Bonne pêche

Rendez-vous avec la Bouquinosphère, hier soir, à la brasserie « Le bon pêcheur », et qui sommes nous sinon  des pêcheurs, plongeant jour après jour nos filets raccommodés dans l’océan du web, ramenant à la surface quelques beaux poissons que nous partageons à la criée, sur nos agrégateurs, twittant à tue-tête :  « il est beau mon fil RSS ! »

C’est toujours un plaisir, ces rendez-vous, et c’est aussi toujours frustrant. C’est agréable d’échanger avec certains de ceux que l’on connait déjà, et décevant de repartir sans avoir pu parler avec tous, anciens ou nouveaux venus. J’ai bien aimé qu’Hadrien me parle en détail de ce qui se passe à l’IDPF, et des ses travaux avec Lexcycle ; croiser deux des ours de Babelio, que je tanne pour savoir quand ouvrira la prochaine version, et qui me confirment  que l’opération Masse Critique 4 est bien partie : quantités de livres envoyés à foule  de blogueurs ; en apprendre plus auprès de Piotrr sur la plateforme de carnets de recherche Hypothèses, et les usages divers qu’en font les chercheurs (me suis promis d’écrire un prochain billet là dessus…) ; constater qu’il faut qu’Hubert (merci Hubert, notre GO ! ) et Lionel viennent à Paris pour trouver moyen de se voir, alors qu’ils habitent la même ville ; faire la connaissance de Renaud, pouvoir le remercier de vive voix des nombreux commentaires qu’il prend la peine de rédiger sur ce blog, et mettre mon grain de sel dans la discussion qu’il entame avec Stéphane, sur le thème « vendre du numérique en librairie ».

Retrouver Nicolas, tout juste apercevoir Isabelle et Xavier, Bruno et Vincent, regretter de n’avoir pas discuté avec les deux jeunes femmes qui ont le projet de monter une maison d’édition 100% numérique, (quelqu’un a retenu leur nom, et celui de leur future maison d’édition ?),  pas plus qu’avec l’équipe de la Poule et l’Oeuf, et me dire maintenant que j’oublie forcément plein de monde encore…

Puis remettre mon ciré, sauter dans ma barque, mettre le cap au large, et repartir à la pêche.

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Pas comme la musique

La décision de l’éditeur Penguin de lancer une application pour l’iPhone, qui offre la possibilité d’accéder au blog Penguin, à des extraits d’ouvrages et à des podcasts, apparaît à de nombreux commentateurs comme particulièrement timide. Pourquoi diable les éditeurs ne tirent pas les leçons de l’expérience désastreuse de la musique ? Pourquoi ne mettent-ils pas massivement leurs livres sous forme numérique sur le plus grand nombre de plateformes, pourquoi ne construisent-ils pas très vite une offre légale et très facilement accessible ?

Michael Cairn répond dans PersonaNonData. Sa conviction : faire des versions numériques des livres, sans remettre en cause leur forme, dont certaines caractéristiques sont liées à la publication imprimée, ne rencontrera jamais un franc succès. Si les maisons d’éditions, nous dit il,  se contentent de publier en numérique des romans de 200 pages, ou des livres de management en 12 chapitres dont la taille de l’index a été déterminée par le nombre de pages qui restaient disponibles dans le dernier folio, nous dit-il, on ne risque guère de faire mentir ceux qui justifient depuis des années leur immobilisme d’une seule phrase : « il n’y a pas de marché ».

Le passage au téléchargement de musique sous la forme de fichiers numériques a été un séisme pour l’industrie musicale. Du côté des auditeurs de musique, seule s’est modifiée la manière de se procurer de la musique, l’acte d’écouter de la musique est peu touché par ce changement. Je l’ai déjà écrit : on « met un disque », ou bien on lance son lecteur,  et ensuite  la musique ne réclame de notre part aucun mouvement particulier pendant que nous l’écoutons. Il n’en est pas de même des livres : ils requièrent pour être lus que nous demeurions pratiquement immobiles, les yeux fixés sur l’espace sur lequel les mots sont inscrits, et que nous intervenions lorsque tous les mots affichés dans cet espace ont été lus, pour faire apparaître les mots suivants. Il faut soit tourner la page, soit faire défiler la fenêtre à l’écran, soit convoquer la suite du texte sur l’écran par un clic, l’appui sur une touche, l’effleurement de l’écran. Il est bien d’autres gestes requis par les différents types de lecture : marquer une page en glissant un doigt à son emplacement, tourner très rapidement les pages à la recherche de celle que l’on veut atteindre directement etc..  Tout le temps de la lecture, le corps adopte une posture particulière, et des gestes précis sont requis pour que la lecture puisse se poursuivre. L’adoption de nouveaux supports implique des changements d’habitudes beaucoup plus radicaux pour le lecteur de textes que pour l’auditeur de musique.

