Bob Stein : retour vers le futur du livre

« Bob Stein est un professionnel maniaque qui n’a jamais peur de sortir des clous et de faire quelque chose qui semble complètement absurde à quiconque ne partage pas sa vision. Les gens comme Bob font advenir les choses. C’est un éditeur né avant son temps, né avant que les presses à imprimer soient en mesure de fabriquer les choses qu’il voulait faire… » (Paul Saffo)

Avant la généralisation de l’usage d’Internet, et dès l’avènement des micro-ordinateurs, suivi de près par la mise au point des CD-Roms, des créateurs se sont emparés de ces nouveaux médias qui pour la première fois permettaient de mixer texte, image fixe et animée, sons, programmation. Les Å“uvres qui résultèrent de ces explorations demeurent inclassables : ni des livres, ni des jeux, ni des logiciels, ni des films… ( Qui se souvient de « ScruTiny in the Great Round » ? ) Le premier éditeur multimédia a été The Voyager Company, que Bob Stein fonda en 1984 avec trois autres personnes. Les titres multimédias interactifs – Puppet Motel de Laurie Anderson, Freak Show – The Residents et bien d’autres)  étaient pour la plupart produits avec le logiciel HyperCard, (un logiciel formidable, créé et malheureusement assez rapidement abandonné par Apple). Ces Å“uvres inclassables furent bientôt nommées par Bob Stein des « expanded books », que l’on peut traduire pas « livres augmentés ».

Le concept de « expanded book » ne doit pas être confondu avec celui de « enhanced book » tel que décrit par exemple par Mike Shatzkin dans sa « lettre aux auteurs« . Le « livre enrichi » que décrit Mike est une version numérique d’un livre, avec différents enrichissements ponctuels et quelques bonus. Le « livre étendu » tel que Voyager le développait proposait une véritable écriture multimédia, mettant en relation texte et image, inventant des modes de navigation, permettant au lecteur une interaction très poussée avec l’Å“uvre. On peut cependant imaginer que la frontière se fera de plus en plus floue entre les deux, et que des auteurs et des éditeurs réinventeront petit à petit ce livre hybride que Bob Stein et ses équipes proposaient déjà au début des années 90. Le frein étant probablement plus d’ordre économique que conceptuel ou technique…  Cependant, il m’arrive de penser que c’est du côté du jeu vidéo que cette histoire (celle de l’interactivité et du multimédia ) a continué de s’écrire, que c’est dans ce monde là que se trouvent aujourd’hui les talents, les savoir-faire, les idées et… les budgets.

À partir de 1993, la société mit en vente une application qui permettait à ses utilisateurs de réaliser eux-mêmes des livres augmentés, « the Expanded Book Toolkit », qui offrait la possibilité d’ajouter à des textes des fonctionnalités de recherche, des sons, des images, des films QuckTime.

Après l’arrêt de Voyager Company, Bob Stein dirigea quelque temps une autre société, Night Kitchen (je me souviens avoir entendu, assez fascinée,  une conférence d’un membre de Night Kitchen lors d’une édition du Milia, le « festival de Cannes » du multimédia en 1996 ou 1997), où était présenté le logiciel TK3, descendant de l’Expanded Book Toolkit, et probablement l’ancêtre de Sophie.

Bob Stein dirige aujourd’hui l’ Institute for the Future of the Book, où sont développés des projets comme The Golden Notebook, dont j’ai parlé ici.  La généralisation d’Internet a conduit l’équipe que dirige Bob Stein a poursuivre et développer sa réflexion sur la lecture, en particulier la lecture collaborative et partagée. Avec le CD-Rom interactif, le lecteur pouvait intervenir sur le déroulement de l’Å“uvre qu’il lisait et regardait. Avec le web, il peut toujours le faire, mais il peut également se connecter pour cela avec d’autres lecteurs.

Le blog de l’Institut,  If:book, dans lequel Bob Stein écrit régulièrement, est une véritable mine de réflexions et une vraie source d’inspiration.

Bob Stein sera, avec Alain Pierrot et Cory McCloud, présent le 2 juin au Motif,  tous les trois pour évoquer le futur du livre, « tels qu’ils l’imaginent, tel qu’ils le rêvent« .

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Bouquinosphère, saison 5 : torride

C’était lundi soir aux Bons Pêcheurs, et il faisait chaud, vraiment très chaud. Les blogueurs en nage s’agrippaient à leur bière glacée ou à leur coca light, et même les non fumeurs descendaient de temps en temps prendre l’air avec les accros à la clope, sans succès, parce qu’il faisait aussi lourd dehors que dedans. Mais ça n’a pas empêché que se déroule le rituel tour de présentation, lancé par Hubert, God bless his blog. Aldus nous a manqué, et Silvère, et François, et Anne-Sophie… et pas mal d’autres. Je n’ai pas eu le temps de parler avec Alain, toujours dans sa période zéro réseaux sociaux, (si, peut être imeem ?) ni à Thibaut, l’idiot du village qui nous est revenu, ça passe vite une soirée IRL, ça prend du temps de se parler dans la vraie vie, difficile de se limiter à 140 caractères autour d’une bière…  Mais j’étais contente d’entendre Fatima se présenter en tant que « digital concierge« , de voir Christelle taper la discute avec un journaliste de Livres Hebdo, de questionner Florian sur Leezam, de féliciter Pierre pour son dernier post, de retrouver Constance et Isabelle, de comprendre presque tout ce que m’a dit Hadrien, de terminer en partageant une salade en terrasse avec Hubert, Francis, Isabelle et Nathalie, juste avant la pluie, juste avant l’orage.

