Nuages, nuages…

Il n’est pas question de l’édition, ni, à aucun moment, du livre, dans cet article de the Economist, qui commence par nous parler de Windows 7, dont, je dois dire, je me soucie  fort peu, pas plus que je ne me suis intéressée à Vista dont la seule chose que je peux dire à son sujet est que,  depuis qu’il l’utilise, l’homme de ma vie semble avoir enrichi son vocabulaire de jurons.

Mais le lancement de Windows 7 est présenté, dans cet article, non comme le commencement de quelque chose, mais bien comme la fin d’une époque pour les systèmes d’exploitation, et dans les rivalités qui existent entre les géants de l’informatique. Le centre de gravité, avec le Cloud Computing, s’est déplacé.

« L’avènement du cloud computing ne se contente pas de déplacer le centre de gravité de Microsoft. Cela modifie la nature de la concurrence au sein de l’industrie informatique. Les développements technologiques ont poussé la puissance de calcul en dehors des hubs centraux : d’abord des  ordinateurs centraux  vers les minis, ensuite vers les PC. Maintenant, la combinaison de processeurs de plus en plus puissants  et de moins en moins chers, et de réseaux toujours plus rapides et doués d’ubiquité, renvoie la puissance vers le  centre en quelque sorte, et même bien au delà, peut-être. Les « données dans le nuage » sont, en effet, comme hébergées dans un gros ordinateur  central, sauf que cet ordinateur est public et mutualisé. Et au même moment, le PC est bousculé par une série de terminaux plus petits, comme les smartphones, les netbooks, et peut-être bientôt, les tablettes (des ordinateurs à écran tactile de la taille d’un livre). « 

Il pourrait être tentant de considérer « l’informatique à la demande » telle qu’elle est proposée avec le Cloud Computing comme un retour vers  l’informatique dite « mainframe », avec ses ordinateurs centraux et ses terminaux. Mais les choses sont cependant bien différentes et la comparaison ne tient pas vraiment la route.

On est bien loin du livre, apparemment. Loin ? Pas si sûr. Car parmi les géants du Cloud Computing, deux ont fait récemment des annonces qui confirment leur intérêt pour le livre :
– Google avec son programme Google Editions, dont le démarrage est prévu courant 2010, j’évoque la chose dans mon précédent billet.
Amazon, avec l’annonce de son Kindle international, qui vient déjouer les prévisions : il avait été question d’une arrivée du Kindle au Royaume-Uni, suivie d’une ouverture en France et en Allemagne. Cela se fera peut-être aussi, mais Amazon, avec cette annonce, empêche Google d’occuper seul l’espace des médias, qui, ces dernières semaines, font une place considérable à tout ce qui concerne le livre numérique.

Le troisième, Apple, laisse se développer un gros buzz  au sujet de la tablette tactile qui pourrait voir le jour en janvier, et occupe déjà le terrain de la lecture numérique avec le couple iPhone/iPod. Il prend pied aussi dans le Cloud Computing, investissant dans la construction d’un énorme datacenter.

Ces géants de l’informatique et des réseaux s’intéressent à nous. Intéressons-nous à eux, essayons de suivre leurs mouvements, de comprendre ce qui les rassemble et les oppose, les buts qu’ils poursuivent, ce qui les fait courir, toujours plus vite, toujours plus loin.

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Première messe

messeJ’en ai croisé qui disaient : c’est ma 42ème, l’un en est même à sa 53ème. Moi, c’était ma première Foire de Francfort, ma première « messe » disent les allemands.
Je n’aime pas beaucoup les foires et les salons, lumières artificielles, bruit de fond, kilomètres de moquette et de mobilier de stand. Mais à Francfort, étrangement, alors que tout est multiplié par dix  (plusieurs halls immenses, chacun sur plusieurs étages, et des kilomètres de couloirs que des tapis roulants tentent de raccourcir), je passe plusieurs jours passionnants, où s’enchainent les rencontres.