Ceci constaté, on pourrait semble-t-il cerner précisément ces changements, faire progresser dans la bonne direction les différents terminaux, proposer également des contenus tirant parti des possibilités offertes par le numérique : je partage tout à fait l’intérêt qu’Hubert Guillaud manifeste pour les lectures partagées que le web autorise, et il y a encore beaucoup à inventer de ce côté. Inventer, c’est ce que ferait Michaël Cairn s’il dirigeait une maison d’édition, il nous le dit ainsi :

Si je dirigeais une maison d’édition, j’embaucherais une équipe d’éditeurs et d’écrivains de 25-30 ans, je leur donnerais un budget pour acquérir du contenu et je leur demanderais de construire une nouvelle activité de publication, sans tenir compte des contraintes liées au livre imprimé, ni des modèles d’affaires habituels, sans date de publication. Leur rôle serait de créer des contenus d’une valeur suffisante pour satisfaire un marché ciblé, d’expérimenter la manière de monétiser ce contenu et d’être capable de dupliquer le modèle. Avec l’aide – mais non le contrôle – de quelques managers expérimentés tels qu’il en existe dans toute maison d’édition, l’équipe n’échouerait pas. Et, oui, je ferais cela AUJOURD’HUI.

Inventer, c’est aussi ce que fait l’équipe de publie.net, dont François nous rappelle aujourd’hui,  dans un de ces longs billets bondissants dont il a le secret, ce qu’elle a accompli en une année.

Mais Clément Laberge a également attiré mon attention sur un autre billet d’Hubert paru dans Internet Actu : « Quand You Tube remplacera Google », montrant que la plupart des jeunes viennent sur le web pour voir des vidéos bien plus fréquemment que pour lire des textes. Pas seulement en voir, d’ailleurs, mais aussi publier celles qu’ils réalisent eux-mêmes, mixant souvent des images préexistantes, parodiant les codes télévisuels qu’ils connaissent parfaitement.

Ce billet fait écho à celui d’Alex Iskold sur Read Write Web, qui a suscité une intéressante réaction sur The Digitalist.

Et si ce le problème, ce n’était pas de produire des textes numériques adaptés aux nouveaux lecteurs, mais bien de continuer à trouver des lecteurs ? Et si les Digital Natives et plus encore leurs enfants se détournaient de plus en plus massivement et complètement de la lecture ? Si celle-ci devenait progressivement une pratique ultra-minoritaire ?

Cette « contrainte » que la lecture impose au corps, cet effort de concentration auquel le lecteur consent parce qu’il lui offrira en retour une telle ouverture au monde, un outil tellement puissant d’accès à la connaissance, faut-il admettre que les générations qui viennent les trouveront tout bonnement insupportables ? Penser que l’on va devoir abandonner une pratique au profit d’une autre ? Peut-on faire la comparaison avec l’apparition de l’écriture qui sembla aux anciens quelque chose d’épouvantable, qui allait faire perdre la mémoire à l’humanité (ce qui s’est d’ailleurs produit, à l’échelle de chaque individu) ? Allons-nous vers des échanges qui vont réhabiliter l’image, le geste, l’oralité, et dans lesquels le texte deviendra secondaire ? On aimerait, bien sûr, conquérir de nouveaux savoir-faire, de nouvelles habiletés, sans devoir perdre les anciens. Est-ce possible ?

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Agnostique, le Kindle ?