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Nova Spivack : Bienvenue dans le Flux

Entrepreneur, (Radar Networks, Lucid Ventures),  pionnier du web sémantique, Nova Spivack – à l’origine de twine.com – développe une vision stratégique des nouvelles technologies et des nouveaux médias. Il m’a autorisée – et je l’en remercie -  à publier la traduction d’un billet qu’il vient de faire paraître, Bienvenue dans le flux,  qui fait le point sur un phénomène que nous constatons tous, lié à l’apparition de nouvelles applications en temps réel et qu’il prend très au sérieux, considérant qu’il s’agit là d’un nouvel âge du web.

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Bienvenue dans le Flux : un nouvel âge pour le Web
Par Nova Spivack, fondateur de twine.com

Internet a commencé à évoluer plusieurs décennies avant l’apparition du Web. Et malgré le fait qu’aujourd’hui la plupart des gens pensent qu’Internet et le Web, c’est la même chose, en réalité ce sont deux choses bien distinctes. Le Web constitue le sommet de l’infrastructure Internet, un peu comme un logiciel ou un document est au sommet du système d’exploitation d’un ordinateur.

Et tout juste comme le Web a émergé à la pointe de l’internet, quelque chose de nouveau émerge à la pointe du Web : j’appelle cela le Flux. Le Flux est la prochaine phase de l’évolution d’Internet. C’est ce qui vient après le Web, ou bien au sommet du Web et que nous sommes tous en train de construire et d’utiliser.

La meilleure illustration actuelle du Flux est l’avènement de Twitter, Facebook et d’autres outils de microblogging. Ces services sont visiblement des flux, leurs interfaces montrent littéralement des flux, flux d’idées, flux de réflexions, de conversations. En réaction aux microblogs nous assistons aussi à la naissance d’outils pour gérer ces flux et pour nous aider à comprendre, rechercher, et suivre les tendances qui se propagent à travers eux.  Tout comme le Web n’induit pas un type particulier de site ou de service, le Flux n’est pas représenté par un site ou un service particulier, il se confond avec le mouvement collectif qui prend place à travers lui.

Pour relever le défi et saisir les opportunités du Flux un nouvel écosystème de services est en train d’émerger très rapidement : des éditeurs de flux, des outils de syndication de flux, des flux en temps réel, des moteurs de recherche, des moteurs d’analyse de statistiques de flux, des réseaux de publicité dédiés aux flux, et des portails de flux. Tous ces nouveaux services inaugurent l’ère du Flux.

Histoire du Web

La proposition originale de Tim Berners-Lee qui a donné naissance au Web date de 1989. Les deux premières décennies du Web, ( Web 1.0 de 1989 à 1999, et Web 2.0 de 1999 à 2009) ont été centrées sur le développement du Web lui-même. Le Web 3.0 ( 2009 – 2019) la troisième décennie du Web commence officiellement en mars de cette année et sera centrée sur le Flux.

  • Dans les années 90 avec l’avènement du protocole HTTP et du langage HTML, la métaphore du Web (la Toile), est née et les concepts des sites web ont capturé nos imaginations.
  • Au début des années 2000 l’intérêt s’est déplacé vers les réseaux sociaux et le web sémantique.
  • Maintenant, pour la troisième décennie qui commence, l’attention se focalise sur le déplacement vers le Flux, et on constate une abondance de métaphores qui tournent autour du flux, du courant et des ondulations.

Le web a toujours été un  flux. En fait il été un flux de flux. Tout site peut être vu comme un flux de pages qui évoluent dans le temps. Les branches d’un site peuvent être vues comme des courants de pages se développant dans différentes directions.

Mais avec l’arrivée des blogs, des flux d’alimentation RSS, des microblogs, la nature fluide du Web est devenue plus lisible et visible, parce que les nouveaux services sont à une seule dimension et conversationnels, et qu’ils se mettent à jour beaucoup plus fréquemment.

Définir le Flux

Tout comme le Web est formé de sites, de pages et de liens, le Flux est formé de flux.

Les flux font se succéder rapidement des séquences d’informations sur un thème. Il peut s’agir de microblogs, de hashtags, de flux d’alimentation RSS, de services multimédias ou de flux de données gérées via des API’s.

Le point clé est qu’ils changent rapidement, et ce changement est une part importante de la valeur qu’ils offrent. (contrairement aux sites web statiques, qui n’ont pas nécessairement besoin de changer pour fournir de la valeur). De plus, il est important de noter que les flux ont des URI- ce sont des entités que l’on peut adresser.

Alors, qu’est-ce qui définit un Flux, et le distingue d’un site web ordinaire ?

1. Le changement. Le changement est ce qui donne au flux toute sa valeur. Il n’en est pas toujours ainsi concernant les sites web. Les sites web n’ont pas besoin de changer constamment pour posséder de la valeur – ils pourraient par exemple être simplement statiques mais contenir des collections de références très nombreuses. Mais les flux, quant à eux, changent très fréquemment, et c’est ce changement permanent qui est leur caractéristique principale.

2. Indépendance vis à vis de l’interface. Les flux sont des flux de données,  et on peut y accéder et en prendre connaissance indépendamment d’une interface particulière, grâce à la syndication de leurs données à travers différents outils. Les sites web, eux, sont liés à leur propre interface utilisateur. À l’ère du web, le fournisseur de contenu contrôle l’interface. À l’ère du Flux, c’est l’utilisateur qui contrôle l’interface.

