« Le carnet d’or » de Doris Lessing annoté en ligne par 7 lectrices

« Le carnet d’or » de Doris Lessing. Mon exemplaire de ce livre est probablement resté quelque part dans l’ancienne maison familiale, sa reliure bleue toute rayée de pliures. J’ai du l’y laisser en partant pour que mes sÅ“urs plus jeunes le lisent à leur tour. Le carnet d’or : Molly, Anna, Maman Sucre, Londres, le féminisme, la psychanalyse, l’engagement politique, l’écriture. Je relis en anglais ici les premières pages du premier chapitre, et je retrouve Molly et Anna, j’ai le sentiment de retourner des années après dans le même appartement, pour écouter la conversation de ces deux femmes.

« Le carnet d’or » – The Golden Notebook – est intégralement en ligne, selon un dispositif qui permet à sept lectrices d’annoter le texte, menant une lecture collective et une conversation à propos de cette lecture en regard de chaque page. Les visiteurs du site peuvent, eux, s’exprimer dans un forum.

Un projet qui rappelle le dispositif de CommentPress, une interface remarquable dédiée à la lecture partagée, qui illustre bien les idées développées par Bob Stein sur le blog d’If:book (the Institute for the Future of the Book). Rien d’étonnant, ce site est un projet co-réalisé par If:book et Apt, agence anglaise qui se présente ainsi :

APt est une agence de consultants en design et marketing, avec une expertise spécifique dans la conception et la production de projets web et nouveaux medias, pour des clients du monde de l’édition et de l’art.

À suivre : lancé depuis lundi, le projet va s’étaler sur une durée de 5 à 6 semaines.

Voir aussi : cet article sur le « blogbook » du Guardian (via Alain Pierrot sur twitter)

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Le dernier des écrivains heureux

Préparant une intervention que je dois faire la semaine prochaine à l’HEAD de Genève, dans un séminaire qui porte le nom prometteur de CCC – critical curatorial cybermedia, je décide de commencer par parler du cloud computing. Quelques slides plus tard, faisant une pause, je reprends la lecture de « Docteur Pasavento » d’Enrique Vila-Matas. Je tombe sur ce passage, que je décide de recopier immédiatement en exergue de ma présentation :

Il a de nouveau levé les yeux puis il a dit : « Je suis le dernier des écrivains heureux. » J’allais l’interroger sur le sens de la phrase quand il a ajouté : « Par exemple, j’adore les nuages. Un nuage peut être aussi sociable qu’un bon compagnon muet.»

Sont-ils des « Ã©crivains heureux », ceux qui nous ont lu leurs textes vendredi ? Je devrais demander à mon fils, qui est venu les écouter avec moi, et qui planche aujourd’hui sur un commentaire de Sénèque, discutant du bonheur. Ils m’ont procuré en tout cas, chacun, un vrai moment de bonheur, je ne le dis pas dans mon billet précédent, c’est idiot.

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Modération

Heureusement, il y a eu la pause. Comment autrement prendre la parole juste après la rafale de lectures (14 auteurs, 4 mn chacun…) qui a inauguré la rencontre d’hier soir ? Pas auteur, moi. Moi, blogueuse, invitée à modérer le débat qui suivait, intitulé « publie.net, le contemporain s’écrit numérique ». Je ne sais pas si j’ai vraiment modéré, je crois bien malheureusement que je me suis contentée de continuer en live, avec l’équipe de publie.net, devant le public du centre Cerise, les nombreuses discussions entamées sur teXtes et ailleurs…

Je reproduis ci-dessous les quelques mots que j’ai prononcés pour lancer le débat, en m’excusant auprès de ceux qui me font la grâce de lire régulièrement ce blog, car j’y reprends certaines remarques déjà faites sur teXtes, au fil des derniers billets.

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Lorsque je lisais, enfant, je me fichais bien des auteurs. J’ignorais l’existence de l’éditeur. J’avais entre les mains un livre, un objet tangible, infiniment désirable, et ouvert sur l’infini.
Il y avait l’histoire, les mots, la langue. Surtout l’histoire, au début. Les personnages. Leurs aventures.

