rendez-vous à Brooklyn

brooklynbridgePasser le pont de Brooklyn ? Non,  nous sommes venus ici en métro, dont nous émergeons tôt le matin, le soleil rasant découpe obliquement les façades. Ville debout, New York ? Non, c’est Manhattan qui est debout, Brooklyn est bien différent, immeubles trapus, le quartier où l’on nous attend  tient de la friche industrielle, requalifiée, bien sûr, à grande vitesse.

Aujourd’hui, toute la journée est consacrée à l’édition indépendante. Ça se passe à Brooklyn. Les groupes, les big boys, sont à Manhattan. Ici par contre,  revues d’avant garde, petites maisons d’édition, un monde à part, qui se revendique à part, qui s’assume en rupture avec les modèles « business driven » des Bix Six, comme sont désignés les 6 géants de l’édition américaine, non, ici on est « mission driven », on découvre, on déniche, on innove, on défriche.

Toutes ne sont pas « non profit », mais toutes fonctionnent selon des règles fort différentes de celles des groupes plus puissants. Faibles à valoir, mais grande disponibilité envers les auteurs. Frais réduits, fonctionnement en mode collaboratif, tous se connaissent et échangent les uns avec les autres, se retrouvent dans des événements.

Aucune des thématiques auxquelles on pourrait s’attendre de la part de jeunes éditeurs ne semble trouver de réel écho parmi eux : pas de discours sur la gratuité ou sur le piratage, pas plus d’envolées sur les communautés de lecteurs,  pas d’inquiétude particulière sur la distribution numérique (inquiétude plus simple à résoudre lorsque l’on est disposé à autoriser les revendeurs à stocker les versions numériques de ses livres.) Pourtant, tous s’accordent à dire que le web leur rend de grands services, simplement, ils en utilisent les applications avec beaucoup de naturel, certains ont bien développé une application iPhone,  mais pas la moindre  trace de syndrome geek parmi tous ceux qui nous recevront aujourd’hui.

Curieusement, l’attachement au livre imprimé semble plus fort chez les plus jeunes, comme Alex Rose, l’éditeur de Hotel St Georges, qui semble avoir moins de 25 ans,  fait de beaux livres curieux de manière presque artisanale, et ne semble que vaguement intéressé par l’édition numérique, pas plus que par la transposition numérique de ses expérimentations papier.

Tous ont un site web, tous utilisent couramment Twitter, dont un, Electric Literature,  pour une expérimentation de fiction avec l’auteur Rick Moody (que nous devons rencontre jeudi soir). Ils semblent regarder d’assez loin les tribulations des grands groupes avec Amazon, assument pleinement leur position d’indépendants, la défense des textes qu’ils aiment, le soin apporté à chaque titre, mettant en avant leur disponibilité auprès des auteurs, l’agilité que leur procure leur petite taille, qu’ils considèrent comme une force pour anticiper les changements et changer rapidement de cap.

Ils se considèrent comme complémentaires des maisons d’édition de plus grande taille, exerçant leur métier avec des contraintes bien différentes. Presque tous cependant  semblent  continuer d’avoir recours, sans remise en question particulière, manifestant un intérêt plus que réduit pour  l’édition numérique, aux formes d’édition les plus traditionnelles.

Quelques liens :

revues : Guernica Magazine, BOMB Magazine, Electric Litterature
maisons d’édition : Melville House,  Words without Borders, Akashic Books, Hotel St Georges, One Story, a Public Space, Tin House, Archipelago Books.

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Un livre est un lieu, c’est Bob Stein qui l’a dit.

marionbobBien sûr, je ne vais pas raconter par le menu dans l’ordre chronologique l’ensemble des rendez-vous prévus dans le cadre de ce voyage d’étude. Tous sont intéressants, chacun pour des raisons différentes. Celui que j’ai envie de partager avec vous ce soir, c’est plus qu’un rendez-vous, c’est une vraie rencontre, deux heures exceptionnelles chez Bob Stein, dans sa maison de Brooklyn, où il nous a merveilleusement accueillis. Je croyais bien connaître son parcours, et je l’avais déjà entendu à Paris il y a quelques mois. Mais Bob Stein n’est pas de ceux qui vont d’une table ronde à une conférence en répétant en boucle un message qui varie à peine d’une fois sur l’autre. Il expose avec une telle conviction, et une telle précision, une vision de l’avenir du livre construite sur un travail de recherche, d’expérimentations, d’écoute, et de réflexion, que chaque rencontre est un moment de grande qualité. Il nous a raconté la manière dont il est passé des recherches centrées sur les Å“uvres et les nouveaux moyens d’expression mis à la disposition des auteurs (l’époque du multimédia où il fut l’un des grands innovateurs), à une approche centrée sur le passage d’une lecture individuelle à des lectures collectives, collaboratives, illustré par les développements autour de CommentPress, et l’ensemble des expérimentations menées autour de cette idée : « A book is a place ».