3 – Le règne de la conversation. Un point intéressant et important est que les flux sont reliés ensemble non par des liens, mais par des actes de conversation — par exemple la réponse à un » tweet », ou le « retweet », les commentaires, les évaluations, les « follows ». À l’ère du Web, le lien était roi. Mais à l’ère du Flux, c’est la conversation qui règne.

En termes de structure, les flux comprennent des agents, des messages et des interactions.
– les agents sont les gens ou les applications logicielles qui publient dans les flux.
– Les messages sont les publications faites par ces agents dans les flux – par exemple les courts billets postés sur les microblogs.
– Les interactions sont les actions de communication telles que l’envoi de messages direct ou de réponses, ou le fait de citer quelqu’un (« retweeting ») qui connecte et transmet les messages entre les agents.

L’esprit global.

Si Internet est notre système nerveux collectif, et si le Web est notre cerveau collectif, alors le Flux est notre esprit collectif.  Le système nerveux et le cerveau sont  comme les strates de fondation hardware et software, mais l’esprit est ce que le système est en train de penser en temps réel. Ces trois couches sont interconnectées, et représentent différents aspects de notre éveil progressif à l’intelligence planétaire.

Le Flux c’est ce que le Web est en train de penser et de faire, là, maintenant. C’est le flux collectif de notre conscience.

Le Flux c’est l’activité dynamique du Web, qui ne cesse de se produire. Ce sont les conversations, le flux vivant d’audio et de vidéo, les changements qui se produisent sur les sites web, les idées et les tendances, les « memes », qui se produisent au travers de millions de pages Web,  d’applications et d’esprits humains.

Le « maintenant » est devenu plus bref

Le Web change plus vite que jamais, tout en devenant de plus en plus fluide. Les sites ne changent pas chaque semaine ou chaque jour, mais chaque heure, minute ou seconde. Si nous sommes hors ligne ne serait-ce que quelques minutes, nous risquons de rater quelque chose de vraiment important. La transition d’un Web lent à un Flux ultra rapide se produit à toute vitesse. Et tandis que cela se produit, nous déportons notre attention du passé vers le présent et notre « maintenant » devient plus bref.

L’ère du Web portait essentiellement sur le passé — les pages étaient publiées des mois, des semaines, des jours ou moins des heures avant que nous les regardions. Les moteurs de recherche indexent ce passé pour nous le rendre accessible : sur le Web nous avons tous l’habitude d’utiliser Google et de regarder les pages issues d’un passé récent ou parfois situées plus loin dans le temps. Mais à l’ère du Flux, tout s’est déplacé dans le présent – nous pouvons voir les nouveaux billets publiés au fur qu’ils apparaissent, et les conversations émerger autour d’eux, en direct, tant que nous y prêtons attention.

Oui, comme le rythme du Flux s’accèlère, ce que nous appelons « maintenant » se raccourcit. Au lieu d’être un jour, c’est une heure, ou quelques minutes. L’unité de mesure des changements a acquis plus de granularité.

Par exemple, si vous regardez la ligne de temps (timeline) publique de Twitter, ou même seulement celle de vos amis dans Twitter ou Facebook vous verrez que les choses disparaissent rapidement de votre vue, vers le passé. Notre attention se focalise sur le présent immédiat. : les quelques dernières minutes ou heures. Toute chose qui a été postée avant cette période de temps est « hors de vue, hors de l’esprit ».

Le Flux est un monde où les empans d’attention sont toujours plus réduits, un monde de sensations virales en ligne, de célébrité instantanée, de tendances subites, d’intense volatilité. C’est aussi un monde de conversations et de pensées à très court terme .

C’est le monde dans lequel nous entrons. C’est à la fois un grand défi et une grande opportunité que cette nouvelle décennie du Web…

Comment allons-nous nous accommoder du Flux ?

Le Web a toujours été un courant – il est toujours apparu en temps réel depuis qu’il a commencé, mais il était plus lent, les pages changeaient moins fréquemment, de nouvelles choses étaient publiées moins souvent, les tendances se développaient plus lentement. Aujourd’hui va tellement plus vite, aujourd’hui se nourrit de lui même, et nous le nourrissons et nous l’amplifions toujours plus.

Les choses ont aussi changé sur le plan qualitatif ces derniers mois. Les aspects de type « flux » du Web sont vraiment devenus le lieu central de notre principale conversation culturelle. Tout le monde s’est mis à parler de Facebook et de Twitter. Les célébrités. Les animateurs de talk-shows. Les parents. Les ados.

Et soudain nous nous retrouvons tous scotchés à diverses activités liées aux flux, microbloguant de façon maniaque, louchant à force de traquer les références aux choses  qui nous importent avant qu’elles soient emportées hors de vue. Le Flux est arrivé.

Mais allons-nous pouvoir supporter cette quantité toujours grandissante d’informations ? Allons-nous tous être renversés par nos propres lances d’arrosage personnelles, ou est-ce que des outils vont apparaître pour nous aider à filtrer nos flux et les rendre gérables ? Et si déjà aujourd’hui nous avons trop de flux et devons sauter de l’un à l’autre de plus en plus souvent, comment est-ce que cela va être quand nous devrons fonctionner avec dix fois plus de flux d’ici quelques année ?

