (impression sur des pages reliées entre elles), parce que ces objets deviennent des objets numériques, il est évident que s’ouvrent à eux des « destins numériques » distincts les uns des autres. Les usages sont alors repensés. De nouveaux usages apparaissent. Les frontières bougent. Le paysage se recompose.

On part de ce que l’on connaît, c’est vrai pour les lecteurs comme pour les éditeurs, les auteurs, les libraires. On part des livres, de tous les livres.  Et puis on va vers ce que l’on découvre, vers ce que l’on apprend. On va vers d’autres formes, on entre dans une autre logique : les fichiers, manipulables, qu’il est possible d’agréger ou de fractionner, auquel on peut associer d’autres fichiers, vidéo, son, animation, programmes interactifs. Les fichiers, si légers et fragiles. On apprend à les créer, à leur donner forme, à les contrôler, à les stocker, à les décrire, à les distribuer. On se familiarise avec un vocabulaire nouveau, où les acronymes sont légion : pdf, epub, drm, onix, xml, dtd, api…

D’autres font le chemin inverse. S’ils ont grandi comme nous dans un monde où le savoir se trouvait essentiellement dans les livres, ils se sont vite retrouvés rivés à leurs écrans, leurs doigts galopant sur des claviers. Je ne parle pas des « digital natives ». Non, je parle des fondateurs d’Amazon, Google, Apple. D’entreprises dont la plus vieille n’a pas 35 ans, bien différentes les unes des autres, toutes les trois indissociables aujourd’hui des nouvelles technologies et du web, et qui s’intéressent au  livre, chacune d’une façon bien spécifique.

Eux aussi sont partis d’où ils se trouvaient. Leur langue maternelle est celle que nous apprenons péniblement. Nous peinons à nous représenter clairement ce qu’est une base de données. La maîtrise des bases de données est au cÅ“ur de leur activité. Eux aussi, s’approchant du livre, ont à comprendre ce qui nous est familier. Les règles du droit d’auteur, certes, pour l’un d’entre eux en tout cas, mais aussi les subtilités dans l’art de décrire et cataloguer les livres, le fait que dans certains pays, le livre n’est pas une marchandise comme les autres et fait l’objet de protections particulières, l’attachement à des notions comme la diversité culturelle, la pluralité de l’offre, le maintien d’un réseau dense de librairies physiques sur notre territoire.

Je m’éloigne un peu de la « controverse du grille pain », mais pas tout à fait…  Les objets techniques qui nous sont proposés aujourd’hui pour accéder aux textes numériques le sont par ces acteurs, et nous racontent leur vision du livre et de la lecture. Celui d’entre eux qui s’est construit autour du commerce en ligne des livres imprimés, est, on ne s’en étonnera pas, celui qui vient le moins bousculer la vision traditionnelle du livre. C’est la liseuse, qui essaie d’offrir une expérience de lecture comparable à celle offerte par un livre. Elle est connectable, bien sûr, mais à une seule librairie, évidemment. Et si les livres numériques de chaque utilisateur sont bel et bien stockés dans le « nuage » d’Amazon, le fichier est proposé en téléchargement, l’utilisateur se voit proposé une expérience de choix de livre, d’achat, de téléchargement, de stockage, qui est une transposition numérique – plutôt réussie, le Kindle est un succès -  de sa relation aux livres physiques.