Kirk Biglione (Medialoper) rencontre Jeff Bezos, le patron d’Amazon, à la soirée d’ouverture du SXSW (South by Southwest conférence). De quoi parlent-ils ? De DRM. Kirk explique à Jeff que pas mal de monde s’inquiète de voir que le Kindle pourrait mener à un monople à la iTunes, qui enferme le consommateur dans une plateforme unique et que cela risque de conduire les éditeurs à perdre le contrôle de leur propre industrie. Jeff Bezos déclare alors : « Le Kindle est agnostique en ce qui concerne les DRM ». Et il poursuit en expliquant que les éditeurs ont la possibilité de vendre des livres numériques sans DRM pour le Kindle, et qu’il croit qu’ils le feront quand ils seront tout à fait à l’aise avec l’idée d’une distribution numérique des contenus. Il a noté qu’il a fallu quelques années à l’industrie musicale pour accepter la diffusion de contenus sans DRM, et il estime que cela prendra aussi un moment aux éditeurs pour adhérer à cette idée.

Cette déclaration du patron d’Amazon peut signifier, selon Kirk Biglione, plusieurs choses. Par exemple celle-ci: « Nous vendrons des livres numériques sans DRM lorsque nous aurons atteint une part de marché suffisante pour convaincre les éditeurs que nous avons un monopole du type iTunes sur le marché du livre numérique ». Ou bien :  » Amazon va s’ouvrir à des DRM développés par des tierces parties ». Evidemment, cela ne veut pas du tout dire la même chose. D’ailleurs, il semble que du côté de l’iPhone, en tout cas pour le moment, le modèle « Ã  la iTunes » ne soit pas (encore ?) opérationnel. Avant qu’Apple ait structuré son « iTunes du livre », l’accord intervenu entre Lexcycle (la société qui développe Stanza) et Fictionwise, le plus gros vendeur indépendant du livres numériques, donne accès via l’application Stanza à plus de 40 000 livres en version numérique. Le format utilisé sur Fictionwise, eReader, n’est pas un format ouvert, certes. Mais en licenciant à Stanza l’usage de ce format, Fictionwise va dans le sens d’un accès facilité, via différentes applications ( dont la sienne, eReader, téléchargeable comme Stanza depuis l’App Store ). Et Stanza, téléchargé massivement, a de bonnes chances, avec cet accord, de devenir de facto l’application qui va réellement lancer une offre de lecture numérique sur l’iPhone, alors que les titres directement disponibles via Apple le sont dans l’App Store. Logique : la plupart d’entre eux sont des livres-applications, contenant à la fois le fichier du livre et celui de l’application permettant de le lire, une approche assez impraticable à grande échelle.

On le voit, la question des DRM n’est pas uniquement liée à la difficulté des éditeurs à se faire à l’idée de diffuser des livres numériques susceptibles d’être mis en circulation sur des réseaux P2P. C’est aussi, pour certains autres acteurs, la tentation de verrouiller une offre end-to-end : vendre une machine qui ne lit que leur format protégé par leur DRM, vendre un format protégé de telle manière qu’il ne soit lisible que sur ladite machine. Un tel modèle peut-il attirer beaucoup de lecteurs ? Il leur faudra renoncer à la bonne odeur de l’encre et au délicieux toucher du papier, déjà, et en plus, devoir choisir en même temps la marque de leur liseuse et l’enseigne de leur e-libraire, dont ils seront ensuite complètement dépendants. ( Ce que font d’ailleurs les adeptes de jeux vidéo : ils renoncent à la bonne odeur des lego et des petites voitures et commandent au Père Noël une XBOX et quelques jeux issus du catalogue dédié à la XBOX. Les éditeurs de jeux qui veulent figurer sur différents catalogues doivent développer plusieurs versions de leurs produits, pour être disponibles pour chaque modèle de console. )

Jean-Marie Salaün1 le rappelle en commentaire d’un précédent billet, l’accès à des contenus culturels via des dispositifs de restitution complexes a connu des précédents, même avant l’apparition du numérique. Et les guerres de standards ne sont pas non plus apparues avec lui : dans le domaine de la vidéo, vous vous souvenez peut-être de la façon dont le VHS gagna sa guerre contre le Betamax, pourtant un format de bien meilleure qualité. On a vu plus récemment, toujours dans la vidéo, et cette fois à l’ère du numérique, comment le format de télévision haute définition sur disque optique Blu-ray l’a emporté sur le format HD-DVD. La vitesse est souvent un facteur décisif dans ces guerres : le premier sur le marché a toute latitude pour tenter de devenir un standard de facto. Mais ce n’est pas non plus la garantie du succès : souvenons-nous du CD-I de Philips, premier ensemble lecteur/ support multimédia interactif, tellement vite enterré par l’arrivée du CD-Rom..