L’attention humaine est un goulet d’étranglement considérable dans le monde du Flux. Nous pouvons être attentifs à une seule chose, ou à un petit nombre de choses en même temps. Comme l’information vient à nous depuis différentes sources, nous devons sauter d’un item au suivant. Nous ne pouvons l’absorber entièrement en une seule fois. Cette barrière fondamentale sera franchie par la technologie dans le futur, mais au moins pour la prochaine décennie cela demeurera un obstacle clé.

Nous pouvons suivre plusieurs courants, mais seulement un item à la fois, et cela requiert de pouvoir rapidement faire passer notre attention d’un article à l’autre et d’un flux à l’autre. Et il n’y a pas vraiment d’alternative : fusionner tous nos flux séparés en une seule grande activité de flux unifiée produirait vite beaucoup trop de bruit et nous serions submergés.

L’habileté à suivre différents flux dans différents contextes est essentielle et nous rend capables de filtrer et et de concentrer notre attention de manière efficace. Résultat, il n’y aura pas un flux unique d’activité – nous aurons de très nombreux flux.  Et nous devrons trouver le moyen de nous accommoder de cette réalité.

Les flux peuvent être unidirectionnels ou bidirectionnels. Quelques flux sont comme des « fils d’alimentation » qui vont de producteurs de contenu à des consommateurs de contenus. D’autres flux sont plus comme des conversations ou des canaux dans lesquels n’importe qui peut être indifféremment émetteur ou récepteur.

Comme les flux vont devenir les principaux modes de distribution de contenu et de communication, ils vont devenir de plus en plus conversationnels et ressembleront de moins en moins à des « flux d’alimentation ».  Et c’est important – parce que pour participer à un flux d’alimentation vous pouvez être passif, vous n’avez pas besoin d’être présent de façon synchrone. Mais pour participer à une conversation vous devez être présent et synchrone—vous devez être là au moment où ça se passe, ou vous manquez tout.

Un Flux de défis et d’opportunités.

Nous allons avoir besoin de nouvelles sortes d’outils pour manager nos flux, pour y participer, et nous commençons à voir l’émergence de certains d’entre eux. Par exemple, les clients Twitter comme Tweetdeck, les lecteurs de flux RSS, et les outils de suivi de flux comme Facebook ou Friendfeed. Il y a aussi de nouveaux outils pour filtrer nos flux en fonction de nos centres d’intérêt, comme Twine.com (précision : l’auteur de cet article est l’un des fondateurs de Twine.com). La recherche en temps réel émerge aussi pour offrir des moyens pour scanner le Flux en son entier. Et les outils de découverte de tendances nous aident à savoir ce qui est brûlant en temps réel.

Le plus difficile sera de savoir à quoi prêter attention dans le Flux ; les informations et les conversations disparaissent si rapidement que nous pouvons à peine suivre le présent, encore moins le passé. Comment savoir à quoi prêter attention, quoi lire, quoi ignorer, quoi lire peut-être plus tard ?

Récemment quelques sites ont émergé qui montrent les tendances en temps réel, par exemple en mesurant le nombre de retweets concernant diverses URL survenus dans Twitter.  Mais ces services montrent seulement les tendances les plus fortes et les plus populaires. Et les autres thématiques, celles qui n’entrent pas dans ces tendances massives ? Est-ce que les choses qui ne font pas l’objet d’un RT ou n’ont pas été distinguées par un « like » sont condamnées à l’invisibilité ? Est-ce que la popularité d’un document reflète son importance réelle ?

Certainement, l’une des mesures de la valeur d’un item dans le Flux est la popularité. Une autre unité de mesure est sa pertinence par rapport à un thème, ou, plus intéressant encore, par rapport à nos centres d’intérêts personnels. Pour vraiment faire face au Flux nous aurons besoin de nouvelles manière de filtrer qui combineront ces deux approches. Au fur et à mesure que notre contexte change au long de nos journées (par exemple du travail et de ses différents clients et projets au shopping ou à la santé, aux loisirs, à la famille) nous aurons besoins d’outils qui pourront s’adapter et filtrer le Flux différemment selon ce qui nous importera.

Un Internet orienté Flux offre aussi de nouvelles opportunités pour la monétisation. Par exemple, de nouveaux réseaux de publicité pourraient se former pour permettre aux annonceurs d’acheter des espaces juxtaposés aux URL portant sur des grandes  tendances  du Flux, ou sur différentes tranches de celui-ci.  Par exemple, un annonceur pourrait distribuer ses annonces sur les douzaines de pages qui sont retweetées à un moment précis. Lorsque ces pages commencent à décliner en ce qui concerne le nombre de RT par minute, les pubs pourraient bouger vers d’autres URL qui commencent à gagner en popularité.

Les réseaux publicitaires qui font un bon boulot de mesure des tendances de l’attention en temps réel  devraient être capable de capitaliser  sur ces tendances plus vite et permettre d’obtenir  de meilleurs résultats pour les annonceurs. Par exemple, un annonceur capable de détecter et de se positionner immédiatement sur la tendance du jour pourrait faire apparaître son annonce accolée aux leaders les plus influents qu’ils cherchent à atteindre, de manière presque instantanée. Et cela pourrait se traduire par des gains immédiats en sensibilisation et sur l’image de marque.

L’émergence du Flux est un changement de paradigme intéressant  qui pourrait se révéler une caractéristique de la prochaine évolution du Web pour la troisième décennie qui arrive. Même si le modèle de données sous-jacent  va  de plus en plus  ressembler à un graphe, ou même à un graphe sémantique, l’expérience utilisateur sera de plus en plus orientée flux.