Le livre vu par Google est bien différent. Que fait Google ? Ses robots scrutent et indexent le web en permanence, alimentant son moteur de recherche, afin de fournir les réponses les plus pertinentes aux utlisateurs à la recherche d’une information, quelle qu’elle soit. Scruter le web, c’était déjà  beaucoup. Mais scruter le web ET le plus grand nombre de livres possibles… c’était l’objectif du projet Google Book Search. Le livre, pour Google, c’est un immense territoire supplémentaire sur lequel lâcher ses robots, l’opportunité d’offrir en réponse à des requêtes, non seulement des sites web mais aussi des livres, en extraits ou dans leur totalité suivant leur statut juridique. Même si l’on s’attend à ce que Google propose dans les mois qui viennent un terminal, probablement une tablette, le premier outil de lecture proposé par Google c’est n’importe quel terminal permettant d’utiliser un navigateur web, le PC principalement, et les mobiles, de plus en plus. Le web, c’est la terre natale de Google. Le projet Google Editions repose sur l’idée que le meilleur endroit qui soit pour conserver vos livres numériques, ce n’est pas votre disque dur, mais bien le « cloud », le serveur perdu quelque part dans l’un des nombreux data-centers construits par Google aux quatre coins du monde, auquel vous accédez en permanence, et dans lequel le risque que vos livres soient malencontreusement perdus ou effacés est bien moindre que si vous les confiez à un disque dur fragile, jamais à l’abri d’une mauvaise manipulation ou d’une panne.

Et Apple, donc, avec le fameux iPad ? Parlons du iPhone, avant, qui est devenu, à la surprise de beaucoup, un support de lecture pour nombre de ses utilisateurs. Mais jusqu’à présent, les livres numériques sur l’iPhone se trouvaient dans une situation de « découvrabilité » assez difficile. Pour les applications tout-en-un (lorsque le livre est une application autonome, contenant dans un même fichier application permettant la lecture et le contenu du livre lui-même), le « magasin » était l’appStore, où il se trouvait en concurrence avec quantité d’autres applications de tout type. Le terminal, malgré sa taille réduite, a déjà permis à des sociétés innovantes de proposer des « livres augmentés » de grande qualité : augmentés de quoi ? De la possibilité de basculer à tout moment du mode lecture au mode audio, de l’ajout de vidéos, de possibilités de recherche. Mais l’iPhone permet également de télécharger des applicatifs de lecture spécifiques (Stanza, l’appli Kindle et quelques autres), qui permettent d’accéder ensuite à un catalogue de livres numériques sans devoir retourner dans l’appStore. Rien de tout à fait équivalent à l’expérience proposée par Apple pour l’achat de musique en ligne avec iTunes.

C’est sur l’iPad qu’Apple va lancer cela : ce sera l’iBooks store. Quelle vision du livre nous propose l’iPad, (enfin ce que l’on a pu voir et lire à son sujet, parce que peu de gens aujourd’hui l’ont eu en main) ?
Probablement pas une vision unique, si l’on parle de l’iPad, qui permettra de surfer sur le web, et donc d’accéder à toutes les offres en ligne. Ce qu’Apple nous montre à travers l’iBooks store de sa vision du livre, seules les quelques copies d’écran et indiscrétions nous permettent de le saisir aujourd’hui. On retrouve, avec la présentation des livres rangés sur une bibliothèque aux étagères en bois, le choix d’Apple d’employer des métaphores très immédiatement identifiables, rassurant l’utilisateur en se référant au monde qu’il connaît.
On fait confiance à Apple pour une expérience de navigation, de choix, et de commande « frictionless », c’est ce qui a fait le grand succès d’iTunes. Deux aspects me semblent essentiels en ce qui concerne l’iPad : son format et ses performances (définition, couleur) permettront à des livres qu’il était impossible d’adapter pour une lecture sur liseuse, d’être également maintenant diffusés en version numérique. L’aspect multi-fonctionnel, permettra d’accéder avec un terminal unique à différents types d’objets numériques : applications, jeux, vidéo, et la présence de livres parmi ces objets  semble une bonne chose. La possibilité d’objets hybrides, de faire bouger les frontières, de développer des collaborations entre auteurs, concepteurs de jeux et d’applications, réalisateurs vidéo, apparaîtra comme une évidence.