Lire, c’était se retirer, loin du boucan de la famille, de la fatigue du commerce avec autrui, du souci de soi. C’était une affaire de solitude et d’imagination. C’était ce délice de voyager sans bouger, de faire des rencontres sans devoir me présenter, d’avoir peur sans courir de danger. D’écouter les bruissements et les grondements du monde extérieur, encore bien à l’abri dans mon enfance.

Puis refermer le livre, vivre et grandir, et me dire parfois que oui, curieusement, la vie ressemble bien à ce qu’en disaient les livres.

Aujourd’hui, les livres sont toujours infiniment désirables, et, ceux que j’aime, toujours ouverts sur l’infini, toujours bruissant des grondements du monde. Mais ces livres, aujourd’hui, sont entourés de présences. Je ne me fiche plus des auteurs. Les auteurs vivants ne sont plus seulement des noms inscrits sur la couverture, la tranche et la première page des livres. De plus en plus souvent, il m’importe d’en rencontrer un, de me mêler à la petite foule d’une librairie le soir où l’un d’entre eux s’y rend pour donner une lecture, répondre à des questions. Le nom sur la couverture trouve alors un visage, des gestes, une voix. Le passage que l’auteur lit ce soir-là aura toujours ensuite, lors d’une lecture ou d’une relecture, en face à face avec le livre, un statut différent, il fera entendre une musique particulière. Certains auteurs, je les rencontre autrement. De plus en plus nombreux, les auteurs sont présents sur le web. Ils tiennent un blog, alimentent un site, contribuent à une revue en ligne. Pour certains, leur blog ou leur site est, pour reprendre une image de François, comme l’atelier du luthier, qui donne sur la rue : le passant peut s’approcher, et, à travers la vitrine, le regarder travailler. La table du violon est encore en bois blanc, il n’a pas reçu ses couches de vernis. Il n’est pas prêt encore à vibrer au creux de l’épaule d’un soliste, mais il est là, visible, en devenir.

Derrière les livres il y a des gens. On peut les rencontrer, réellement ou virtuellement. Il y a les auteurs, mais aussi les éditeurs, les libraires, les bibliothécaires, les lecteurs. Et le web permet aujourd’hui un échange sans précédent avec ces gens qui écrivent, qui éditent, qui font circuler et qui lisent les livres que nous aimons.

Derrière publie.net, il y a des gens aussi. Ils sont là, et je vais leur laisser la parole.
Il y a François l’infatigable, il y a le désordre magnifique de Philippe, la patience et le brio de Fred, l’expertise de Xavier et Julien, le talent et la passion de bien d’autres, auteurs ou collaborateurs.

Leur atelier est ouvert : vous pouvez assister, en très léger différé, sur désordre.net à la création des visuels de couverture des livres numériques diffusés sur publie.net. Tiers-livre tient la chronique, qui rebondit de blog en blog, de billet en commentaire, d’un métier qui s’invente : l’édition nativement numérique. Les questions sont nombreuses et passionnantes : esthétiques et techniques, mais aussi juridiques et économiques.

Le catalogue est là. La plateforme existe. Les auteurs répondent présent. Les téléchargements se font. Les bibliothèques se connectent. La littérature contemporaine s’écrit numérique. Elle s’écrit sur publie.net, et ce depuis bientôt un an.

(photo : www.atelierduviolon.com )

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Comment on enlève ce truc ?

Ça m’est arrivé. Ça vous est arrivé. On achète un objet, bien présenté dans un emballage transparent. Au moment de l’ouvrir : cauchemar. On cherche la languette, les pointillés, on gratte le carton, on essaye de soulever le plastique. Rien n’y fait. L’objet semble nous narguer derrière sa paroi plastifiée. On cherche longtemps une paire de ciseaux, on en trouve une, on découpe, on n’a pas découpé assez près, on recommence. On maudit le type qui a inventé ce truc. On inventerait bien une nouvelle peine, spéciale, très cruelle, pour le designer responsable de l’enfermement de la lampe de poche, du jouet, de la clé USB, du machin qu’on vient d’acheter et qu’on n’arrive pas à sortir de son emballage. On est très énervé. Et saviez-vous que cet énervement avait un nom ?