Qu’il s’agisse de Twitter ou d’une autre application, le Web est en train de se transformer  de plus en plus en flux. Comment allons-nous filtrer ce flux ? Comment allons-nous y faire face ? Celui qui résoudra ce problème en premier va probablement devenir riche.

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Scribd, le « YouTube du livre », ouvre une partie payante

Sur Twitter ce matin :

@adamhodgkin « RT @naypinya: scribd launches ecommerce platform for publishing; : – http://bit.ly/wB7tE publishers get 80% of revenue »

A bloguer en urgence !

Le site de partage de documents en ligne Scribd va commencer aujourd’hui à tester une plateforme de commerce électronique (Scribd Store). Sur Scribd,  les utilisateurs ont la possibilité de charger et de partager tout type de document écrit. Tout comme cela arrive fréquemment sur YouTube pour la vidéo, certains utilisateurs déposent parfois sur Scribd des livres protégés par le droit d’auteur, ce contre quoi Scribd s’efforce de lutter, mais qui lui vaut parmi les éditeurs la réputation de site favorisant le piratage, comme cela a été évoqué récemment dans cet article du New York Time. Scribd a déjà en vue la déclinaison de son service sur iPhone.

le site PaidContent a été hier le premier a annoncer l’ouverture de Scribd Store, qui devrait publier seulement aujourd’hui son communiqué de presse. Voici ce qu’ils écrivent : (traduction maison)

« Les prix seront fixés par les éditeurs. Contrairement au modèle de partage de revenus en usage chez Amazon, qui peut aller jusqu’à une part de 70% de revenus prélevés pour certains fournisseurs de contenu, la nouvelle boutique Scribd permettra aux ayants droits de conserver 80%  des revenus provenant de l’achat de leurs Å“uvres, a déclaré Tammy Nam, Vice Présidente de Scribd chargé du contenu et du marketing, dans une interview avec paidContent. Les auteurs et les éditeurs, dans la boutique Scribd pourront fixer eux-mêmes leurs prix et choisir leurs options de DRM. Actuellement, les prix vont de 1$ pour un « graphic novel panel » à 5000$ pour un rapport de recherche détaillé sur le marché chinois. »

«Beaucoup d’œuvres vont êtres mises en ligne, alors nous souhaitons abaisser les barrières » ajoute Nam à propos du raisonnement qui a présidé à cette politique de prix et de DRM. « Notre objectif principal est d’ajouter du contenu au site. Nous pensons que cela sera un peu comme eBay, sous de nombreux aspects, où vous trouvez un mélange de contenu fourni par des vendeurs amateurs et par des professionnels. Mais surtout, en tant que site fréquenté chaque mois par 60 millions de lecteurs, nous croyons qu’il y a une superbe « longue traîne » de contenu non professionnel. »

‘L’introduction de la boutique Scribd et son système de DRM à la demande ne va pas nécessairement faire cesser le plagiat et les violations du copyright. Mais en donnant aux auteurs et aux éditeurs une chance de gagner de l’argent sur son site, Scribd espère que les critiques vont s’atténuer. Séparément, Scribd maintient une « base de données de copyrights » des Å“uvres protégées, et fait son possible pour lutter contre les usages non autorisés. Chaque Å“uvre chargée sur la boutique Scribd sera automatiquement ajoutée à cette base de données, qui couvre aussi la partie gratuite du site. Par exemple, le site communautaire et éditeur de guide de voyages Lonely Planet  va commencer à vendre des chapitres à partir de 2,50$  et 12,50$. « 

C’est une annonce très importante : Scribd est un site particulièrement bien fait, qui touche une audience très large. Savoir dans quelle mesure et dans quelles proportions ses utilisateurs vont accepter de passer, pour accéder à des Å“uvres protégées, à un modèle payant sera tout à fait crucial pour la détermination de modèles économiques dans l’édition numérique. Le modèle de Scribd qui permet à la fois la consultation en ligne et le téléchargement en fait un concurrent aussi bien d’Amazon que du futur Google Recherche de Livres (si le règlement est approuvé). On peut se réjouir de l’arrivée d’un acteur significatif alors que la rivalité Google / Amazon risque de s’accentuer pour la domination de l’accès aux contenus et celle du commerce du livre numérique.

Qu’en pensez-vous ? ( Les commentaires de plus de 140 caractères sont acceptés, allez, lâchez un peu Twitter et revenez sur les blogs ! )

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Amazon franchit une nouvelle étape

booktwo.org commente ainsi la dernière annonce d’Amazon, survenue hier :

« Amazon vient d’annoncer AmazonEncore : « un nouveau programme selon lequel Amazon va utiliser les informations telles que les critiques de lecteurs sur Amazon.com pour repérer les livres exceptionnels et très recherché et les auteurs avec un plus gros potentiel que celui indiqué par leurs ventes.

Cela a mis du temps à venir, mais certains d’entre nous avaient annoncé cette évolution depuis un bon moment : Amazon a fini par franchir l’avant-dernier pas qui le séparait du dernier maillon de la chaîne éditoriale. Je dis « avant-dernier » car bien sûr, s’ils sont dès maintenant, certainement, des éditeurs, il semble qu’ils vont se contenter de faire leur choix parmi les livres existants plutôt que d’aller à la recherche de leurs propres auteurs. »

Le premier titre publié par AmazonEncore, Legacy, a été écrit par une jeune fille de 14 ans, Cayla Kluver, et publié par une maison d’édition spécialement créée par sa mère. Les notes de lecture des internautes à propos de Legacy allaient de « j’adore, j’adore » à « un intrigue et un maîtrise à vous couper lesouufle ». La prochaine version de Legacy, publiée par Amazon, verra le jour à l’automne 2009.