Il était particulièrement intéressant de l’entendre évoquer ces expériences de lectures collectives asynchrones que permet le livre situé « dans le nuage », et évoquer également le fait que la réussite de ces expérimentations dépend en grande partie de l’engagement des auteurs, de ceux des auteurs qui acceptent d’être lus non seulement comme il est de coutume une fois que leur travail d’écriture est terminé, mais aussi pendant que le travail est en cours, écrivant en quelque sorte à ciel ouvert, partageant avec leurs lecteurs le moment de l’élaboration, ses lectures, ses échanges, ses tâtonnements. Pour lui, il faudra du temps pour que ces pratiques deviennent courantes, comme il a fallu du temps, après l’invention de l’imprimerie pour que se stabilisent les formes littéraires et les formes de publication qui ont cours aujourd’hui. Son credo : redéfinir le « contenu », pour qu’il puisse inclure les conversations qui se développent autour. Les maisons d’édition qui réussiront dans un monde numérique seront celles, nous dit-il, qui auront su développer leur capacité à animer des communautés de lecteurs. Bob Stein voit l’iPad d’un très bon Å“il, trouvant à ce terminal de lecture les qualités nécessaires à ce développement de la lecture sociale. Il rappelle comment, il y a 18 ans, il passait pour un grand original lorsqu’il expliquait qu’il était possible de lire sur un écran, en cliquant pour tourner la page, et s’attend à ce qu’il soit nécessaire qu’un certain temps, peut-être moins long que ces 18 ans, se déroule avant que les idées qu’il expose aujourd’hui sur l’évolution de la lecture s’inscrivent dans une réalité qui dépasse le stade expérimental.

Cette idée des auteurs développant une activité de création en ligne, et cessant petit à petit de considérer le livre imprimé comme la forme suprême de consécration de leur travail est déjà présente, me semble-t-il, au sein de la blogosphère littéraire en France, ce dont j’ai souhaité lui faire part. Il n’y pas d’équivalent exact de ce mouvement aux Etats-Unis,  même si certains auteurs ont une fort « présence web », mais qui continue d’être essentiellement au service de la promotion de leurs Å“uvres imprimées. Toutefois, le web ici aussi a changé les choses, offrant le possibilité aux lecteurs d’entrer directement et plus facilement en contact avec les auteurs.

À ma question concernant l’accueil que les éditeurs américains faisaient à ses idées, Bob a répondu simplement : aucun. Pour la plupart d’entre eux, a-t-il dit, je n’existe pas. Mais il dit aussi comprendre leur façon d’agir actuelle, pris comme ils le sont dans des logiques de rentabilité et des contraintes de marché, et de définition de modèles soutenables leur permettant de vivre sans trop de fracas la période de transition que nous connaissons aujourd’hui. Voilà un homme qui a une vision extrêmement forte de l’avenir du livre et de la lecture, mais qui ne tombe à aucun moment dans la position du prophète marginalisé, ni dans un discours polémique et stérilement agressif envers les éditeurs. Très attentif, à l’écoute de nos questions, se concentrant visiblement pour y apporter une réponse qui ne laisse aucune place à la formule toute faite ou à la langue de bois, mais soit bien l’expression de sa pensée profonde. Penser avec, penser ensemble, la vision de Bob Stein a été mise en pratique pendant cette rencontre, dont nous sommes tous sortis avec cette certitude : nous avions, un moment, réfléchi ensemble à ces questions, formant une petite communauté, animée par les propos d’un visionnaire.