1 Le blog de JM Salaün est en pause actuellement. Mais les billets qu’il y a publiés ne sont vraiment pas du genre jetable…
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Une nouvelle écologie de l’écrit

Pour ne plus me faire gronder par Christian, j’utilise mon blog pour continuer la discussion entamée sur La Feuille… Hubert pose un lien dans les commentaires de son billet vers l’interview que Robert Darnton a donnée au tout nouveau magazine Books. Robert Darnton, historien, dirige les bibliothèques d’Harvard. Darnton, tout comme Roger Chartier, éminents spécialistes du livre, sont vis à vis des lectures électroniques dans une interrogation ouverte. Ni l’un ni l’autre n’ont un discours nostalgique sur le livre, pas plus qu’ils ne cherchent à produire un discours dogmatique sur ce que « devrait être » un livre numérique. Ils constatent l’un et l’autre que nos lectures sont maintenant déjà largement des lectures numériques, et s’interrogent sur le devenir des livres, bien sûr, mais sans se risquer à enfermer ce devenir dans une forme particulière. Roger Chartier parle de « vacillations », et résume parfaitement ce qui fait le fond de nos discussions ainsi :

« Ici se situe le grand défi, qui est de savoir si le texte électronique doit être soumis à des concepts hérités et donc du coup doit être transformé dans sa matérialité même, avec une fixité et des sécurités, ou si inversement les potentialités de cet anonymat, de cette multiplicité, de cette mobilité sans fin vont dominer les usages d’écriture et de lecture. Je crois que là se situent la discussion, les incertitudes, les vacillations contemporaines. » (le livre : son passé, son avenir – la vie des idées )

La fin de l’interview de Darnton montre la nuance de sa pensée. Il rappelle les vertus de la « lecture lente », et rejoint en ceci le beau texte de Nicolas Dickner, cité par Hubert, et qui a inspiré un billet à François Bon. Mais il évoque aussi les possibilités du numérique (« instrument fabuleux »), en parlant d’une « nouvelle écologie de l’écrit ». Ecologie est un excellent terme, parce qu’il implique la diversité et la complémentarité : diversité des livres et des manières de lire, complémentarité des modes de restitution de l’écrit, qu’il est intéressant d’analyser, mais que rien ne nous oblige à opposer les uns aux autres.

J’ai noté également cette remarque de l’écrivain Michel Butor, à la fin de l’interview publiée récemment sur auteurs.tv, qui dit : « Si j’avais 25 ans, je me précipiterais vers l’informatique pour faire des textes adaptés à ces nouveaux moyens ». Déclaration intéressante, venant d’un auteur qui a travaillé plus que beaucoup d’autres sur le livre dans sa dimension matérielle, réalisant depuis des années des centaines de livres avec des artistes, dont beaucoup ont été exposés à la BNF l’an dernier.

On peut être un adepte de la lenteur, du temps dédié à la lecture continue, ininterrompue, et apprécier par ailleurs les glissades étourdissantes sur le web. On peut twitter, bloguer, recevoir des pokes sur Facebook, zapper d’un billet de son agrégateur à un autre, puis fermer sa porte, et se plonger dans ce gros livre de Richard Powers qui va nous empêcher d’éteindre la lampe de chevet à une heure raisonnable. On peut chérir les couvertures usées des livres trop souvent relus, craquer parfois dans les librairies au delà du raisonnable, et se servir d’une liseuse dans le métro ( où parfois, des passagers vous demandent de leur montrer l’objet de plus près ). On peut se passionner pour l’ébullition actuelle autour de l’iPhone et de Stanza, virevolter de quelques lignes de fuites à un clavier cannibale, se réjouir du dernier billet sur l’autofictif, et avoir plaisir à faire dédicacer par un auteur son livre qu’on achète après une lecture en librairie.

Le numérique rend potentiellement les textes disponibles pour autant de modes de restitution de l’écrit qu’il y a de modes de lecture. Certains de ces modes cherchent à s’approcher de l’expérience procurée par le livre imprimé, réduisant de ce fait délibérément la ductilité du texte et dédaignant les potentialités d’une lecture connectée. Ainsi marié à son support, le texte renonce en quelque sorte aux marivaudages que le web autorise, favorisant la lecture solitaire et immersive. Cette option n’exclut pas les autres, et ne convient pas à tous. Il faudra attendre pour voir si elle séduira un vaste public, il est encore trop tôt pour le dire.