Je l’apprends sur la page d’accueil de la version américaine du site Amazon. (Oui, c’est un billet spécial USA à cause des élections, vous l’aviez deviné ?)
Cet état nerveux spécifique, et très désagréable, c’est la « Wrap rage ». Et pour combattre la « Wrap rage », Amazon nous annonce une initiative pluri-annuelle baptisée : Amazon « Frustration-Free Pacakaging », même pas besoin de traduire…

Amazon ne veut pas que ses clients s’énervent sur les emballages. Amazon dit stop. Et annonce que la société va travailler avec des entreprises (Fisher Price, Mattel, Microsoft, Transcend) pour livrer des produits emballés dans des dispositifs moins encombrants, plus faciles à ouvrir, recyclables, exempts de plastiques indéchirables et de fixations métalliques.

Pour illustrer son projet, Amazon présente une vidéo montrant le déballage d’un même jouet : à gauche, un emballage plein de pièges et générateur de wrap rage, à droite un emballage « frustration free ». Et, parce qu’Amazon sait ce que c’est que l’UGC, ses clients sont invités à envoyer eux aussi sur sa Gallery of wrap rage des photos et des vidéos montrant des exemples d’emballages super énervants…

Ils sont super énervants chez Amazon. Ils ont de bonnes idées. Ils nous donnent la Amazon rage.

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L’accord

Si ça continue, le tag « settlement » va s’inscrire en corps 72 dans mon nuage delicious, tant j’ai bookmarké de billets à propos de l’accord que Google a conclu cette semaine avec l’AAP et l’Authors Guild (associations d’éditeurs et d’auteurs américains).

Si vous n’avez aucune idée de ce dont il s’agit, c’est que votre agrégateur est en panne ou que vous êtes arrivés ici en tapant « textes pour blog » (et vous êtes assez nombreux dans ce cas, vous avez peut-être envie d’ouvrir un blog, et vous ne savez pas trop quoi écrire dedans, alors, plein d’espoir, vous tapez « textes pour blog » dans Google, et vous arrivez sur teXtes, grosse déception… Allez, lancez-vous, écrivez plutôt vous-mêmes quelque chose, je suis sûre que vous y arriverez.)

Donc, pour vous faire une idée de ce que contient cet accord, faites un tour sur Affordance, Olivier Ertzscheid vous dira l’essentiel.

Ça y est ? C’est quelque chose, non ?

Comme le souligne Clément Laberge, qui annonce aujourd’hui une série de billets sur la question, il faut plus que quelques lignes pour tenter d’analyser l’accord, essayer d’en tirer les conséquences, et d’anticiper sur l’effet qu’il va avoir sur le commerce du livre.

 » Dans ce contexte, quand je lis les communiqués émis par certains regroupements d’éditeurs américains et européens, qui laissent entendre que les éditeurs « ont gagné contre Google », que « Google accepte de payer 125 millions de dollars de compensation aux éditeurs » voire que cet accord « confirmerait la validité des règlements et politiques en vigueur sur le droit d’auteur »… je me dis qu’ils ne lisent certainement pas la même chose que moi — où qu’ils ne le font pas avec le même regard en tout cas! Parce que je pense qu’il faut être beaucoup plus nuancé. »

Avant de rédiger des billets plus précis sur l’accord, Clément nous donne son intuition, que je partage tout à fait :

… les éditeurs américains ont choisi en signant cet accord de prendre tout de suite les revenus que Google leur proposait (et qu’ils n’auraient pas générés autrement parce qu’ils ne sont absolument pas prêts pour faire face aux défis du numérique; ce n’est donc pas un si mauvais accord!) mais qu’ils ont dû pour cela accepter que Google détermine dorénavant presque seul les règles du jeu dans le commerce du livre (jusqu’à pouvoir déterminer, et faire varier dans le temps, sur la base d’un algorithme secret, le prix de vente des livres — rien de moins!). À court terme, c’est peut-être un bon calcul pour les actionnaires des maisons d’édition, mais à moyen et à long terme cela pourrait s’avérer extrêmement contraignant et coûteux. »

Parmi les réactions à noter également, celle de Robert C. Darnton, directeur de la bibliothèque d’Harvard, est particulièrement intéressante. Harvard University Library avait fait partie des premières universités à devenir partenaires de Google Book Search, en limitant le partenariat aux ouvrages hors copyright. HUL a annoncé qu’elle n’autoriserait pas Google à numériser ses ouvrages sous droits.