(photo : après cet échange, Bob et sa femme nous ont offert un excellent vin et des fromages délicieux, et la discussion s’est poursuivie de façon informelle. Marion a bien sûr invité Bob à Vauvert…)

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New York day one

nyCette semaine : New York.  J’ai le bonheur de participer à un voyage d’études organisé par le Ministère de la Culture et la French-American Fondation sur le mode de l’échange : des professionnels de l’édition américains sont venus à Paris en octobre dernier, et j’avais eu l’occasion alors de les rencontrer.

Je vais essayer de bloguer l’affaire, mais je ne vous promets rien : notre programme est vraiment très dense, et je ne sais si j’aurai le temps (et le courage) d’écrire quelques billets pour ce blog qui en a bien besoin…

Je ferai mon possible…  Les participants au voyage : Marion Mazauric (le Diable Vauvert), Jean-Christophe Delpierre (Mediatoon), François Maillot (Librairies La Procure), Nicolas Roche (Editions du Centre Pompidou).

Demain, nous rencontrons entre autres Bob Stein, le directeur de l’Institute for the future of the book, que j’ai déjà eu l’occasion d’entendre à Paris où le Motif l’avait invité.

C’est un bon moment pour rencontrer de nombreux acteurs de l’édition ici : l’actualité du numérique est très chargée, entre l’annonce de l’iPad, les négociations serrées entre les Big Six et Amazon, la prochaine audience à propos du Règlement Google version II… On va avoir quelques sujets… mais pas seulement sur le numérique. On parlera aussi, si j’en crois le programme, littérature, traduction et pas seulement de ebooks, de nooks, et de vooks…

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Amazon : bras de fer avec Macmillan

Généralement, Twitter est plutôt calme le samedi. On y jette un coup d’Å“il distrait, pour apprendre qu’un tel se lance dans une recette compliquée, que tel autre a commencé à lire tel livre, on découvre quelques liens vers un article de blog qui ne risque pas de se retrouver sur son fil RSS, parce qu’il ne parle ni de livres, ni de numérique, ni de l’iPad, ni de liseuse…

Mais aujourd’hui, voilà que quelqu’un remarque que la plupart des livres de l’éditeur Macmillan sont devenus inaccessibles sur Amazon. On ne peut plus les acheter qu’en passant par des tiers, mais Amazon ne le vend plus en direct. Pourquoi donc ?

Bien sûr, ni Macmillan ni Amazon ne commentent l’événement, aussi les supputations vont bon train. (Voir mises à jour ci-dessous). Les sujets de discorde entre les groupes d’édition américains et Amazon sont nombreux. Et ce n’est pas la première fois qu’Amazon supprime le bouton acheter aux titres d’un éditeur, pour exercer sur lui une pression bien réelle. Amazon représente aux USA une part bien plus importante du marché que celle qu’il occupe en France.

Le blog « Bits« , un blog lié au New York Times, a mis à jour son billet en fin d’après-midi, confirmant que l’action d’Amazon était bien liée à la décision de Macmillan de décaler dans le temps la mise à disposition des versions numériques de ses livres :

« Ma collègue Motoko Rich a parlé avec quelqu’un ayant eu une conversation directe avec une personne de chez Macmillan, familière des conversations avec Amazon. Macmillan offrait à Amazon l’opportunité d’acheter les versions numériques (destinées au Kindle) de ses livres sur le même modèle de type « agence » que celui proposé par Apple pour le iPad. Selon ce modèle, l’éditeur fixe le prix du livre et garde 70% de chaque vente, laissant 30% au revendeur. Macmillan dit qu’Amazon pourrait continuer à acheter les ebooks selon son modèle courant de commercialisation, en payant à l’édituer 50% du prix de la version imprimée grand format et en fixant librement le prix de vente au public., mais que dans ce cas Macmillant  décalerait dans le temps la disponibilité des versions numérique de 7 mois après la mise en vente des versions grand format. Le fait de supprimer la mise en vente des titres de Macmillan apparaît comme une réaction directe à cela. »

Les éditeurs, mécontents des prix bas pratiqués pour le livre numérique par Amazon, ont été nombreux à commencer à différer la sortie des versions numériques de leurs livres à fort potentiel commercial. Le prix du livre est libre aux Etats-Unis, où il n’existe pas d’équivalent de la loi Lang, et cette décision de différer la vente de la version numérique est une façon comme une autre pour les éditeurs de chercher à contrarier Amazon, qui n’hésite pas à vendre à perte pour conquérir des parts de marché, et diffuser le plus possible son Kindle, qui, une fois vendu à un acheteur de livres, rend celui-ci totalement dépendant d’Amazon pour s’approvisionner en lecture. Il ne sera pas très difficile à Amazon, une fois que le Kindle aura trouvé sa place dans des millions de foyers américains, de changer les règles du jeu aux dépens de l’éditeur. Et si celui-ci refuse ? Alors,  plus d’accès pour ses livres aux millions de e-lecteurs scotchés chez Amazon. Et toc !