Rien n’empêche les éditeurs de scruter le web, comme décide de le faire Amazon, à la recherche de nouveaux succès… Mais il faudra maintenant être plus rapide et plus convaincants qu’Amazon pour leur faire signer un contrat…

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Génération « Ã  la demande »

« Autrefois, je travaillais uniquement lorsque j’étais au bureau, et je m’amusais seulement à la maison ou dehors. Je lisais un livre chez moi ou bien je l’emmenais consciemment avec moi.  Je regardais des films à la télé ou au cinéma. Aujourd’hui, je peux consulter mon profil Facebook chez le coiffeur sur mon Blackberry. Je peux lire le fil RSS Publishers Lunch de Michael Cader et lire une analyse du Règlement Google Recherche de Livres en attendant que le mach de foot commence. Pendant que j’attends les 10 minutes requises pour qu’une vidéoconférence transcontinentale fonctionne, je peux jeter un rapide coup d’Å“il sur Funny or Die (gags vidéo) et regarder quelques blagues. Si j’ai rendez-vous avec un copain dans un pub londonien et qu’il est en retard, je peux sortir mon iPhone et lire le New York Times, aller voir Zagat.com ou choisir plutôt de réserver une table avec OpenTable.com, tout cela avant que mon ami arrive pour boire sa bière. Je peux lire et envoyer des commentaires et même mettre à jour mon blog. Je peux tweeter ou lire des tweets. »

Qui s’exprime ainsi ? Evan Schnittman, Vice Président chargé du développement et des droits aux Presses Universitaires d’Oxford.

Evan, qui n’est pas un natif du numérique, s’inclut, par les pratiques décrites ci-dessus, dans ce qu’il nomme la Génération du « Ã€-la-demande ». (On-demand Generation).

Plus loin, dans ce billet que je vous engage à lire (parce que je ne vais pas le traduire en entier, quand même…), il ajoute :

« Le défi que nous devons relever aujourd’hui, en tant qu’industrie, ce n’est pas de savoir si la Génération du À-la-demande va adopter les livres numériques – c’est une évidence.  La question est de savoir si nous allons être en mesure de permettre des lectures immersives d’une manière qui conviendra à cette Génération du À-la-demande. Pouvons-nous lui procurer de la lecture immersive à la demande ? Pourrons-nous permettre aux clients d’acheter du contenu et de le lire comme ils le veulent, où ils le veulent, quand ils le veulent ? »

Plutôt une bonne question, non ?

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Book Glutton : lectures partagées sur votre blog

Hubert Guillaud l’avait déjà signalé il y a un moment sur La Feuille, le site Book Glutton invite les lecteurs à lire en ligne, et leur offre une interface leur permettant de partager leurs annotations, ainsi qu’une mini-application de messagerie instantanée, qui s’ouvre au regard d’une page, et vous permet d’échanger avec d’autres au sujet d’un texte.
Un pas supplémentaire vient d’être franchi en permettant aux visiteurs de rapatrier le livre de leur choix directement sur leur blog, grâce au widget que voici :

Aaron Miller, CTO de BookGlutton, déclare :

« Nous espérons que les bibliothèques, les écoles, les clubs de lecture, trouveront des avantages à utiliser ce widget. En tout état de cause, nous vendons une version personalisable à ceux qui souhaitent modifier l’aspect visuel ou intervertir les fonctionnalités de chat et d’annotation. Nous avons travaillé dur pour faire un produit totalement modulaire ».

BookGlutton permet aussi aux lecteurs de parcourir leur catalogue sans sortir de l’interface de lecture, et utilise pour son catalogue le standard ODPS.

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Amazon achète Lexcycle

Voilà, j’ai été si élogieuse hier à propos de Neelan Choksi, que ça a décidé Amazon à acheter Lexcycle… Je le savais que j’étais une blogueuse influente :)

http://bits.blogs.nytimes.com/2009/04/27/amazon-acquires-stanza-an-e-book-application-for-the-iphone/

Trop tard pour bloguer sur cette nouvelle importante, et sur ses conséquences. Mais je suis sûre que d’autres vont s’en charger très rapidement…

Cette note sur le blog de Lexcycle, tout de même :

”Nous n’avons prévu aucun changement dans l’application Stanza ou dans l’expérience utilisateur suite à cette acquisition. Les clients auront toujours la possibilité de parcourir, acheter et lire les livres numériques issus de catalogues de nos partenaires. »

Comment interpéter cette acquisition ? Seul l’avenir nous dira ce qu’il va advenir de Stanza. Est-ce qu’Amazon va profiter du savoir faire de Lexcycle pour se mettre à utiliser le format EPUB ?  L’idée est-elle de neutraliser un concurrent sérieux pour le Kindle, ou plutôt de gagner du temps dans la disponibilité des livres numériques sur de nouveaux terminaux mobiles (Blackberry ou terminaux sous Androïd) ?