« Selon notre compréhension, l’accord contient de nombreuses limitations potentielles à l’accès et à l’usage des livres par la communauté universitaire et par les responsables des bibliothèques publiques, » écrit Darnton. » L’accord ne fournit pas l’assurance que le prix demandé pour cet accès sera raisonnable, » ajoute-t-il, « tout particulièrement parce que le service d’abonnement n’aura pas de vrai compétiteur et que le périmètre de l’accès aux livres numérisés est en bien des manières limité et incertain ».

Pas de compétiteurs, Google ?

remarque : je l’avoue, cette fin de semaine a été assez bousculée, et ce billet vise simplement à vous permettre de rebondir ailleurs pour en savoir plus sur cet accord. Je vous comprends, finalement, vous qui tapez « textes pour blog » dans Google.

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La présentation, ça compte énormément

« Pistes numériques : est-ce que le design a de l’importance dans la distribution numérique ? », tel est le titre du billet d’Andrew Brenneman dans Book Business.

L’une des caractéristiques de l’édition numérique est la possibilité de rendre disponible un texte pour une lecture sur différents terminaux, de tailles variées. Le même contenu aura donc nécessairement une apparence différente selon le terminal sur lequel il est lu, et peut même être publié, sur le même terminal, dans des contextes visuels variés ( pensons, sur le web, aux contenus syndiqués qui se coulent dans la mise en page des différents sites qui les accueillent ).

Andrew Brennan pose trois questions :

  • Est ce que nos départements de production auront à intégrer tous ces nouveaux modes de diffusion ?
  • Est ce que le design des contenus numériques est de la responsabilité du partenaire distributeur ou d’un autre service externe plutôt que de celle de l’éditeur ?
  • Est-ce que le design est un élément stratégique ? Est-il indispensable que les maisons d’édition disposent de cette compétence en interne ?

Et il ajoute :

Nous avons pu esquiver quelque peu ces questions lorsque la distribution numérique et les programmaes de marketing se sont limités, dans un premier temps, à exiger de nous des PDF Web, des fac-similés de ce qui était imprimé sur papier. « Super, » ont pensé beaucoup d’entre-nous, « nous pouvons utiliser la même mise en page que pour l’imprimé, c’est pas si compliqué ».

Il répond à ces questions dans le fil de son article (que je ne vais pas traduire in extenso), et résume sa position en 5 points :

  • Le design a une importance stratégique. Le design facilite la communication du contenu et est nécessaire pour porter l’image de marque de la maison d’édition auprès des auteurs et du marché. Le design fait partie intégrante des intérêts de l’éditeur.
  • La dure vérité : chaque terminal de lecture, chaque plateforme requiert un traitement particulier de la mise en page
  • Les PDF Web ne sont pas la solution à long terme. Les PDF autorisent quelques rapides victoires dans la diffusion numérique, nous ont tous aidé à y faire nos premiers pas, et ont amorcé l’écosystème numérique. Mais une présentation basée sur la « mise en page » ne va pas offrir une solution satisfaisante en édition multi-support. Migrer vers une production basée sur XML aidera certainement pour le multi-support, mais le difficile travail de design pour chacun des modes de restitution demeure. XML est l’un des composants du succès, mais ce n’est pas la panacée.
  • Les équipes, en interne, doivent comprendre les implications pour le design d’une délivrance des contenus sur des supports multiples, qu’ils soient ou non directement impliqués dans le travail de présentation pour ces plateformes ou pas. Des compétences dans le design numérique sont des compétences clé pour les éditeurs.

Le billet ne concerne pas uniqement le texte numérique disponible en téléchargement, mais toutes les formes de distribution numérique, et je ne traduis pas ce passage pour relancer un débat « PDF » versus « ePub ». Quelque soit le format de fichier adopté, ce qui est en jeu c’est l’attention portée par l’éditeur au résultat final, c’est l’idée que le passage au numérique n’est pas une affaire purement technique. Et il convient de rappeler, en ce qui concerne plus particulièrement les liseuses – qui font cette semaine l’actualité – : la qualité de la présentation du texte ne dépend pas seulement de la compétence de l’éditeur : celui-ci, François Bon le rappelle dans son billet d’aujourd’hui, est tributaire des capacités du format qu’il a choisi, et des performances du logiciel de lecture utilisé par la liseuse.