Entre les rendez-vous, je m’aventure :

– au pavillon de l’invité d’honneur, cette année la Chine, ou une belle expo nous rappelle l’histoire de l’écriture, et que les Chinois avaient inventé l’imprimerie bien avant notre Gutenberg. Je suis toujours émue d’une manière assez inexplicable devant les témoignages des premiers temps de l’écriture : signes gravés sur une carapace de tortue, un os, une pierre.

tortue

chinoisliseuses

Il suffit de tourner la tête, et on tombe sur une série de liseuses suspendues au dessus d’une rangée d’ordinateurs, toujours des signes, des mots, toujours du sens qui circule entre les gens.

– à l’étage des agents, dont quelqu’un m’a dit qu’il fallait que j’aille au moins y jeter un coup d’œil. Ici, pas de stands tape à l’œil, pas de livres exposés. Des rangées de tables étroites, avec des chaises de part et d’autre, et des dizaines de paires de gens en train de discuter.

agents01

– dans la grande cour centrale, entre les halls immenses, pour déjeuner de saucisses et de pain, emmitouflée dans mon manteau. Une éditrice me l’a bien dit ce matin : « Francfort, pour moi, ça veut dire que l’hiver arrive. »

– dans le Hall 8, celui des anglo-saxons, dont l’ambiance est bien différente du 6, où sont regroupés les français avec d’autres. Mais je ne suis pas là tellement pour comparer les stands impressionnants des uns et des autres, je cherche Mike Shatzkin, qui partage un stand avec quelques autres consultants, et après quelques tours de piste, car il est sans arrêt occupé à discuter avec quelqu’un, je finis par le trouver seul, et passe un bon moment à discuter avec lui. Il est si chaleureux que j’en ai oublié mon anglais hésitant. Il me glisse une pub pour un événement qu’il organise à New York en janvier,  j’aimerais bien y aller.

Avant la « Messe », il y a eu la journée TOC organisée par O’Reilly. J’ai entendu Sara Lloyd, dont j’avais aidé Hubert et Alain à traduire le « digital manifesto » l’an dernier. Elle est suivie par Cory Doctorow, dont l’intervention qui pourfend les DRM sera pas mal commentée le lendemain sur la foire, tout comme la conférence sur le piratage de Brian O’Leary, qui tend à démontrer, sur un nombre limité de titres d’O’Reilly, que la mise à disposition non autorisée par l’éditeur des fichiers des livres numériques sur des réseaux peer to peer, le piratage,  tendrait plutôt à favoriser les ventes. Certains (essentiellement un article de the Bookseller, qui est distribué sous format imprimé gratuitement partout dans la foire,  laisse entendre que des éditeurs accusent Andrew Savikas, qui a organisé l’événement, d’en avoir fait un événement plus orienté « informaticiens » que « éditeurs », et de mettre en avant les expériences d’O’Reilly qui édite des livres bien particuliers, essentiellement destinés aux développeurs, en laissant entendre abusivement que ses expériences pourraient fonctionner tout aussi bien pour l’édition grand public.

Je ne sais pas bien de quel côté j’aurai fait pencher la balance, avec mon intervention de l’après-midi : je suis bien quelqu’un « de l’édition », et je ne suis pas informaticienne. Pourtant, je dis,  entre autres choses, dans cette intervention : « éditeurs, il va vous  falloir être un peu plus proches de la technologie. Les livres vont devenir numériques, vous vivrez dans un univers un peu plus technique, et il faudra bien vous y mettre un peu, si vous voulez maîtriser ce qui s’en vient. »

Les critiques faites à Savikas me semblent bien peu justifiées. Les commentaires de Sara Lloyd ont été, elle le précise en commentaire sur le blog de TOC,  sortis de leur contexte. Je conçois que certains soient agacés par les prises de position de Cory Doctorow. Mais déformer la pensée de Sara et essayer de jeter le doute sur la qualité de l’événement organisé par les équipes d’O’Reilly me semble un procédé assez douteux. C’est tentant de trouver quelqu’un sur qui taper lorsque l’on réalise qu’il va falloir changer, et vite, si on ne veut pas se trouver complètement dépassé par un monde qui change à toute vitesse. C’est tentant de tomber à bras raccourcis sur celui qui essaie de regarder loin devant et dit « préparez-vous, accrochez-vous, ça va remuer ! ».