Toute une série de liens sur l’événement ici :http://news.google.com/news?pz=1&cf=all&ncl=1342615656

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Neelan Choksi : comment rater votre arrêt de bus

Neelan Choksi, COO de Lexcycle, la société qui a créé le logiciel Stanza, était l’un des invités de la conférence « America’s changing readers – Strategies for digital publishing in a time of uncertainty », qui se tenait à Londres à la veille de l’ouverture de la foire du livre. Il avait aussi un stand minuscule, tout près du Digital Theater. Neelan a rappelé son itinéraire : ingénieur de formation, il a complété son cursus universitaire par un diplôme de management, puis commencé sa vie professionnelle chez Exxon, a continué dans le consulting, avant de créer plusieurs sociétés high tech. La dernière, Lexcycle, a réalisé l’application Stanza, qui permet de lire des livres numériques sur un iPhone. Stanza était disponible sur l’App Store, la plateforme opérée par Apple et permettant de télécharger des applications destinées à l’iPhone, dès le 14 juillet 2008, moins d’un mois après l’ouverture de l’App Store. La succès a été foudroyant : Stanza a  aujourd’hui été téléchargé par plus de 1,7 millions d’utilisateurs dans 60 pays, et a permis le téléchargmeent de plus de 7 millions de livres numériques.

L’objectif de Neelan Choksi : offrir aux lecteurs la meilleure expérience de lecture sur mobile. Le critère : que vous ratiez votre arrêt de bus parce que vous êtes plongé dans la lecture d’un livre sur votre mobile. Il y a quelques mois il semblait encore inconcevable à presque tout le monde que l’on pût lire longtemps sur un téléphone mobile. L’arrivée de l’iPhone a bouleversé le paysage, ainsi que celle de Stanza. Ce n’est pas la seule application de lecture sur iPhone, mais c’est la plus utilisée.

L’obsession de Neelan Choksi et de son équipe (toujours réduite à trois personnes me dit-il) :  faciliter la vie du lecteur à tous les stades – recherche d’un livre, choix du livre, achat de celui-ci s’il s’agit d’un livre payant, téléchargement, démarrage de la lecture. Le secret : éviter toute friction, à chacune de ces étapes. Cela peut paraître une évidence, mais nous savons tous, par notre pratique des achats en ligne, ce que signifie le terme « friction » : parcours alambiqué, mauvaise information sur la conséquence probable d’une action qu’il nous est demandé de faire, incertitude sur le fait qu’un clic a ou non été pris en compte, incapacité à savoir où telle ou telle application téléchargée a bien pu aller se cacher dans notre disque dur, remplissage interminable de formulaires, nécessité de recommencer entièrement une série d’opérations fastidieuses. Autant de frictions, qui rendent le choix difficile, l’achat compliqué, l’usage pénible, exaspèrent et découragent  l’utilisateur.

À cette attention portée à la fluidité du processus, Neelan ajoute un soin particulier apporté à la qualité de l’expérience de lecture elle-même. Le livre imprimé est un objet formidable, on ne le dira jamais assez. Il convient de comprendre pourquoi, et comment la lecture sur ce « terminal papier » est si agréable, et de reconstituer autant que faire se peut tous les ingrédients de ce conforts sur support électronique. » Qu’est-ce qui rend magique la lecture sur les livres imprimés ? « , demande Neelan aux éditeurs présents dans la salle. Et il poursuit : « Il faut observer cela au plus près, et en tirer des leçons pour les livres numériques. »

La lecture, nous rappelle-t-il, est fondée sur la reconnaissance de motifs (« patterns ») : la lettre, le mot, le groupe de mots, la phrase, le paragraphe. Il se réfère explicitement aux travaux de Bill Hill, qu’Alain Pierrot  cite fréquemment, et évoque le concept de « harmonic gait », que j’ai du mal à traduire autrement que par « démarche harmonieuse ». Ce concept est issu de l’étude des traces des animaux : la « démarche harmonieuse » d’un animal est le motif que composent plusieurs de ses traces, lorsqu’il se déplace normalement, sans stress particulier. Pour les animaux à longues pattes, comme le chien par exemple, l’empreinte de la patte arrière gauche va coïncider, lorsque l’animal se déplace en « demarche harmonieuse » avec l’empreinte précédente de la patte avant gauche. Si l’animal accélère, l’empreinte se situera devant l’empreinte précédente, s’il ralentit, elle se situera derrière. Ce concept d' »harmonic gait » est utile pour comprendre comment se déplace notre oeil de lecteur le long d’un texte. Nous avons chacun notre « harmonic gait », et notre lecture connaît, comme les déplacements des animaux, accélérations et ralentissements.

Permettre une lecture immersive, de longue durée, sur un terminal électronique, est une étape essentielle pour que se développent massivement des pratiques de lecture numérique

Je cite Bill Hill :

« Pour des tâches de lecture de très courte durée, comme la lecture de mails, les lecteurs sont préparés à supporter un affichage assez pauvre du texte. Ils ont appris à vivre avec pour de courtes périodes. Mais plus ils lisent longtemps, plus les petites fautes d’affichage, de mise en page et de rendu, deviennent irritantes et distraient leur attention de ce qu’ils lisent

La conséquence, c’est qu’une tâche qui devrait être automatique et inconsciente commence à réquérir un processus cognitif conscient. Lire devient alors un travail pénible. La capacité cognitive normalement destinée à comprendre la signification du texte est surchargée par une demande additionnelle.

Si nous essayons de lire un document à l’écran et que l’ordinateur est relié à une imprimante, l’urgence de presser sur le bouton « imprimer » devient d’autant plus forte que le document est long et complexe, que la demande faite à notre processus cognitif est forte.