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This Is Where We Live

Produit par Apt Studio ( à qui l’on doit aussi le site « The Golden Notebook » pour If:books ) avec Asylum à l’occasion du 25ème anniversaire de 5th estate ( l’une des deux marques de la maison Press Books, branche littérature d’Harper Collins UK ).

Plus de 1000 livres de 5th estate ont été utilisés pour la réalisation de ce film d’animation. Plus de précisions sur le site dédié.

C’est bien là que nous avons vécu, dans un monde de papier, de caractères, de couvertures… A quoi ressemblera le film pour leur 50ème anniversaire ? Quelle place occuperont dans 25 ans les livres imprimés ? Les petites personnages de papier qui se promènent dans cette ville de livres, de papier et de carton demeureront-ils encore longtemps emblématiques de la littérature ?

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Impression à la demande : quel intérêt de la proposer sur un site d’éditeur ?

Bookseller.com l’annonce aujourd’hui : Random House va commercialiser des livres en impression à la demande, sous la marque « The Random Collection ». Random va lancer un site dédié avec 750 premiers titres, d’autres viendront s’ajouter tout au long de l’année. Le site sera interactif, régulièrement mis à jour avec des sélections et des recommandations de l’équipe de Random House et des auteurs. Il sera doté d’un outil permettant aux libraires de faire des suggestions concernant les titres qu’ils aimeraient voir figurer sur Random Collection. Faye Brewster, Directeur des ventes du groupe, précise : « Lorsque des revendeurs constatent que des clients leur réclament un livre de Random qui se trouve être épuisé, ils peuvent nous le signaler, et nous nous occuperons d’obtenir les droits pour les rendre disponibles sous cette forme. »

Faber & Faber avait déjà lancé en juin un service identique, Faber Finds, s’assurant pour la création des couvertures de ces livres la collaboration d’une designer talentueuse, Karsten Schmidt, qui a conçu un système de création graphique basé sur un algorithme.

Joseph J. Esposito commente cette annonce dans Publishing Frontier en posant cette question, qui revient quasiment toujours dès qu’il s’agit de sites développés par des éditeurs : est-ce vraiment pertinent de proposer un tel service sous la marque « Random House », offrant uniquement des livres issus des marques détenues par le groupe ? Les lecteurs se soucient-ils de cette marque ? Qu’est-ce qui pourrait les attirer vers ce site ? N’est-il pas préférable que les éditeurs rendent leur livres disponibles en impression à la demande sur des sites agrégeant le plus grand nombre possible de maisons d’édition, et offrant un vaste choix ? Joseph écrit : « RH, ou tout autre éditeur, font une grave erreur s’ils s’imaginent que les consommateurs vont venir sur le site RH. »

Mais cette remarque est aussitôt mise en perspective par la suite de son article. Plusieurs raisons justifient en effet selon J.J.Esposito la décision de Random House. La première, c’est la nouvelle situation créée par l’accord conclu entre Google et les éditeurs et auteurs américains : avant cet accord, la ligne de démarcation entre les livres était clairement : livres du domaine public d’un côté, livres sous copyright de l’autre. Avec l’accord, la frontière s’est déplacée : les livres encore sous copyright mais en arrêt de commercialisation entrent dans la même catégorie que ceux du domaine public, en ce qui concerne le droit de Google de les faire entrer dans son programme Google Book Search, à ceci près que Google s’engage à reverser aux ayant droit une part des revenus provenant de ces Å“uvres. Le fait de mettre à la disposition du public des livres en impression à la demande ne permet plus de les déclarer « non commercialisés », et renforce la position de l’éditeur vis à vis de ses droits et de ceux de ses auteurs sur ces livres.