Les interventions auxquelles j’ai assistées au TOC n’étaient pas spécialement techniques. Même la présentation faite par Peter Brantley de l’OPDS n’était pas technique, ce qui est une prouesse lorsque l’on parle d’un sujet pareil. Et cette façon d’essayer de minorer l’intérêt d’un événement en stigmatisant ses intervenants et son public est vraiment assez désagréable. On dit « c’est un truc de geeks », et on retourne ne rien faire à propos du numérique, en se disant « il n’y a pas de marché ». On pourra ajouter quelques propos nostalgiques sur l’odeur de la colle et le toucher du papier…

Pour plus de détails, voir le blog TOC, avec les commentaires.

Pendant que je projetais des photos de nuages et essayais d’imaginer, en vilaine geek que je suis, ce que pourrait être le « Cloud Publishing », les rois du Cloud Computing faisaient, dans la salle à côté, l’annonce de l’ouverture prochaine de Google Editions. Cela avait été déjà annoncé il y a plusieurs mois, mais cette fois, même si aucune date d’ouverture n’est encore annoncée, cela semble plus proche, courant 2010.

Cela fait des années qu’on savait que cela allait arriver : les géants du web s’approchent à grand pas et font trembler le sol sous leurs bottes de sept lieues. Seront-ils aussi amicaux que les géants de Royal de Luxe qui ont investi Berlin à l’occasion du début des festivités liées à  l’anniversaire de la chute du mur ?

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Vases communicants

Jolie invention que celle des vases communicants : le premier vendredi de chaque mois, parmi les écrivains qui peuplent la toile, c’est le grand jeu de « viens écrire sur mon blog, pendant ce temps là, je vais écrire sur le tien ». Et chacun donne les clés de sa maison en ligne, et s’en va camper pour 24h dans la maison de l’autre.

Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative du projet : « Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre », lit-on sur le groupe facebook qui permet d’organiser les échanges. Les premiers « vases communicants » ont eu lieu  le 3 juillet dernier entre les deux sites fondateurs, ainsi qu’entre Liminaire et Fenêtres / open space.

Quelques échanges, et il faut aller voir sur la page facebook pour en trouver plus :

Vases communiquants vendredi 2 octobre entre L’employée aux écritures de Martine Sonnet http://www.martinesonnet.fr/blogwp/ et Fenêtres Open space de Anne Savelli http://fenetresopenspace.blogspot.com/

Vases communicants vendredi 2 octobre entre entre Baptiste Coulmont (http://coulmont.com/blog) et Scriptopolis (http://www.scriptopolis.fr)

Vases communicants ce vendredi entre Annie Rioux http://36poses.org/ et Arnaud Maïsetti http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?rubrique40

Pour qui suit d’un peu près les publications en ligne des uns et des autres, c’est une occasion de découvertes, de rapprochements, les textes de chaque « paire de vases » souvent s’accordent et se répondent : ce sont des vases de cristal, en réalité, faites les s’entrechoquer, doucement, pour ne pas qu’ils se brisent, et écoutez la musique.