Choisir ? Pourquoi ? Si nous parvenons à faire ensemble que continue de se transmettre le goût des lectures immersives, celles pour lesquelles notre imagination demeure le meilleur outil pour « augmenter » le livre, il y aura probablement pour une longue période place pour ces différentes visions de l’accès à l’univers d’un auteur. Celle qui privilégie la lecture solitaire d’un texte, auquel suffisent les 26 lettres de l’alphabet pour enchanter notre esprit. Celle qui, envoyant les textes dans le nuage, nous permet de les découvrir sans les rechercher, ouvre la voie à des lectures collectives, annotées, partagées, et atténue la frontière entre lecture et écriture. Celle qui, via un objet conçu pour séduire les utilisateurs, pourrait permettre l’apparition d’écritures hybrides, de mariages inattendus, des rencontres de créateurs, et des expériences inédites, à la frontière de la lecture.

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Cliquer ? Non : toucher.

John Makinson, CEO de Penguin Books, présentait mardi à  Londres une série d’exemples d’utilisation de l’iPad :

Pour ce qui concerne l’édition jeunesse et le documentaire, cela donne une forte impression  de déjà vu : l’illustration très fouillée de la cathédrale façon Dorling Kindersley, la planche anatomique dans laquelle on peut zoomer, l’animal qui pousse son cri lorsque l’on clique sur touche son image. Cela donne l’impression d’être revenus au temps du CD-Rom, à l’interface tactile près, et probablement cela fait-il une différence importante pour l’utilisateur. Ce geste de toucher l’écran compte, de le toucher directement et non virtuellement grâce au curseur dirigé par la souris. Ça fait aussi une grosse différence, cette tablette qu’on tient, qu’on porte, qu’on emporte, qui nous suit alors qu’il fallait aller se poster devant l’écran de son PC pour manipuler les CD-Rom que l’on produisait dans les années 90.

Alors, livres augmentés, applications ?  Mike Shatzkin met en garde les éditeurs : ne recommencez pas les erreurs faites à l’époque des CD-Rom, si amusants à concevoir et à réaliser, faisant appel aux compétences de multiples créateurs, si coûteux, mais dont les ventes couvraient bien rarement les frais…

Que dit M. Makinson ?

« L’iPad représente la première véritable opportunité de créer un modèle de distribution payant qui sera attractif pour le consommateurs »

« La psychologie du paiement sur une tablette est différente de celle du paiement sur un PC »

« Et la plupart des contenus que nous allons créer à partir de maintenant seront des applications, qui seront vendus sur l’app Store et en HTML, plutôt que sous la forme d’ebooks. La définition même du livre est à réinventer.

« Nous allons encapsuler de l’audio, de la vidéo, du streaming dans tout ce que nous ferons. Le format .epub, qui est à présent le standard pour les ebooks, est conçu pour  s’adapter au texte narratif traditionnel, mais pas le genre de contenu dont nous sommes en train de parler. »

« Nous ne savons pas encore si oui ou non une introduction vidéo sera valable pour les utilisateurs. Nous trouverons la réponse à nos questions uniquement en procédant par essais-erreurs. »

Alors, pour le patron de Penguin,  le ePub, ce serait déjà « So 2009 » ?

On le voit, beaucoup d’excitation autour du iPad, mais aussi des supputations et de l’anticipation,  c’est du moins ce qu’on peut en conclure en lisant  ce post de  Clément Laberge, qui nous mijote visiblement quelque chose…

3/03 : et lire aussi ce billet de Jeremy Ettinghausen sur le blog de Penguin, avec la même vidéo. Je me disais bien que Jeremy devait être dans la boucle…
Il précise bien que ce qui est montré dans cette vidéo, ce ne sont pas des maquettes ou des prototypes (rien de tout ceci n’a réellement été encore développé) mais uniquement une simulation qui illustre différentes pistes de réflexion.

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Si on pensait ?

On pourra suivre à partir de cette semaine, à l’occasion du premier anniversaire de la revue en ligne Implications philosophiques, et dans le cadre d’un panorama proposé sur l’édition numérique,  une série d’interventions qui se proposent d’interroger les bouleversements que l’on observe dans le rapport au savoir, tant dans sa création que dans sa diffusion.