L’autre raison ne s’applique pas seulement aux livres proposés en impression à la demande, mais bien à l’ensemble des livres qu’un éditeur présente sur son propre site web. Là, Joseph J. Esposito explique que la diférence entre le monde physique et internet est très importante. Autant il est tout à fait absurde d’imaginer des librairies physiques proposant les livres d’un seul éditeur, autant, le fait pour un éditeur de disposer de son propre site se justifie. En effet, sur internet, le « Barnes & Noble « ( soit: le libraire ), c’est la première page de résultats d’une recherche dans Google. C’est dans Google que les consommateurs vont taper le titre du livre qu’ils recherchent. C’est ce que J.J.Esposito nomme de « l’agrégation en temps réel ». Qu’importe alors, nous dit-il, que les consommateurs ne connaissent pas la marque « Random House », la seule marqe qu’ils connaissent, c’est Google, et si le site de l’éditeur est convenablement développé, « search engine’s friendly« , bien optimisé pour les moteurs de recherche, le consommateur aura accès au site de l’éditeur, ou à des informations issues de celui-ci et reprises ailleurs, sur le site d’Amazon par exemple.

Il n’est pas non plus impossible que Random House entreprenne à cette occasion, faisant venir les consommateurs sur un site riche d’informations, de faire exister progressivement sa marque auprès des lecteurs.

Esposito conclut :

« Fondamentalement, il est temps d’arrêter de penser le Web comme un univers symétrique de l’univers « brick and mortar ». Hors ligne, il y a des magasins ; en ligne, il y a des des relations qui évoluent dynamiquement. Hors ligne, l’agrégation est cruciale ; en ligne, l’agrégation se fait en temps réel et permet de pointer vers des objets partout où une URL peut être trouvée. Hors ligne, les marques connues dans le monde du B2B ne disent rien aux consommateurs ; en ligne, de telles marques peuvent s’insérer intelligemment dans la chaîne de valeur. Ne tenons pas pour acquis que les gens chez Random House sont idiots, en dépit du fait qu’ils sont – ugh – des éditeurs ».

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Espèces d’espaces : géolectures

On se souvient de la série « We tell stories » : Les éditions Penguin avaient fait travailler ensemble des romanciers et des concepteurs de jeux spécialisés dans les « ARG » (Alternated Reality Games), et ils revisitaient ensemble des romans classiques. Le premier de la série utilisait GoogleMaps. Le dispositif faisait surgir les portions de texte sur la carte, et l’on se déplaçait sur la carte en suivant les pérégrinations du héros.

Un autre dispositif de lecture utilise Google Maps, et je trouve intéressant de rapprocher les deux : il s’agit de l’adaptation d’un roman de Christoph Benda, intitulé Senghor on the Rocks. On a là aussi un mash-up, mais la conception est radicalement différente. Dans « The 21 steps », le texte s’inscrivait sur la carte, dans un dispositif de lecture en rupture complète avec l’univers visuel du livre. Avec Senghor on the Rocks, le dispositif simule à l’écran l’expérience classique de la lecture, et c’est dans une pseudo page que vient s’afficher la carte interactive issue de Google Maps en mode satellite.

J’avais admiré la belle finition de « The 21 steps » tout en trouvant à la longue assez difficile à suivre cette histoire semée sur la carte, et assez pénible dans la durée une lecture hachée par des manipulations. L’immersion dans la carte empêchait un peu l’immersion dans le texte, et le « mi-chemin » entre lecture et jeu ne fonctionnait pas très bien.

Est-ce que la plus grande soumission de la carte au livre qu’on peut observer dans Senghor on the Rocks est plus convaincante ? Difficile à dire avec un texte en allemand, que je lis mal, mes souvenirs de cette langue pourtant apprise ayant été fort mal entretenus.

J’avoue que je suis toujours un peu gênée lorsqu’on vient simuler un livre sur l’écran de mon ordinateur, je me souviens l’avoir déjà été il y a des années à la sortie du cédérom « Le livre de Lulu » qui utilisait lui aussi la métaphore du livre aux pages qui se tournent. Gênée, et en même temps séduite, la perfection de l’imitation ayant un fort pouvoir de séduction, un peu comme on admire un dessin très ressemblant : ce que l’on admire c’est la ressemblance, conçue comme une performance, même si le dessin est de peu d’intérêt.

Mais j’apprécie, ici comme dans l’expérience We tell stories, les efforts d’exploration autour du concept de livre numérique. Différentes manières de tirer les conséquences de la nouvelle disponibilité du texte, et le désir de le confronter aux autres formes de représentation : ici, la carte, figuration de l’espace, qui tente de s’articuler avec l’espace de la fiction.