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C’est comme ça au Bookcamp

Il y a des blogueuses au Bookcamp.
Cette fois-ci il y a aussi  Léo Scheer au Bookcamp.
Au Bookcamp, on applaudit Zazieweb.
Il y a le visage de François Bon projeté sur grand écran au Bookcamp.
Il y en a plein qui twittent au Bookcamp.
On participe à 3 ateliers au Bookcamp,
Et on en rate 9, c’est comme ça au Bookcamp.
Plein de gens que j’aime sont venus au Bookcamp,
Et plein de gens que j’aime ont aussi malheureusement manqué le Bookcamp.
J’écoute les blogueuses et Xavier Cazin et Alain Pierrot et Hubert Guillaud au Bookcamp.
Il y a des journalistes au Bookcamp.
Est-ce que les éditeurs vont disparaitre  ? demandent les journalistes au Bookcamp.
Avec les livres numériques à 9,99 sur Amazon ils sont fichus, disent les journalistes au Bookcamp.
Si vous êtes d’un naturel impressionnable vous avez raison d’éviter le Bookcamp
et les journalistes qui s’inquiètent tellement pour l’avenir des livres en plein Bookcamp.
Au Bookcamp l’avenir des livres c’est  tout de suite.
Le papier des pages est tissé de capteurs au Bookcamp.
Les livres sont augmentés, RFIdés, QRcodés, truffés de tags au Bookcamp.
Des Hybrides se retrouvent secrètement au Bookcamp.
Les gens se photographient en train de se photographier au Bookcamp
Certains font juste un passage au Bookcamp
On n’a pas eu le temps de leur parler, ils ont déjà quitté le Bookcamp.
Il y a des auteurs au Bookcamp
Des éditeurs des étudiants des chômeurs des entrepreneurs  au Bookcamp
Il y a des blogueurs des fumeurs mais un seul Hadrien Gardeur au Bookcamp
Au Bookcamp il y a trois tailles de t-shirts
Il y a deux sortes de vins à l’apéro du Bookcamp
Et un seul regret : ça passe trop vite le Bookcamp.

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raconter des histoires

L’art et la manière de raconter des histoires  : un article de John Wilbanks qui concerne les publications scientifiques, même si l’extrait que je traduis ci-dessous ne peut le laisser deviner.

« La capacité de prendre cet énorme corpus d’histoires et de le transformer en quelque chose qui peut être modelé, qui peut être utlisé par des humains et par des machines ensemble pour fabriquer de nouvelles histoires.. Cette capacité va requérir l’émergence de nouveaux éditeurs qui comprennent leur rôle dans la nouvelle économie des contenus. Ils ne seront pas comme des imprimeurs utilisant des bits à la place de l’encre. Ils seront des interprètes, des traducteurs, situés entre les histoires humaines et les machines qui auront pris ces histoires, qui les auront intégrées dans le web des données et qui auront rendu possible pour les humains le fait de leur poser des question, de rêver des rêves, et de raconter de nouvelles histoires… »

Et dans Internet Actu, Hubert blogue depuis PicNic,  où Jeremy Ettinghausen, éditeur pour Penguin Books et Matt Locke, de Channel 4 education montreny les changements dans la façon dont le web social permet de raconter des histoires…

« – Il faut cacher des histoires à des endroits inhabituels.

– Il faut savoir se donner des contraintes ridicules.

– Il faut expérimenter en dehors de nos zones de confort, c’est-à-dire apprendre et essayer de nouvelles manières d’écrire et de raconter des histoires.

РIl faut savoir Inventer un caract̬re sans storyline, sans histoire directrice forte, mais imposer des pr̩sences.

– Il faut donner du matériel aux fans pour qu’ils jouent avec.

– Il faut créer des histoires qu’on puisse zapper quand on le souhaite. »

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Isabelle Aveline, Zazieweb

isavelineLe moment venu de se présenter, lors du rituel tour de présentation qui démarre chaque soirée de la Bouquinosphère, Isabelle disait simplement : Isabelle Aveline, Zazieweb. Et ça suffisait. Aujourd’hui, vérifiez vous-mêmes : Zazieweb s’arrête. Et c’est grande tristesse dans la bouquinosphère et bien au delà. Que dire après Hubert Guillaud, François Bon, remue.net, Olivier Ertzscheid ?

La photo qui illustre ce billet, je l’ai prise à La Rochelle La Roche sur Yon, lors des polyphonies du livre qu’Olivier avait organisées avec ses étudiants sur le thème des « nouvelles recommandations ».

Les nouvelles recommandations, elles étaient là, sous notre nez :  un réseau social, un vrai, de lecteurs francophones qui échangeaient, partageaient, commentaient, discutaient, depuis des années, bien avant l’arrivée du web 2.0, bien avant que l’on commence à parler de la nécessité pour les éditeurs de devenir des » animateurs de communautés », bien avant que l’on dise et répète à l’envi qu’avec le web, le lecteur était enfin accessible, que le lecteur était au centre.