La sortie du iPad, et la politique de prix annoncée pour les « iBooks » doit jouer son rôle dans tout cela. Apple ne vend pas de livres imprimés, et ne dispose pas de ce levier qu’Amazon actionne de temps en temps pour rappeler aux éditeurs qui leur donne accès aux clients. Apple, dit-on,  laisserait les éditeurs vendre leurs livres numériques plus cher qu’Amazon, avec des prix de 12;99 et 14,99 $…  Alors, Amazon se réveille, et  frappe directement Macmillan, pour rappeler à tous que c’est lui qui commande…

Le fait de maintenir une grande diversité de canaux de vente est, on le voit, crucial pour les éditeurs. Lorsqu’à la concentration s’ajoutent des dispositifs d’exclusivité avec des modèles propriétaires, un seul acteur, devenu dominant, prive de  toute liberté à la fois les lecteurs, qui ne peuvent s’approvisionner chez le revendeur de leur choix, et les éditeurs, soumis aux diktats d’un revendeur devenu tout puissant.

On pourra lire également le point de vue d’un auteur publié chez Macmillan, John Scalzi.

– Mises à jour :

30/01 Р23h : John Sargent, CEO de Macmillan, adresse un message aux auteurs et illustrateurs ̩dit̩s dans les maisons de son groupe, publi̩ sous forme de publicit̩ payante sur Publishers Lunch, qui confirme les propos rapport̩s par Motoko Rich.

31/01 – 23h30 : Lettre d’Amazon à ses clients : Amazon cède et accepte les conditions de Macmillan, et explique pourquoi.

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Mangez vos livres !

cellphonekitchenC’est la traduction du nom d’un nouveau site web, eatyourbooks.com. S’il est un secteur de l’édition qui sait tirer parti du numérique, c’est bien celui des livres de cuisines. J’avais déjà signalé les sites permettant d’assembler soi-même son propre livre de cuisine, et d’en obtenir un exemplaire imprimé à la demande. On connaît aussi le succès des sites et des blogs proposant des recettes de cuisine. Il est très facile d’y effectuer des recherches selon différents critères : les ingrédients, le temps dont on dispose, le coût de la recette, son origine géographique etc. Beaucoup moins facile : trouver aussi facilement, parmi ses propres livres de cuisine, une recette selon différents critères. Alors l’idée est toute simple, comme l’explique la présentation faite sur le site :

Eat Your Books est un site web pour les gens qui aiment cuisiner avec des livres de cuisine. Ce n’est pas un site de recettes – les recettes sont dans vos livres de cuisine, ceux de vos auteurs favoris.  Cependant, s’il vous est arrivé d’utiliser un site de recettes, vous savez combien il est aisé d’y trouver une recette. Alors voilà, maintenant, vous pouvez trouvez des recettes aussi facilement dans vos propres livres de cuisine. Eat Your Books a indexé plus de 600 des principaux livres de cuisines, ce qui correspond à plus de 200 000 recettes.

En tant que membre de Eat Your Books, vous pouvez créer votre étagère virtuelle de livres de cuisine, intitulée « mon étagère », en choisissant les livres que vous possédez dans la Bibliothèque EYB, qui compte plus de 16 000 livres. Si vous constatez que l’un de vos livres favoris n’a pas été indexé, vous pouvez faire en faire la demande.

Le fait qu’un livre est indexé signifie que vous pouvez chercher des recettes par nom, par ingrédients, par titre de livre, par auteur. Nous avons également catégorisé les recettes par origine, type de recette, type de repas, régimes spéciaux, occasions. Ainsi vous pouvez trouver, en quelques secondes, si vous avez dans vos livres de cuisine une recette de BÅ“uf à la Grecque en casserole.

Eat Your Books vous aidera également à concevoir des menus, créer des listes de courses, tagger vos recettes préférées, et organiser vos recettes d’une manière qui fait sens pour vous. Tout ceci parmi votre bibliothèque personnelle de livres de cuisine.