Sont annoncés :

·  1 mars – « Introduction aux enjeux de l’édition numérique » Thibaud Zuppinger
·  2 mars – « Publier en ligne » – Paul Mathias (Collège international de philosophie)
·  4 mars – « L’édition en ligne et les mutations sociétales induites » – Xavier Pryen (Direction générale de L’Harmattan)
·  6 mars – « Réflexions sur mes usages numériques » – Martine Sonnet (ENS, CNRS)
·  8 mars – « Internet et l’édition scientifique » – Patrice Flichy ( LATTS, dir. de la revue Réseaux)
·  10 mars – « Les mutants de la publication scientifique en ligne » – Corinne Welger-Barboza ( Paris I – Observatoire critique)
·  12 mars – titre à préciser – Anne-Solweig Gremillet (Directrice de la communication Chargée de produits d’édition at CNRS – CNRS)
·  15 mars – « Prendre le numérique au sérieux » – Pierre Mounier ( EHESS, Membre du comité de rédaction de Revues.org, fondateur et éditeur d’Homo Numericus)

Pour ne pas perdre tout à fait l’habitude de lire des textes de plus de 140 caractères…

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La tête ailleurs

fdnAujourd’hui, j’aurai la tête ailleurs… Même assez loin, non pas au TOC, c’est fini le TOC, il reste la salve de billets d’Hubert et plein de vidéos, pas si loin de New York, un peu plus au nord… aujourd’hui, j’aurai la tête  à Québec, avec Clément Laberge, René Audet, Eric Duchemin, François Bon, Marin Dacos,  du côté de la Fabrique du Numérique.

« L’événement du 26 février permettra de réunir de nombreux acteurs du monde du livre et du numérique — certains du côté de la création, d’autres de la sphère politique, mais surtout des intervenants immédiats du monde éditorial. Les échanges bénéficieront de ces complémentarités.

En raison de l’affluence des participants et de l’heureuse diversité des profils, nous tiendrons plusieurs ateliers parallèles. Les thématiques tenteront de rejoindre les intérêts des participants, ce que notre premier effort de balisage des thèmes possibles a essayé de concrétiser.

Planifier l’animation de cette journée, c’est s’engager dans la définition de ces pistes. Nous ne jugeons pas possible ni souhaitable de le faire sans votre aide. C’est l’occasion pour chacun-e d’entre vous de préciser vos souhaits, vos attentes et vos motivations à partager des expériences le 26 février prochain. »

Plutôt inspirante, la liste des thèmes :

Thème 1. L’édition sans éditeur ? Quelle appropriation des outils par les créateurs, par les acteurs du numérique ?
Thème 2. Le numérique comme agora : édition de la science citoyenne
Thème 3. Le numérique, une ouverture pour l’émergence de nouvelles formes de création et de diffusion du savoir : sciences interdisciplinaires
Thème 4. Le livre long en mode nomade (roman, monographie) : quelles incidences de le consulter sur des liseuses ou des tablettes ?
Thème 5. La lecture active : quels outils, quels dialogues des lecteurs avec le texte ?
Thème 6. Hors des mains du créateur, du rédacteur : qui sont les passeurs du livre numérique ?
Thème 7. Nouvelles répartitions des « pouvoirs », des rôles et de la structure du système de publication : comment le système réagit et se redéfinit avec l’arrivée du numérique
Thème 8. Formats de livres numériques : quel avenir pour le pdf (smartphones, tablettes), quel développement pour le epub ?
Thème 9. Texte, image, espace : quelle dynamique, quelle collaboration entre rédacteurs, graphistes, programmeurs ?
Thème 10. Pages, textes, livres : sur quoi repose l’identité du contenu numérique ?
Thème 11. Raconter, en contexte numérique : blogs, médias sociaux, hypermédialité et interaction
Thème 12. Entre diffuser et archiver : pérennité des oeuvres numériques, rôle des bibliothèques et consortiums, ouverture maximale ou sécurité du patrimoine ?
Thème 13. Modèles économiques du livre : contenus numériques vs contenus web (DRM, barrières mobiles)
Thème 14. Modèles économiques du livre : éditer en numérique et en papier, processus complémentaires et en synergie ?
Thème 15. Numérique, nouvelles interfaces : quels changements sur l’écriture (littéraire, documentaire, scientifique) ?
Thème 16. Outils, logiciels, codes libres : avantages des solutions open source et priorités à investir ?
Thème 17. Perdus dans une mer numérique : s’assurer de bien renseigner les documents