Isabelle, dans la page qui accueille aujourd’hui le visiteur sur Zazieweb, explique les raisons de l’arrêt. Après avoir raconté ses efforts vains pour trouver un soutien institutionnel (pourtant, à un moment, on y a cru…) , elle ajoute :

« Parce que j’ai un peu/beaucoup l’impression de servir de « test » aux institutions et pools de recherche qui, dans quelques mois/années, auront les moyens ou la compréhension des enjeux… parce que « assez » de voir des projets institutionnels ou des programme de recherche financés sans qu’il y ait de véritable usage, de public utilisateur…, « assez » d’entendre des assises du Livre conclure sur la perte de vitesse de la chaîne du livre et sur la nécessité d’encourager de nouvelles formes de médiation du livre sans que cela s’accompagne de véritables mesures ou prise de position, « assez » d’entendre toujours les mêmes Cassandre/éléphants alors que la « base » innove au quotidien sur des blogs ou sites persos, alors que les lecteurs et process d’appropriation se déplacent sur d’autres supports (web, podcast, flux rss, mobiles…), parce que décidément il ne semble pas que l’intelligence du média web soit comprise et intégrée dans les politiques culturelles et les instances étatiques et du coup en reste à la puissance des acteurs du privés et souvent, de surcroît, anglo-saxons, et ce alors — paradoxe suprême & vain — qu’il semble de bon ton de le déplorer… » (C’est moi qu souligne)

L’intelligence du web, la compréhension fine de ce dont il s’agit et de ce qui s’y passe : Isabelle la possède, non seulement de manière abstraite, mais aussi parce qu’elle la vit, la met en  pratique et la partage avec autrui depuis des années.  Cette intelligence, encore trop rare,  c’est ce qui fait qu’on est certains de continuer de rencontrer Isabelle sur les chemins électriques de la littérature.

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Université d’été du Cléo à Marseille

Je ne suis jamais allée à Marseille que dans ce genre de contexte : colloque, rencontres, et cette fois-ci université d’été du Cléo. La première fois, j’étais allée aux rencontres du RIAM, un réseau dont l’objectif est de « stimuler l’innovation dans les produits et services pour la création et la diffusion de contenus multimédias interactifs et audiovisuels numériques. » J’essayais à cette époque d’obtenir le label Riam ( = les sous du RIAM…) pour un projet d’outil auteur permettant de produire des ressources pédagogiques dans le respect des standards (IMS, SCORM etc.). Les rencontres avaient lieu au Palais du Faro, tout au bout du Vieux-Port, et c’était un crève-cÅ“ur de quitter la lumière et la mer pour aller s’enfermer dans un amphi et regarder des powerpoints…

La seconde fois, c’était pour les rencontres de l’Orme, en 2008 2007, étape obligée de ce que nous étions quelques uns alors  à appeller la « e-education road », en bon français. C’est là que j’ai rencontré Clément Laberge pour la première fois IRL. C’était plus facile d’oublier la mer, les rencontres avaient lieu dans des friches industrielles non loin de la Belle de Mai.

Et la troisième fois, c’était cette semaine, à l’invitation de Marin Dacos et de Pierre Mounier, pour l’Université d’été du Cléo, à l’Université de Provence, juste à côté de la gare St Charles. La mer,  je l’ai aperçue par la fenêtre de la salle où nous déjeunions, et puis elle surgit parfois, au bout d’une de ces rues typiques de Marseille, longues et qui montent et qui descendent.

ruemarseille

Toute une semaine dont j’ai raté les trois premiers jours, malheureusement, et donc entre autres l’intervention d’Alain Pierrot, celle de Milad Doueihi, celle de Lou Burnard, et l’atelier EPUB animé par Hadrien Gardeur.