L »augmentation massive de l’usage d’Internet ces dernières années a finalement abouti à une augmentation importante du nombre de documents imprimés, alors même que ces documents sont délivrés au format électronique qui pourraient être lus sans nécessiter une impression. Pourquoi ? Parce que la lecture à l’écran ressemble trop à un travail pénible. Les gens utilisent le web pour trouver de l’information, pas pour la lire.

La recherche sur la lecture ludique est l’un des buts premiers de cette étude, trouver les moyens de rendre les livres numériques lisibles. Si les livres numériques doivent rencontrer le succès, les lecteurs doivent pouvoir s’immerger dans la lecture pour des heures, de la même manière qu’ils le font avec les livres imprimés.

Pour que cela soit possible, la lecture à l’écran doit devenir aussi automatique et inconsicente que la lecture sur papier, ce qui n’est clairement pas le cas aujourd’hui. »

J’ai interrogé Neelan sur les projets de Lexcycle. Dans l’immédiat, il s’agit de porter Stanza sur d’autres terminaux que l’iPhone : Blackberry et les mobiles sous Androïd, pour commencer. Il s’agit aussi d’avancer sur le projet OPDS, que Xelle décrit en détail ici.

Cela a été un grand plaisir de rencontrer Neelan Choksi et de discuter avec lui. L’histoire de Lexcycle et de Stanza a quelque chose d’un conte de fées : la bonne idée, au bon moment. Ce qui a été possible au moment où ils ont lancé Stanza ne l’est plus aujourd’hui aussi facilement. Des milliers d’application rivalisent maintenant sur l’App Store, et même les meilleures ont du mal à se faire connaître.

La réussite de Lexcycle ne tient pas seulement à cet effet d’aubaine, mais très certainement en premier lieu à la qualité de son équipe. Venus de la technologie, ils ont abordé le domaine de l’édition avec un esprit ouvert et curieux, ils ont su se poser les bonnes questions, adopter le standard EPUB, nouer des partenariats stratégiques, écouter les éditeurs, et, surtout, se mettre entièrement au service des lecteurs. Il a terminé son intervention par quelques conseils d’apparence évidents, mais, je le crois sincèrement, pas si évidents à suivre :

Рla qualit̩ compte
– chaque lecteur est unique
– chaque terminal est unique
– écouter l’utilisateur
– donnez une voix à vos lecteurs.

Avant de conclure : « It’s all about people reading. »

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Espresso : un livre, tout de suite !

Il y a déjà presque deux ans que j’ai évoqué pour la première fois l’Espresso sur ce blog. J’ai eu l’occasion de la voir fonctionner à la foire du livre de Londres. La machine de démonstration, dont la carosserie tranparente permettait de suivre toute les étapes de la fabrication du livre, a tourné à plein régime pendant trois jours, et je l’ai filmée pour vous avec mon appareil photo.

Imaginée par Jason Epstein, cette machine est déjà installée dans plusieurs bibliothèques américaines, et dans quelques librairies. Capable d’imprimer en quelques minutes un livre à l’unité, elle offre potentiellement au libraire ou au bibliothécaire la possibilité de n’être jamais en rupture. Lorsqu’il ne dispose d’aucun exemplaire d’un livre, il peut proposer à son client d’en imprimer une version pour lui. Il faut pour cela qu’une version numérique de l’ouvrage soit disponible, bien sûr. On imagine aussi l’avantage qu’il pourrait y avoir à disposer de telles machines dans les établissements d’enseignement.

Qu’est ce que cette machine, sinon un photocopieur perfectionné auquel on adjoint un module qui effectue les opérations de façonnage, afin de transformer en livre ce qui, sinon, serait un tas de feuillets fort désagréable à consulter. Avec l’Espresso, l’objet livre apparaît comme l’un des moyens, et sans doute l’un des plus agréables, pour accéder à une Å“uvre de l’esprit. Sa simple existence, même si elle demeure assez rare, et si la preuve de sa facilité d’usage, et de la possibilité d’une adoption massive reste à faire, nous aide à ne pas demeurer centrés exclusivement sur le livre imprimé. Elle rend visible ce qui, confié aux imprimeurs, et réservé à des tirages justifiant la mobilisation et le réglage d’une machine offset, demeurait auparavant caché, contribuant à ôter au livre une part de son mystère : le moment de la fabrication, l’instant où le texte s’installe sur la page, et où les feuillets assemblées deviennent un livre. Un pas de plus vers la désacralisation du livre. Avec l’impression à la demande, le livre devient une forme possible, et pratique, pour quantité de documents qui ne se limite pas à des Å“uvres littéraires : manuel, cours, cataloge, album souvenir, album photo, recettes de cuisine, tout document d’une certaine longueur peut désormais adopter cette forme. Et cette nouvelle accessibilité de l’impression croisée avec toutes les possibilités offertes par les technologies numériques pour générer des contenus, les mixer, les personnaliser, ouvrent la voie à quantité d’objets nouveaux.

Ajout du 25/04/09 : ce reportage de BBC news sur la machine Espresso :

Mise à jour du 8 mai 2009 : Alain Pierrot me signale un excellent billet paru sur le blog if:book, tout entier consacré à une longue réflexion sur la machine Espresso, quelques semaines après son installation dans une librairie londonienne. À quoi bon fabriquer un exemplaire imprimé d’un livre, à l’ère des liseuses et de la lecture sur téléphone mobile ? Réponse de Sonja Drimmer : la Présence.

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