Il est bien sûr possible d’acheter en ligne les livres présentés sur le site, avec une affiliation avec Jessica’s Biscuit®/ecookbooks.com, qui n’est pas un site consacré aux biscuits, mais une librairie spécialisée dans la vente à distance de livres de cuisine. Je vous invite à lire l’historique de Jessica’s Biscuit, une classique success story qui a commencé non pas dans un garage mais dans un salon par une discussion entre amis.

J’aime bien ce mariage entre le livre imprimé et le réseau : c’est la possibilité de combiner les avantages de l’objet livre, le plaisir de le feuilleter, sa présence rassurante non loin de la plaque de cuisson et de l’étagère à épices, avec la malice de l’algorithme, qui se plie en quatre pour trouver en un clin d’Å“il des réponses pertinentes à la moindre de vos demandes, et avec la puissance de mutualisation d’un site social, dont les membres sont des contributeurs, avec leurs commentaires, leurs appréciations, leurs suggestions. (Merci pour le repérage à Neelan Choksi.)

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Tableau des prédictions

Au moment du nouvel an fleurissent bilans et prédictions. En pleine mutation, l’édition se prête très bien à cet exercice. C’est le moment pour les consultants, gourous, spécialistes, futurologues, prospectivistes, de faire briller la boule de cristal… Georges Walkley, directeur du numérique chez Hachette UK, s’est donné la peine de récapituler les prédictions de quatre personnalités qui se sont aventurées sur ce terrain mouvant. Et moi, plutôt que de me lancer dans l’exercice, je me contente de traduire son tableau :

Martyn
Daniels
Bob
Miller
Mike
Shatzkin
Joe
Wikert
Le contenu enrichi sera quelque chose qui va compter de plus en plus Yes Yes Yes
Les éditeurs vont ignorer les contenus enrichis Yes
Une meilleure intégration des livres numériques avec d’autres produits et services Yes
Les éditeurs seront dans la confusion sur « quel est le produit qu’ils produisent » Yes
Changements dans la forme, comme par exemple des livres numériques pour des textes plus courts Yes Yes
Les liseuses perdent du terrain par rapport aux terminaux multi-fonctions Yes
Les livres se vendent de plus en plus dans des magasins physiques qui ne sont pas des librairies Yes
Le numérique met la pression sur les librairies physiques Yes
Les libraires indépendants doivent se spécialiser pour survivre Yes
Les livres numériques vont donner lieu à la création d’un répertoire professionnel de référence spécifique Yes
Besoin de standards pour remonter les informations concernant les ventes en numérique Yes
Les ventes de livres numériques vont augmenter et constitueront une contribution importante aux revenus pour de nombreux titres Yes Yes
Des prix bas pour les consommateurs seront considérés comme la norme Yes Yes
Les canaux de vente des livres numériques vont proliférer Yes
Les éditeurs vont réorienter le développement de leur catalogue, en fonction de leurs possibilités en terme de marketing Yes
Tendance à produire des livres imprimés de grande qualité pour contrebalancer les livres numériques peu chers Yes
La petite édition prospère Yes
L’auto-édition se développe Yes
Les gros éditeurs restructurent Yes Yes
Les gros éditeurs se concentrent sur les auteurs « brandés », et/ou réduisent le nombre de nouveautés Yes
Apparition de  nouveaux modèles pour les achats de droits et les avances. Yes
Le fait de décaler dans le temps la date de sortie des versions numériques (‘windowing ») va vite être dépassé par les événements Yes
Les consommateurs voudront une disponibilité simultannée des versions imprimées et numériques Yes
La gestion de l’information concernant les droits va acquérir toujours plus d’importance Yes
Les droits territoriaux seront sous pression Yes Yes
Google changera tout Yes
Les auteurs capables de développer avec succès leur propres plateformes vont commencer à se comporter comme des éditeurs,ce qui conduira à une désintermédiation Yes Yes
La carrière d’un auteur nécessitera une gestion permanente, et non uniquement centrée sur chaque sortie de livre. Yes
Les bibliothèques devront se définir un rôle numérique Yes
L’importance des contenus numériques dans le marketing de tous les livres va s’accroître. Yes

Et vous, vous voyez des choses dans votre boule de cristal pour 2010 ? Et que pensez-vous des prévisions des quatre qui sont cités ici ?