L’équipe du Cléo a rassemblé sous le titre de READ/WRITE BOOK une série d’articles qu’elle publie à la fois sous la forme d’un livre imprimé (impression numérique, quelques dizaines de tirages destinés aux stagiaires de l’UE), mais aussi d’un fichier PDF téléchargeable et d’une liste de liens vers les blogs sur lesquels ont paru les textes originaux. Avec Hadrien Gardeur, les stagiaires avaient pour objectif de transformer cette série de textes en un livre numérique au format EPUB, et ils sont repartis avec le READ/WRITE BOOK qui sur sa liseuse, qui sur son iPhone. Je me suis également servi de ce livre, et en particulier de son titre, pour introduire mon propre cours.

J’aurais aimé avoir plus de temps pour rencontrer les participants, pour la plupart des chercheurs ou documentalistes… C’est à peine si j’ai eu le temps d’échanger quelques mots avec certains d’entre eux, parmi lesquels Marlene, que je suis sur Twitter et qe je n’avas jamais rencontrée.

J’ai été, mais il a déjà été  largement salué, très impressionnée par la présentation de Daniel Bourrion, et même, oh, la vilaine, un peu jalouse : c’est ce que j’aurais aimé réussir à faire, une présentation qui soit une suite d’images, avec très peu de mots écrits, et qui accompagne et prolonge la parole. C’est bien plus long et difficile de trouver pour chaque idée la bonne image,  que d’aligner des bullet-points et des textes en style télégraphique, accompagnés de quelques illustrations,  et c’est aussi beaucoup plus efficace.

Je me suis dit, tout au long de sa présentation, que même si nous occupions des places différentes dans des milieux différents, nous avions vraiment des problématiques très proches. J’aurais pu, pratiquement tout le temps, remplacer dans l’exposé de Daniel le terme « Ã©tudiant » par celui de « lecteur », et cela fonctionnait :  » Aller chercher l’étudiant le lecteur où il est. »Â  « Observer les pratiques numériques des étudiants lecteurs. » Des bibliothèques universitaires  centrées sur les étudiants, des éditeurs centrés sur les lecteurs…

J’ai bien aimé le concept de dinosaure de l’avenir, pour désigner les liseuses que l’on achète en sachant bien qu’un nouveau modèle va sortir dans quelques semaines, et qu’elles feront figure d’antiquités dans un avenir proche..

bourriondino

J’ai raté la conférence de Pierre et Marin, la mienne était au même horaire. Et je n’ai même pas pu me consoler avec un des ces billets en quasi direct écrits par Hubert Guillaud (je ne sais pas comment il peut écrire aussi vite..)  pour la Feuille, parce qu’Hubert est venu m’écouter, et c’est mon intervention qu’il a bloguée. – En fait, Daniel a bloguée leur intervention ici, je viens de trouver le lien. -  (Je n’ai pas pu non plus rendre la gentillesse à Hubert et aller l’après-midi assister à l’atelier qu’il animait : le matin, en fermant ma valise, celle-ci a rendu l’âme, et je devais, sous peine de voyager avec mes affaires dans un sac poubelle, aller en vitesse m’en acheter une nouvelle avant de prendre le train. ( Sur twitter, j’ajouterais le tag #toutlemondesenfout, que je mets parfois quand je me laisse aller à raconter ma vie… )

Ayant réglé la question valise finalement assez vite, j’ai tout de même passé une tête, en fin d’atelier, au moment où Hubert, après avoir montré Scribd et CommentPress aux stagiaires, leur expliquait le fonctionnement de Delicious. Un atelier, un vrai, avec un ordinateur par stagiaire, et tout le monde super concentré, créant son compte sous Delicious, ajoutant ses premiers signets, choisissant ses premiers tags.

Nous avons tous ensuite marché jusqu’à l’Alcazar, la bibliothèque municipale de Marseille (construite par l’architecte Fainsilber) pour participer à un débat sur l’avenir du livre animé par Xavier Delaporte ( débat sur le même thème avec les mêmes intervenants, Hubert Guillaud, Marin Dacos et moi, également animé par  Xavier Delaporte  dans l’émission Place de la Toile sur France Culture vendredi prochain à 11h.)