Germanophones qui passeriez ici, dites-nous ce qu’il en est de l’expérience de lecture proposée par Benda !

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Un pour toi, un pour moi – suite

On a déjà évoqué ces drôles de petites machines blanches et vertes, développées dans le cadre du projet OLPC (One Laptop Per Child). L’objectif de départ c’était un ordinateur à cent dollars… En réalité, la machine en coûte 200, et il vous en coutera 399 $ (ou £275 ) pour en acheter… deux. Une pour vous, et une pour un enfant d’un pays en voie de développement, dans le cadre de l’opération « give one, get one ». Amazon s’est associé à l’opération, aux Etats-Unis et au Royaume Uni. Le site Amazon.uk est destiné à tous ceux qui souhaitent participer à l’opération en dehors des Etats-Unis, y compris la France, comme l’explique le blog (non officiel) Planet OLPC, qui agrège des interventions de salariés et de volontaires du programme OLPC.

Mais il y a d’autres façons de participer au projet, que l’on soit enseignant, développeur, testeur, traducteur,  ou simplement volontaire : tout est dit sur ce wiki.

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ça discute ferme…

… cette semaine, sur Blogo Numericus, suite au billet de Marin Dacos. Pour continuer cette discussion sans attendre la révolution, pour en entamer d’autres, retrouvons-nous  le 17 décembre pour une quatrième édition de la  Bouquinosphère. S’inscrire sur La Feuille ou sur Facebook.

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Réseaux sociaux avec éditeurs

On l’a dit déjà : avec le numérique, il sera de plus en plus difficile de parler de chaîne du livre, comme on le faisait couramment jusqu’à présent. Chacun des maillons de cette chaîne ne « parle » qu’aux maillons qui voisinent directement avec lui. Non, avec le numérique, on va plus volontiers parler de réseau, et ce, même en ce qui concerne les livres imprimés. Chacun des nÅ“uds d’un réseau peut virtuellement entrer en contact avec tous les autres. Pour les éditeurs, il existe aujourd’hui des moyens d’entrer en contact direct avec leurs lecteurs. J’en vois qui s’inquiètent, qui voient les éditeurs arriver avec leurs gros sabots, et venir polluer les discussions sur le réseau avec des messages promotionnels, rédigés en pure marketing-langue. Essayer de transposer sur internet des pratiques marketing héritées du XXème siècle est une aberration. On l’a vu avec quelques exemples célèbres de faux blogs. Faudrait-il alors s’interdire de se saisir en aucune manière d’une opportunité aussi formidable pour entrer en contact avec ses lecteurs ?

A l’heure où Le Monde fait découvrir twitter à ses lecteurs, certains éditeurs ont déja de nombreux « following people » sur twitter. [ajout du 18/01/09 : en voici toute une liste sur un répertoire créé par Jeniifer Tribe.] Little, Brown and co, par exemple. Que peut bien twitter un éditeur ? C’est simple, il suffit de déchiffrer ses derniers tweets.

Le premier nous apprend que non content d’être sur twitter, Little, Brown and Co est aussi sur Facebook :

1 – « Relaxing this weekend with THIS ONE IS MINE by Maria Semple. Become a fan of the book on Facebook: http://tinyurl.com/65aapr

Le ton est direct : besoin de vous relaxer ce week-end ? Lisez donc This one is mine par Maria Semple. Et devenez fan du livre sur Facebook. C’est bien de la promo. Mais le ton est simple et direct, personnel. Et personne n’est obligé de suivre LB & co sur twitter : celui qui le décide est à priori intéressé par de l’info sur les publications de l’éditeur.

2 – « @lovebabz Sounds divine. Have a great relaxing day. » – Un message qui commence par @ suivi d’un pseudo twitter : c’est donc qu’il y a bien des échanges. Qui est lovebabz ? Il semble que c’est une mère de famille, blogueuse, qui twitte des trucs comme : « Good Morning! Well it’s not raining! Getting children ready for church. Greg is playing the bells this morning in the Boys Choir » (Bonjour ! Super, il ne pleut pas ! Je prépare les enfants pour partir à l’église. Greg joue des cloches ce matin dans le choeur des garçons)

3 – «  @bookingmama posts video of Anita Shreve discussing the origins of TESTIMONY http://tinyurl.com/64nm6m » Liens, liens, liens : Un tweet qui signale que « bookingmama » a posté une vidéo d’Anita Shreeve. Quelques clics d’enquête plius loin : Bookingmama est une blogueuse du livre, (sharing ideas on books and bookclubs – and occasionnally some other things – partageant des idées à propos de livres et de clubs de lecture, et occasionnellement à propos de quelques autres choses). Bookingmama a effectivement posté une vidéo dee l’auteur sur son blog, issue de YouTube. Allons-voir sur YouTube d’où vient cette vidéo.