Les meilleurs web designers ont peu à peu appris à déplacer leur compétence, en intégrant cette contrainte multi-environnement du web. Il faut pour accepter cela faire de gros efforts : j’ai rencontré dans des écoles de design de nombreux étudiants qui préféraient de loin travailler dans le print, plutôt que de devoir se plier aux contraintes du web, et perdre cette maîtrise directe du résultat final. Mais ceux qui ont choisi de travailler pour le web ont intégré progressivement les conséquences d’une séparation rigoureuse du fond et de la forme, ont accepté de perdre le contrôle millimétrique qu’ils possédaient dans le print, pour créer à partir de nouvelles contraintes : ils ont appris à travailler avec du texte repositionnable, des blocs flottants, et ont développé de nouvelles manières de concevoir en tirant parti de ce qui avait pu leur apparaître, de prime abord, quelque chose qui venait limiter leur contrôle.

On souhaiterait que les éditeurs, les directeurs artistiques, les maquettistes, tous ceux à qui incombe la tâche de veiller à l’apparence finale des textes, puissent effectuer aussi ce virage, et s’attachent d’aussi près à la qualité visuelle de la présentation d’un texte numérique qu’à celle d’un livre imprimé.

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Comment parler des livres qu’on n’a pas encore lus

Je n’ai pas encore lu « Des néons sous la mer« , de Frédéric Ciriez. Il m’attend, avec cette remarquable patience qu’ont les livres. J’en connais l’extrait que son auteur a lu jeudi soir dans la librairire Pensées Classées. Croisements entre vie en ligne et vie en vrai : la lecture annoncée sur Facebook, la librairie déjà virtuellement visitée via un billet sur Tiers-Livre, le libraire déjà rencontré virtuellement via son blog. Ces néons sous la mer sont ceux d’un bordel sous-marin, d’un sous-marin transformé en bordel, et c’est un plaisir d’écouter Frédéric Ciriez parler de son livre, parler de ce grand bordel qu’est aussi le langage. Yves Pagès, son éditeur chez Verticales, nous le dit, et je dois le croire sur parole puisque je n’ai pas encore lu le livre : quelque chose de l’écriture de Frédéric passe dans sa manière de parler de son livre. Je ne peux vérifier que la partie « oral » pour le moment : une énergie joyeuse, dont surgissent des questions brusques, une drôlerie naturelle : il s’exclame, s’interrompt, s’étonne, nous prend à témoin, fait le gamin mais jamais le malin. Mais ce blog n’est pas, vous le savez bien, un blog littéraire, aussi, quand j’aurai lu « des néons sous la mer », je n’en parlerai pas. Ici, on parle de nu-mé-rique, enfin quoi, pas de sous-marins bretons renconvertis en maisons closes.

Pas plus que je ne parlerai de « La vitesse des choses », que je suis en train de finir. C’est de la faute de ce diable de Fresàn si je n’ai pas encore lu « Des néons… », ce diable argentin qui m’a tout à fait entortillée dans ses fictions en abîme, perdue dans les limbes de son livre qu’on lit presque comme si on était en train d’essayer de l’écrire, tant il n’y est question que de cela, de l’écriture, de l’art jublilatoire de raconter des histoires, de l’imbrication des fictions les unes dans les autres.

De plus en plus souvent, les livres viennent à moi via le web. Et une fois qu’ils sont là, je referme mon mac, je débranche, j’abandonne mes « friends » et mes « followers », j’oublie mon agrégateur, et je plonge. Vers les néons d’un sous-marin, bientôt, et, pour l’instant, dans la vitesse des choses.

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publier et republier… le rêve ?

C’est le New York Times qui l’annonce, sous le titre « des articles de Newsweek sur la campagne électorale transformés en eBooks pour le Kindle d’Amazon » :

« Cela ressemble à un rêve pour magazine en ces temps de restrictions : Prendre quelquechose que vous avez déjà publié, déjà vendu, le repackager et le distribuer sans toutes cette dépense de papier, d’encre et de camions de livraison, et pouvoir le vendre à nouveau.