C’était le dernier événement de la semaine, je pensais que, épuisés, les stagiaires auraient tous filé à la plage… Pas du tout, il y a eu du monde, des questions, de nombreux stagiaires de l’UE et quelques lecteurs de la bibliothèque.

Bravo à l’équipe du Cléo, et rendez-vous au BookCamp pour de nouvelles aventures.

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des métadonnées suffisamment bonnes ?

C’est une chose de critiquer la qualité des métadonnées du programme Livres de Google, c’en est une autre de le faire de façon systématique et argumentée. C’est l’exercice auquel s’est livré Geoff Nunberg et que l’on peut consulter ici.

La réponse de Jon Orwant, responsable des métadonnées chez Google, est intéressante. Loin de nier le problème ou de chercher à le minimiser, il examine une à une les erreurs pointées par Geoff Nunberg et explique leur origine, et la manière dont Google traite ses questions, à l’échelle des millions d’ouvrages qu’il a numérisés.

Joseph Esposito fait (dans la mailing list Read 2.0) un rapprochement entre le parti pris de Google concernant ce projet – privilégier l’accès rapide à une grande quantité d’ouvrages, et améliorer ensuite progressivement la qualité des métadonnées – et le  concept remis à l’honneur dans Wired cette semaine : celui de « good enough« . Francis Pisani traduit dans son billet sur le sujet « good enough » par « pas mal ». Je le traduirais plus littéralement par « suffisamment bon », me souvenant du terme  de « mère suffiisamment bonne« Â  utilisé pour traduire le concept de « good enough mother » proposé par le psychanalyste anglais Winnicott. J’aime cette idée du « good enough », essentielleemnt déculpabilisante (pour les mères, qui résistent difficilement à l’envie  d’essayer de devenir des mères parfaites), mais dans beaucoup d’autres domaines aussi. Ça ressemble à première vue à un concept de feignant, celui qui se contenterait d’un « assez bien », qui bâclerait le travail, un candidat au « peut mieux faire ». En réalité, le désir de perfection est souvent paralysant. Ce concept de « good enough » permet au contraire de lever bien des inhibitions, permet d’oser faire un premier pas, celui qui coûte le plus.

Mais ce n’est pas en priorité à cause de la qualité de ses métadonnées que le projet Google Livres, et surtout  le projet de Règlement auquel le procès intenté à Google par les éditeurs et auteurs américains a abouti est violemment critiqué et combattu. Trois principaux reproches sont faits au Règlement Google Books Search  :

– le non respect par Google de la législation sur le droit d’auteur
– le danger de constitution d’un monopole sur l’exploitation des versions numérisées des Å“uvres orphelines
Рle manque de garanties sur le respect de la vie priv̩e

Le délai prévu par le Règlement pour déposer des objections a été prolongé jusqu’au 8 septembre. Et il faudra attendre le 7 octobre, l’audience de la cour de justice américaine chargée de se prononcer sur la validité du Règlement, pour savoir si celle-ci l’aura considéré comme… « good enough ».

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De nouveaux habits pour certains livres du domaine public

Souvent, les livres anciens contiennent de magnifiques illustrations dont leur austère couverture ne laisse guère deviner la présence : uniformément noire, celle-ci n’affiche aucune inscription et bien sûr, aucune image, et la présentation de la couverture du livre sur l’écran d’un ordinateur en réponse à une requête ne fournit aucune information.

Plusieurs solutions à ce problème ont été essayées par Google, comme la création automatique de couvertures typo, où s’affichent titre et auteur. C’est utile, mais pas très beau :

couvgoog

Lorsque c’est possible, Google utilise maintenant un algorithme qui permet de sélectionner une illustration pertinente située dans l’ouvrage, et de l’utiliser en page de couverture, en y ajoutant titre et auteur, le tout, bien sûr, automatiquement.

Cela donne par exemple ceci :

butterflies

On peut aussi essayer, pour en juger in situ, la requête « plant » sur Google Book Search.

Plus de précisions sur le blog Inside Google Books.

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Livre ou pas livre ?