Elle vient de BookVideos.tv , et je passe un bon moment sur leur site, pour voir un peu ce qu’ils font en matière de « story behind the story ». Le site est très bien fait : une offre directe aux éditeurs avec deux types de vidéos, l’un  économique et l’autre plus cher, et l’indication des sites partenaires sur lesquelles sont diffusées les vidéos parmi lesquels Amazon, Facebook, Barnes & Noble, iTunes, Google, Yahoo, AOL etc, et la lise des éditeurs clients : Simon & Schuster, Random House, Broadway Books, Chronicle Books, Ten Speed Press, W.W. Norton & Company, Thomas Nelson, Loyola University Press, Penguin, Hachette, Holtzbrinck, Bantam Dell, Doubleday, Sports Illustrated, Oxmoor House, Macmillan, Henry Holt and Company, Dorchester Publishing, John Wiley & Sons.

Les gens de Little Brown auraient tout aussi bien pu envoyer directement un tweet avec un lien vers la vidéo qu’ils ont certainement eux-même commandée, mais d’y renvoyer sur le blog d’une lectrice est bien plus efficace : la vidéo sera aussi bien vue, cela donne de la visibilité à ce blog, cela insère l’éditeur dans la blogosphère, car il contribue à tisser des liens entre ses membres.

4 – «  @highhiddenplace Enjoy! Same to you re: giveaway and fun temporary tattoos. :) » Ok, cette réponse de @littlebrown à @highhiddenplace semble être une plaisanterie, mais je ne parviens pas à la traduire. (Une suggestion ?) Hop, allons lire les tweets de @highhiddenplace. Un message vers @littlebrown les remercie pour leur envoi d’un livre. – « Received my copy of THIS ONE IS MINE yesterday. It looks wonderful and I can’t wait to read it. Thank you again! «  @highhiddenplace blogue depuis 2001, c’est aussi une mère de famille, elle alterne sur son blog des notes de lecture et des photos de ses enfants. J’y apprends qu’il y a un réseau ning dédié aux blogs de livres : http://bookblogs.ning.com/.

Je vois que tout comme @lovebabz, @highhiddenplace participe à un concours d’écriture en ligne, qui pourrait faire l’objet d’un prochain billet.

Je pourrais continuer longtemps, mais l’exercice est assez concluant, et ce billet vraiment trop long : en quelques clics, sur quelques tweets, on voit comment se tisse autour d’un simple fil twitter un réseau d’échanges, avec des gens qui partagent via le web leurs lectures et parfois leurs projets d’écriture, sans prétention. Un éditeur qui joue le jeu, envoie ses livres, entretient un dialogue. Et l’utilisation tous azimuts des sites sociaux : twitter, youtube, facebook.

J’ai trouvé le lien vers la page twitter de Little Brown dans ce billet de Kassia Krozser sur Booksquare, dont voici un extrait :

« Personne ne peut atteindre vos clients mieux que vous parce que personne ne connait vos livres et ce qui les caractérise mieux que vous (exceptés, oui, vos auteurs ; ils jouent un rôle dans ce processus, bien sûr). Il n’y a pas de bonne façon pour faire cela. J’aime ce que des éditeurs comme Little, Brown and Co font sur Twitter, parlant de livres et s’entretenant avec les lecteurs (un bon point pour leurs fréquentes offres d’envois de services de presse). Je trouve agréable que des éditeurs comme Unbridled Books mettent leur point d’honneur à entrer en contact et à discuter avec des gens comme moi de façon régulière, – même les contacts commerciaux conservent une touche personnelle. »

Katia a raison, il n’y a a pas de « bonne manière » de faire cela. Il faut juste se lancer, oser l’expérimentation.

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