Cette semaine, l’hebdomadaire Newsweek va publier quatre livres, chacun d’entre eux sur les principaux candidats à la présidence et à la vice présidence – les sénateurs John Mac Cain, Barack Obama, Joseph Biden et le gouverneur Sarah Palin – des livres qui ne paraîtront pas sous forme imprimée mais seront uniquement disponibles sous forme de livres numériques, et exclusivement sur le site Amazon à destination du Kindle.

Ces livres seront composés des articles que Newsweek (propriété de la Washington Post Company) a déjà fait paraître durant la campagne. Tranformer une série d’articles en livre est une vieille idée : ce qui est nouveau est de la faire avec des coûts de productions et de distribution qui font que même un petit nombre de ventes permettront la rentabilité.

Amazon déclare que c’est probablement le premier partenariat de ce type, et ce n’est certainement pas le dernier. »

L’auteur du billet le dit, le fait de transformer des textes publiés dans un média « de flux » en livre, ce qui leur offre un statut documentaire différent, n’est pas une nouveauté. Ce qui est nouveau, c’est la vitesse de réalisation et la minimisation des coûts permises par le numérique. (Quoique la fabrication desdits livres numériques n’a certainement pas un coût négligeable…)  A noter aussi, et déjà pointé dans ce blog et ailleurs, le choix de l’exclusivité : de fait, cela réduit le nombre de lecteurs potentiels, mais chacun des partenaires doit y trouver son compte,  Amazon avec du contenu exclusif, peut espérer attirer des nouveaux acheteurs pour le Kindle, Newsweek qui cible les possesseurs de Kindle et bénéficie de la communcation qui entoure l’événement.

Il est fort probable que l’édition numérique va donner lieu, et pas seulement pour la presse, à des réutilisations de plus en plus fréquentes. Déclinaisons sous diverses formes, diffusion de certains ouvrages au chapitre, livres personnalisés ou composés par l’utilisateur… Mais il est nécessaire de le rappeler : pour que de telles réutilisations soient effectivement faciles à réaliser et peu coûteuses, quelques préalables sont nécessaires. Cela nécessite la mise en place d’une « gestion des flux éditoriaux » (workflow), l’idéal étant d’aller vers l’édition structurée. Rien de magique, on est loin du « rêve » dont parle le New York Times… Au contraire, beaucoup d’investissements, de la formation, des changements en profondeur dans les façons de travailler.

Repéré chez Joe Wikert (qui vient de quitter Wiley pour rejoindre O’Reilly.
Bruno Rives en parle également, et je lui aurais bien piqué son illustration, mais j’en ai déjà utilisé la version détournée sur ce blog.

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du papier au numérique, du numérique au papier

Il ne s’agit pas d’un scoop (La Feuille le signalait déjà le mois dernier), l’université du Michigan s’est équipée d’une Espresso Book Machine. Elle n’est pas très jolie, la EBM ( peut-être la version 2 annoncée pour 2009 bénéficiera-t-elle d’un meilleur design ? ), mais elle vous imprime à la demande et vous relie un livre de 300 pages en 7 minutes…

On peut lire sur le site de la bibliothèque de l’université :

« Après tant d’effort pour faire passer nos livres de l’imprimé au numérique, vous pourriez vous demander pourquoi nous investissons dans une machine qui va faire passer nos livres du numérique à l’imprimé. Nous croyons que la meilleure forme pour un livre, plutôt qu’une forme unique qui serait la solution à tout, varie en fonction des usages et des utilisateurs. Parfois un livre numérique, auquel nous pouvons accéder partout, tout le temps et dans lequel nous pouvons facilement effectuer des recherches est exactement ce dont nous avons besoin. En d’autres circonstances, la forme idéale d’un livre est un exemplaire imprimé qui favorisera une lecture suivie, dont la matérialité servira de point de repère au souvenir de notre expérience de lecture, ou qui pourra facilement passer de main en main. »