Pour moi, clairement, le document que François Bon présente ici n’est pas un livre. Si c’était le cas, deviendraient des livres quantité d’objets audio-visuels, dont jusqu’à présent personne n’a pensé un instant qu’ils étaient des livres.

Pourquoi la question se pose-t-elle aujourd’hui ? C’est la conséquence directe de la dématérialisation du livre, et de l’irruption du numérique et d’internet. Je souscris entièrement au texte d’Arnaud Maïsetti qu’a publié Constance, j’aurais aimé l’avoir écrit, tellement il exprime avec justesse ce que je pense et ressens.
Je ne dirais pas que l’on n’a plus besoin du mot « livre » : on en aura besoin tant qu’il y aura des livres, et si d’autres formes d’inscription et de transmission du savoir et d’une « relation réfléchie au monde » émergent, d’autres termes surgiront probablement pour les désigner. Il restera à définir à quel instant une forme échappe à la définition du livre : l’habit de papier et de colle semblait bien pratique pour reconnaitre un livre…

Même les livres numérisés, objets dérivés des livres publiés initialement sous forme imprimés, seront probablement très vite de plus en plus différents de la version imprimée : on souhaitera leur adjoindre les commodités permises par leur nouveau statut d’objet numérique, interactivité, adjonction d’éléments multimédias, possibilités de recherche, possibilités d’annotation, voire lectures collaboratives.

Il y a déjà des déplacements qui s’effectuent, entre par exemple le livre et le jeu vidéo. De nombreux talents, talents de raconteurs d’histoires, de ceux qui aiment inventer des mondes et nous les proposer, choisissent aujourd’hui de s’exprimer à travers le jeu vidéo, qui combine narration, interactivité, image, animation 3D. Et lorsque l’on aura cessé de mépriser ces formes, on se rendra compte que de véritables créateurs émergent dans ces sphères largement ignorées du monde de l’édition. Le jeu vidéo fait l’objet aujourd’hui de la même méfiance parmi les intellectuels que le cinéma dans ses débuts, ou la bande dessinée.

C’est aussi du côté des arts numériques que pourront se tourner  ceux des  auteurs qui apprivoisent les outils numériques. Et là, toutes les rencontres sont imaginables, avec la peinture et la danse, l’architecture, la musique, le design. Ainsi s’écrira la suite d’aventures collectives qui ont existé bien avant le numérique et continueront d’exister aussi en dehors de lui, celles de rencontres entre artistes : voir les livres d’artistes de Michel Butor, ceux de Miro (exposés cet été à la fondation Maeght), ou bien lectures de François avec Pifarély et bien d’autres performances et réalisations.

Dès qu’il quitte son costume de papier, le livre, pffuitttt, nous file entre les doigts, et s’en va flirter avec les applications, le son, la vidéo…

L’opération inverse existe, avec l’impression à la demande, qui voit le livre (dans l’acception « objet » du terme), comme l’une des occurrences d’une Å“uvre qui existe tout d’abord au format numérique, et vient se matérialiser sous forme de livre imprimé pour répondre au besoin particulier d’un utilisateur (qui aime le papier, souhaite une lecture déconnectée, veut pouvoir le poser sur une étagère de bibliothèque, écrire dedans, ne pas devoir brancher quoique ce soit ou allumer quoique ce soit pour accéder au texte…)

Si on s’efforce aujourd’hui de fixer la définition du terme « livre numérique », c’est pour pouvoir décider d’étendre la définition du livre, et qu’elle englobe les livres numériques. Tout simplement parce qu’ainsi, tous les livres numériques seraient des livres, et seraient d’un seul coup : 1) concernés par la loi Lang, c’est à dire que leur prix demeurerait fixé par les éditeurs, avec un effet protecteur pour les libraires, 2) soumis à une TVA de 5,5%, taux accordé aux livres, mais pour l’instant, leur définition spécifie qu’ils sont « imprimés », et leur version numérique est vendue avec une TVA de 19,6%.

(illustration : un des livres de plomb d’Anselm Kieffer, photographié au Grand Palais en 2007.)

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