Bonne réussite à la Fabrique, on attend les traces, les échos, les tweets, (hashtag #fn10) et surtout : des idées et des pistes…

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Bonjour, je m’appelle…

indieDernier jour : rencontre à la French American Fondation, partenaire américain du Ministère de la Culture pour ce programme d’échanges,  avec Len Vlahos, le directeur général de l’American Booksellers Association. Les libraires indépendants, dont le nombre de membres a considérablement fondu en vingt ans, (4200 membres en 1990, 1350 aujourd’hui), ont leur portail des libraires, et utilisent les outils Google pour le feuilletage.

Il est prévu que les sites de leurs membres vont travailler en partenariat avec Google, dans le cadre du programme Google Editions, ce qui leur permettra de vendre des livres numériques « on the cloud ».

Parmi les arguments qu’ils mettent en avant pour tenter de convaincre les gens d’acheter en librairie :  le concept de « shop local », qui a de plus en plus de succès ici. Acheter local, pour diminuer son empreinte carbone, cela s’applique aussi au livre. La green attitude à la rescousse de la librairie indépendante : et pourquoi pas ?

Brian O’Leary, consultant chez Magellan, sera notre dernier intervenant. La présentation qu’il avait faite au TOC à Francfort, à laquelle j’avais assisté, avait fait pas mal de bruit : des propos de Fionnuala Duggan, de Random House,  concernant son exposé, sortis de leur contexte, avaient été reproduits dans un article d’une newsletter quotidienne distribuée dans la foire, et un début de polémique avait eu lieu, qui reprochait à plusieurs intervenants du TOC Francfort d’adopter des positions partisanes et issues d’une pensée plus axée sur la techno que sur l’industrie du livre.  Brian O’Leary, qui avait présenté, avec beaucoup de précautions, une étude sur l’impact du piratage et des produits gratuits sur les ventes de livres réalisée  sur un petit nombre de titres issus seulement de deux maisons d’édition, mais observés dans la durée, comparait les courbes de vente de titres piratés et des titres non piratés en essayant de trouver des régularités. Il y en avait assez peu, sinon l’observation d’un bref pic dans les ventes après quelques semaines de disponibilité d’un titre également disponible en téléchargement P2P. Jamais Brian n’a dit que cette étude permettait de tirer des conclusions définitives sur l’impact du piratage sur les ventes, et il a réagi en indiquant que les gens qui avaient critiqué son intervention étaient présents, et n’avaient posé aucune question ni émis la moindre critique pendant celle-ci.

Brian n’est pas un défenseur du téléchargement illégal, mais considère qu’il est indispensable d’observer le phénomène sans a priori, et d’en comprendre l’impact sur les ventes de livres. Il affirme qu’il faut dépasser la peur et la condamnation, pour étudier et réfléchir de manière globale sur ces pratiques.

Sa préconisation aux éditeurs « donnez aux gens ce qu’ils veulent », écoutez vos clients, et tâchez de les satisfaire. Facilitez l’accès à une offre légale attractive, faites en sorte qu’il soit facile et agréable de choisir et d’acheter un livre.

Brian, en tant que consultant, aide également ses clients à migrer vers une production basée sur XML. Il préfère pour ce faire, privilégier dans bien des cas les outils familiers des éditeurs (Word, InDesign…) plutôt que de les orienter systématiquement vers des outils de workflow chers et souvent difficiles à utiliser. Pour des projets qui impliquent l’intervention sur le même fichier de plus de 5 personnes, il évoque l’outil K4.

Et pour rafraîchir les idées de ceux d’entre vous à qui XML, ça dit quelque chose, mais plutôt vaguement, je propose d’aller visionner ici quelques unes des présentations utilisée dans le cadre d’un atelier de formation nommé « Start With XML« , en s’aidant du lexique (lien vers le PDF) réalisé par le groupe de travail normes et standards de la commission numérique du SNE.