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Bonnier + Berg : R&D efficace

La division R&D du groupe d’édition suédois Bonnier publie une vidéo montrant un prototype de lecteur de magazine. Bonnier s’est allié avec une agence de design spécialisée, Berg, pour effectuer ces recherches. Je crois beaucoup à l’intérêt pour les éditeurs de se rapprocher des designers : le succès de nombreux produits high tech vient en partie du fait que les sociétés qui les inventent considèrent le design non comme une question uniquement esthétique (comment faire des jolis produits) mais comme un axe essentiel dans la conception des produits, introduit tout à fait en amont des processus de création, en intégrant l’ensemble des problématiques que les designers sont entraînés à associer : fonctionnelles, ergonomiques, formelles, techniques etc.

Cette vidéo est particulièrement bien faite, partant de l’expérience de lecture d’un magazine imprimé, et montrant clairement les choix faits, non pour imiter cette expérience avec un lecteur électronique, mais pour retrouver une expérience de qualité. Exemple qui m’enchante, l’idée de simuler le fait  de « tourner la page » a été (enfin !) abandonnée, et la question a été posée plus en amont : comment parcourir simplement et agréablement les éléments textuels et visuels, et comment adjoindre à la consultation et à la lecture les fonctionnalités qu’un lecteur attend aujourd’hui d’un magazine numérique.

Inspirant !

(signalé par Jeremy Ettinghausen sur le blog Penguin.)

Mag+ from Bonnier on Vimeo.

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Lire sans écrire, ça suffit maintenant

Oh la la, mais ça sent le renfermé ici, il va falloir ouvrir les fenêtres, allez, un peu d’air, enfin pas trop non plus, l’air est glacé, faire plutôt du feu dans la cheminée pour réchauffer l’atmosphère. Plusieurs semaines sans bloguer : du ménage s’impose, il y a des toiles d’araignées sur le dernier post, tellement il est resté longtemps en haut de la page d’accueil…

Mais vous êtes-là, et c’est l’essentiel. Essayons de reprendre le fil (RSS) de la conversation, ou plutôt, de reprendre place doucement dans les conversations qui ont continué ici et là, pendant que teXtes dormait.

Pendant que teXtes dormait  s’est poursuivie à partir d’un billet sur La Feuille la discussion concernant le livre numérique et son avenir, discussion qui n’a pas fini de rebondir, et interroge à la fois ce que devient un livre lorsqu’il est disponible sous forme numérique, et les manières de publier et de lire sur le web.

Pendant que teXtes dormait, le juge a rendu son verdict dans le procès Google / La Martinière et Google a aussitôt fait appel.  Ce jugement est commenté de façon très détaillée sur Si.lex, ainsi que sur Diner’s room. En attendant un de ces longs billets d’analyse et de mise en perspective dont il a le secret, annoncé pour janvier, Olivier Ertzscheid répond à André Gunthert sur Affordances.

Pendant que teXtes dormait, j’ai lu aussi avec grand intérêt la série de quatre billets publiés sous le titre « une société de la requête » à la fois sur Internet Actu et dans Le Monde en ligne, concernant Google. Les inquiétudes de Geert Lovink ont bien peu en commun avec celles des traditionnels  contempteurs du net : il s’agit d’une critique faite « de l’intérieur », d’autant plus pertinente que l’auteur connaît bien son objet.

Pendant que teXtes dormait, j’ai suivi attentivement les annonces des groupes d’édition américains, mobilisés contre la politique de prix d’Amazon, et pratiquement tous d’accord pour différer de quelques mois la disponibilité de la version numérique de certains de leurs ouvrages, par rapport à la date de parution en grand format, et les réactions suscitées par ces annonces.

Me suis projetée, avec François Gèze, P.D.G. des éditions La Découverte, en 2019, grâce à cet enregistrement vidéo de son intervention récente à l’ENSSIB.