J’apprécie cette mise en perspective à propos de la forme d’un livre, qui rejoint les discussions qui ne sont pas près de se tarir à propos du « Terminal Définitif pour Les Lectures Numériques », (voir « La Controverse du Grille-Pain »). Pas seulement sur nos blogs, mais partout où l’on se réunit pour travailler sur des projets touchant au livre numérique. Tétanisés par le succès du iPod dans la musique, on n’en finit pas de guetter le Killer Device, celui qui va créer la rupture, qu’on mourra d’envie de posséder, qui saura convaincre massivement les lecteurs de basculer vers la lecture numérique. On ne le dira jamais assez, il n’y a pas « une lecture » mais « des lectures », « un livre » mais « des livres », « un lecteur » mais « des lecteurs ». Il y a aussi, ce que souligne l »extrait ci-dessus, des moments, des circonstances de lecture fort variées, et cette multiplicité d’usages peut nécessiter la coexistence de modalités différentes de restitution des textes : liseuses, mobiles, netbooks, PC, livres imprimés. Peu importe, en définitive, comment les lecteurs préféreront les lire : les livres devront être disponibles pour toutes les lectures, sans exclusive.

Concernant l’EBM :

– on la trouve aussi dans des librairies : exemple de Blackwell au Royaume-Uni.
– le site du constructeur
Рun billet tr̬s complet paru il y a quelques jours sur Information Today.

Quelques minutes plus tard : l’idée de parler à nouveau d’EBM m’est venue ce matin en suivant un lien posté par Alain Pierrot sur Twitter, Alain qui vient de poster quasi simultannément lui aussi un billet à propos de l’EBM…

J’éviquais le design de la future version : Alain m’envoie un PDF avec cette image, il y a du progrès…

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Le futur est un pays étranger

Timo Hannay travaille pour Nature Publishing Group (qui édite la fameuse revue scientifique Nature), où il dirige Nature.com. Dans une conférence donnée à ALPSP International Conference 2008, Timo Hannay établit une comparaison entre un « digital migrant », et un migrant au sens géographique du terme. ( Migrant dans la vraie vie, et,  en France, exposé à ce type de traitement )

Il utilise pour cette comparaison ses souvenirs de migrant au Japon, où il dut séjourner plusieurs années alors qu’il achevait ses études. Il raconte tout d’abord le choc de son arrivée au Japon, ( sa conférence est illustrée de photos, voir le billet original) puis l’attitude qu’il a adoptée vis à vis de toute l’étrangeté de ce pays, et mentionne le fait qu’il a épousé une japonaise. Puis il en revient au monde de l’édition, car ce long détour était destiné à faire passer cette idée que ceux qui travaillent dans une maison d’édition vont devoir migrer, eux aussi, migrer « vers le futur », ce qui implique un état d’esprit similaire à la migration vers un pays étranger :

« C’est presque aussi difficile pour une maison d’édiion de devenir une entreprise technologique que ça l’a été pour moi de devenir Japonais. Mais si l’information est devenue notre métier, et c’est le cas, alors maitriser les technologies de l’information n’est pas une simple option, c’est un enjeu central pour notre avenir. Pour faire face à ce défi, je crois que nous ferions bien de nous appliquer ces maximes qui ont bien réussi aux immigrants dans le monde réel :

– Apprendre la langue
– Respecter les nouvelles normes culturelles
– Ne rien considèrer comme un dû
– Travailler dur
– Ecouter, apprendre, s’adapter. « 

Il évoque auparavant quelques uns des projets web développés par Nature.com.

« Tous ces projets sont – ou ont été – expérimentaux. Nous ne les avons pas lancés avec une confiance aveugle, en nous disant « si nous le construisons, ils viendront », mais en pensant plutôt « Si nous ne le construisons pas, nous ne saurons jamais ». Nous avons agi comme des scientifiques, utilisant ces projets pour essayer quelque chose qui s’appelle le web et que nous essayons de comprendre. Dans ce contexte, l’ échec est non seulement acceptable, il est inévitable, et nous essayons de l’éviter en faisant du bon boulot, et non en évitant les paris risqués.

Derrière cette série de projets, il y a cette idée que le passage d’une distribution basée sur l’imprimé à une distribution en ligne n’est que le premier pas d’un parcours bien plus long. En faisant ces choses, nous faisons des choses auparavant réservées à – et donc nous sommes en compétition avec – les broadcasters et les développeurs de logiciels. Si cela ne vous fait pas peur, c’est que vous n’avez pas bien compris ce qui se passe. Mais si vous vous dérobez à ce combat, alors vous aurez perdu par forfait.

(Reperé via the digitallist – photo © AP Images, sur http://usinfo.state.gov )

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