Me voici bien sérieuse… pourtant, si j’ai beaucoup appris cette semaine, j’ai aussi beaucoup ri. Notre petit groupe, qui enchaînait parfois plus de 6 rencontres par jour, a bien évidemment inventé progressivement les inévitables running gags que les circonstances favorisaient. Au début de chaque rencontre, chacun de nous se présentait en quelques mots. Chacun avait son histoire, qui variait peu, et dont la répétition nous a bien entendu conduits rapidement à rêver d’une fois au moins chacun raconter la présentation de l’autre, pour finalement imaginer une présentation  mêlant les histoires de chacun, qui aurait pu donner quelque chose du genre :

« Bonjour, je m’appelle Virginie Mazauric, je travaille dans le deuxième groupe de BD religieuses d’Europe, je suis établie dans le sud de la France, je préside également la commission des produits dérivés du Centre Pompidou, où je suis en charge du développement de la pop littérature numérique… »

Biens sûr, nous ne l’avons pas fait, mais de l’avoir simplement imaginé nous a déclenché, au moment de nous présenter lors de la venue de Michael Cader à la FAF, un fou rire général que nous avons eu bien du mal à juguler, et que nous avons dû expliquer, bien sûr, à Michael.

Et tiens, je n’ai toujours pas parlé de l’intervention de Michael Cader. Mais ce ne sera pas encore pour cette fois, il est tard, demain on part, et il faut vraiment que j’aille dormir un peu.

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Extractible ou immersif ?

Evan Schnittman nous a reçus ce matin dans les locaux d‘Oxford University Press. Je l’avais déjà brièvement rencontré l’an dernier à la foire de Londres, et il fait partie de ces gens dont je lis les billets depuis si longtemps, que j’ai l’impression de bien les connaître. Chez OUP, le numérique est le principal vecteur de croissance.

Jusqu’à l’arrivée du Kindle il y a deux ans, ces revenus provenaient principalement des abonnements des bibliothèques universitaires à des collections de revues. Depuis, il sont également issus des ventes en téléchargement de livres numériques. Evan distingue deux grands types de contenus,  en anglais « immersive content » versus « extractive content ». Pour être en mesure de tirer parti des « contenus extractibles », il a fallu 5 ans à OUP pour migrer complètement vers une production basée sur XML, afin de disposer de contenus structurés, dont il est possible ensuite d’adresse facilement chacun des éléments. On a donc deux modèles bien différents, l’un,  en accès, pour l’ « extractive content », l’autre en téléchargement, pour l’ « immersive content ».

Les modèles de fixation des prix pour les versions numériques de leurs livres varient fortement d’un segment éditorial à l’autre. Ce qui détermine le prix d’un livre numérique, c’est la valeur ajoutée qu’apporte à l’utilisateur le fait que celui-ci soit disponible en numérique, et ces prix peuvent être inférieurs mais également supérieurs à ceux de la version imprimée.

A propos des Big Three (Google Amazon Apple), Evan rappelle que les missions de ces entreprises  sont bien différentes :

– Google cherche à vendre de la publicité, en développant son activité de moteur de recherche, qu’il lui faut  rendre toujours plus attractif.
– Apple cherche à vendre toujours plus de hardware et de software.
– Amazon veut connecter les consommateurs à des contenus, et surtout cherche à capter le marché de la lecture immersive.

Dans la définition d’une stratégie, la compréhension fine de ce qui fait bouger les différents acteurs est essentielle,  et une  vision  comme celle d’Evan est précieuse. Evan semble cependant fonder de solides espoirs sur l’ensemble des services de Google : il présente les services de Google comme des opportunités formidables pour les éditeurs comme pour les libraires, sans faire mine un instant de s’inquiéter de la dépendance ainsi crée, et de l’incroyable puissance ainsi conférée à cet acteur  dont le pouvoir est déjà tellement grand.