Ai découvert deux tags nouveaux dans Twitter : l’un qui me laisse songeuse, #lazyweb , que vous ajoutez à un message que vous postez sur Twitter lorsque celui-ci est une question que vous posez à vos followers, alors que vous pourriez trouver la réponse à cette question en effectuant une recherche sur le web. On peut même démarrer la question par la formule « dear #lazyweb… » Un échange assez nouveau : on échange un moment de paresse passager contre un instant de bonne volonté et de disponibilité, sachant que peut-être que demain, les rôles seront inversés…

Un autre est tout simple, et francophone : #twitlivre , à ajouter dans un message où l’on indique quel livre on est en train de lire, et pour chercher des idées de lecture en regardant virtuellement par dessus l’épaule de vos following pendant qu’ils lisent…

Bon, je vais pouvoir ranger mes chiffons, mon plumeau, hmm, ça fait du bien, ça sent le propre, et bien voilà, c’est reparti, finalement, c’était pas si difficile de recommencer à bloguer…

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book, vook, nook…

Je suis en train de préparer une courte intervention que je dois faire le 26 novembre prochain à une journée d’études organisée à la BNF sur l’avenir du livre de jeunesse.

C’est en recherchant des exemples de livres numériques destinés aux enfants que j’ai redécouvert le site de l’ICDL, ou « International Children’s digital library », une bibliothèque numérique mondiale de livres pour la jeunesse. Un projet financé par plusieurs institutions publiques et des sociétés privées américaines ( National Science Foundation, Institute of Museum and Library Services,  Microsoft,  Adobe). l’ICDL permet d’accéder, en 11 langues à des livres issus de  42 pays. Livres anciens du domaine public (dont ce délicieux Bébé sait lire), ou livres plus récents dont les ayants-droit ont autorisé la numérisation et la publication en ligne, comme cette version hongroise et toute en images du Petit Chaperon Rouge. Extrait de la lettre du directeur, publiée sur le site :

« De tout ce que la Bibliothèque accomplit, ce qui nous donne le plus de fierté est le fait que nous avons des centaines de volontaires tout autour du monde qui forment la véritable équipe de la Bibliothèque. Ils identifient de merveilleux livres pour la Collection, ils s’occupent des droits, ils envoient les livres physiques ou les fichiers des livres scannés. Ils donnent la parole aux utilisateurs. Bref, ils sont la Bibliothèque. Pas un jour ne passe sans qu’ici, à la Fondation, nous ne soyons émerveillés par leur bonne volonté et leur patient acharnement. »

Le design est un peu rustique, mais on trouve très vite comment naviguer parmi les livres, et la consultation est agréable. (Tiens, à propos de consultation et de feuilletage,  cela me permet de rebondir au passage, comme l’a déjà fait Hubert, sur le passionnant article à propos de Calameo paru sur NT2).

Lorsque  je travaillais pour les enfants, avec l’équipe de Tralalère et avant, lorsque je participais à la réalisation de cédéroms interactifs jeune public, le livre était tout à fait en dehors du champ de mes préoccupations (professionnelles, car à la maison je hissais mes enfants encore petits sur mes genoux pour leur raconter les aventures de Biboundé ). Livre et numérique étaient deux mondes bien distincts. Je n’avais  pas vraiment été  fan du livre de Lulu, qui déjà simulait – de manière très réussie d’aileurs -  à l’écran  un livre dont les pages se tournent. Au premier plan de toutes nos réflexions de l’époque : l’interactivité, l’ergonomie des interfaces, le graphisme, l’ajout de sons, d’animations, et le fait de profiter à fond des possibilités offertes par un ordinateur. Les livres étaient en papier, tous ces trucs qu’on faisait avec le numérique, ce n’étaient pas des livres. On ne pensait pas aux livres. Et même, le fait d’imiter un livre me semblait une absurdité, un anachronisme. Rien ne se faisait « contre » le livre. On n’évoquait pas Gutenberg à chaque instant, ni  la bonne-odeur-de-l’encre-et-du-papier. On apprivoisait ces drôles de machines, encore bien poussives, chères, et pas encore massivement  connectées à Internet en train d’apparaitre.

Aujourd’hui, on ne dit plus un enfant, on dit un digital native. On fabrique  quand-même des dessins animés pour leur apprendre à bien se servir du web, aux digital natives.  On donne des tas de conseils aux parents sur le moyen de donner à leurs enfants le goût de lire. On réfléchit à ce que sont les lectures industrielles.  Est-ce qu’ils vont s’acheter des nook, les digital natives ?  Est-ce qu’ils voudront lire/regarder des  vook ?

Et moi,  il va bien falloir que je poursuive cette réflexion et y mettre un peu d’ordre d’ici le 26 novembre…

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Petite planète

C’est une banalité, je sais , mais pardonnez-moi, je suis un peu rouillée, à force de NE PAS bloguer, et j’ai perdu un peu la forme : nous vivons sur une petite planète… Ainsi, un peu par hasard, en l’espace d’une semaine, j’ai eu l’occasion de rencontrer des éditeurs américains, la semaine dernière, et australiens, aujourd’hui, pour parler boutique avec eux. Boutique, c’est à dire : édition, numérique et tutti quanti.

Petite planète ? Certainement pour mes interlocuteurs australiens, venus de Lonely Planet (Melbourne), et pour qui Paris était une étape dans un véritable tour du monde (normal pour des éditeurs de guide de voyage) qu’ils faisaient afin de rencontrer des éditeurs, éditeurs de livres mais aussi de l’univers de la presse. Ils s’étaient arrêtés à Singapour et à l’heure qu’il est doivent déjà être arrivés à Londres, avant de partir pour les Etats-Unis.

Petite planète : le contact s’établit immédiatement. Leurs questions sont les mêmes que les nôtres, leurs approches très similaires. A des milliers de kilomètres les uns des autres, nous avons imaginé les mêmes solutions aux mêmes problèmes. Nous échangeons nos cartes de visites, nous promettons aussi de nous envoyer mutuellement les URL de nos blogs, parce qu’ils bloguent aussi, et prennent avec leur iPhone les photos qui vont illustrer leurs prochains posts relatant leur voyage (je donnerai le lien lorsque je l’aurai reçu.)

Eux aussi doivent gérer une double approche « print / digital », continuer de produire des livres, commencer à les produire en numérique, considérer leur clients autrement, changer leur manière de communiquer avec eux, intégrer progressivement le numérique dans les process en associant les éditeurs et les auteurs, imaginer le voyageur de demain, anticiper sur ses besoins, proposer des accès diversifiés aux informations, permettre à ces mêmes voyageurs de participer à la mise à jour des informations, réfléchir à l’impression à la demande (pas toujours de réseau ou d’élcectricité dans les régions que leurs clients parcourent), répondre à des questions apparemment (mais seulement apparemment) simples sur la manière d’identifier et de gérer des éléments de contenu plus petits que le livre (un ISBN par chapitre ? ) etc. etc.

La semaine dernière, j’ai dialogué deux heures avec une délégation d’éditeurs américains, venus passer, grâce à un programme organisé par la Maison des Cultures du Monde pour une semaine à Paris pour rencontrer des éditeurs et différents autres acteurs du monde de l’édition. Parmi eux, Chad Post, que j’avais déjà eu l’occasion de rencontrer à Francfort lors de la journée TOC organisée par O’Reilly. Nous étions côte à côte lors d’une table ronde modérée par Richard Nash. Chad dirige Open Letter Books, une maison d’édition universitaire (Université de Rochester), entièrement consacrée à la littérature étrangère, dans une université qui forme des traducteurs.

Chad anime aussi un blog, Three Percent, (j’aimerais bien lui demander 3% de quoi  mais je me doute que c’est un chiffre qui doit démontrer la difficulté de diffuser aux Etats-Unis la littérature étrangère…), dans lequel il relate dans de longs billets détaillés et très agréables à lire le détail de son voyage à Paris.

Petit planète : parmi les éditeurs se trouve Julia Cheiffetz, de chez Harper Studio, dont je suis régulièrement le blog. Non que Harper Studio soit une maison d’édition spécialement orientée vers la production de livres numériques, mais c’est une maison récemment créé qui sert un peu de laboratoire au groupe Harper Collins pour essayer de nouveaux modèles : utilisation de médias sociaux pour le promotion des livres, et pour instaurer une nouvelle relation avec les lecteurs, pas d’avance aux auteurs mais des royalties plus importantes, des ventes fermes aux libraires (sans retour possible), entre autres. Et comme toujours, cette impression de retrouver quelqu’un que l’on suivait déjà en ligne depuis un moment  quand on le rencontre IRL pour la première fois. Julia aussi a chroniqué son voyage, dans un billet titré « The Sans-Culottes of the Digital Revolution and What We Can Learn From Them« , citant au passage François Bon et Léo Scheer.

Ça me donne envie de voyager moi aussi, tiens. Être celle qui découvre, pose les questions, prend des photos, et les publie sur son blog…

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