Je vous parlerais bien aussi du rendez-vous avec Michael Cader, de Publishers Lunch, mais je ne parviens plus à garder les yeux ouverts, et je n’ai même plus le courage de trouver une chute plus sympathique pour ce billet tardif  que ce seul mot : bonsoir.

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Le cow-boy de chez Macmillan

neige2Nous n’avons pas eu un seul rendez-vous, cette semaine, où le nom de Macmillan n’a pas été prononcé. C’est le signe que cette affaire, que nous suivions depuis la France, a eu ici aussi, dans le monde du livre, un retentissement très important. Ce matin chez Hachette Book Group, la personne qui nous accueillait, tout glacés d’avoir parcouru 5 blocks en pataugeant dans la neige, face au blizzard,  a bien sûr évoqué cette affaire, tout comme celle qui nous a accueilis plus tard au siège de  Barnes & Noble. L’une et l’autre nous ont expliqué le buzzword absolu à New York ces jours-ci : le « Agency Model« .  Sarah McNally Jackson, qui nous a présenté plus tard la librairie qui porte son nom, et qui se pose de très nombreuses questions sur l’évolution de son métier si une part significative des lecteurs se décide à ne plus acheter que des livres numériques, a indiqué que pour elle John Sargent,  le CEO de Macmillan était un « vrai cow boy », qui avait su tenir tête à Amazon. Comment imaginer qu’un libraire indépendant puisse tenir s’il doit être en compétition avec un acteur prêt à perdre de l’argent sur chaque vente de livre numérique ? Fille de libraires canadiens, Sarah, une jeune femme rayonnante, nous dit réfléchir activement à l’ avenir de sa librairie. Il lui faudra savoir offrir ce qui ne peut être proposé en ligne : présence, rencontres IRL avec des auteurs, événements culturels, choix de livres qui perdraient de leur intérêt en version numérique. Elle imagine assez difficilement, comme le font Barnes & Noble, vendre des liseuses et promouvoir le livre numérique dans sa librairie.

A nouveau ce midi le cow boy de Macmillan s’est invité à notre table : assez naturellement, puisque nous déjeunions avec trois personnes de la maison d’édition Farrar Straus & Giroux,  qui appartient à ce groupe. Unanimité, donc,  pour soutenir une action basée sur une vision à long terme, basée sur le volonté de revenir, pour le développement du marché du livre numérique, à un modèle « sustainable ».

Nous échangeons également sur la manière dont nous travaillons, et il est assez satisfaisant de constater que nous déployons, des deux côtés de l’Atlantique des efforts très similaires pour aider les maisons d’édition à s’adapter à un monde numérique : même importance accordée au développement d’infrastructures, même nécessité de former à l’utilisation de ces outils, même irruption des réseaux sociaux dans les pratiques de promotion des livres, même interrogations concernant les question des droits.

Informer, expliquer, communiquer, accompagner, partager  : ces efforts, il est nécessaire pour les éditeurs de les faire dans toutes les directions : auprès des auteurs (et ici, des agents, incontournables), en interne, auprès des distributeurs et des libraires.

Si j’en savais déjà long sur le cow boy de chez Macmillan avant d’arriver ici, ayant suivi le western en direct depuis Paris via Twitter et Google Reader, nos interlocuteurs étaient pour la plupart d’entre eux informés des débats franco-français concernant la distribution numérique : la complexité pour les libraires de se connecter avec plusieurs plateformes, et celle, donc , de construire rapidement un hub permettant de router commandes et fichiers, en jouant un rôle d’interface entre les différentes plateformes existantes et les sites web des libraires.

Je suis de près, dès que je trouve un peu de disponibilité, l’actualité du numérique dans l’édition aux USA, et les trois quarts des fils RSS présents dans mon lecteur sont écrits en anglais. Mais j’ai été un peu surprise, de rencontrer ici plusieurs personnes au courant de la problématique actuelle en France concernant la gestion des plateformes de e-distribution. Visiblement, il n’y a pas que nous qui faisons de la veille…

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