On the road

La tournée du « Bus Numérique Overdrive » à travers les Etats-Unis va commencer le 10 août à Central Park. Le programme complet de cette tournée est disponible ici.

Destinée à familiariser le public avec les contenus numériques en tout genres, livres audio, livres numériques, musique, vidéo, et avec l’idée que les bibliothèques deviennent des lieux de diffusion de contenus numériques, la « Digital Bookmobile » est équipée et opérée par OverDrive, principal distributeur de contenus numériques américain, et accueillie dans les bibliothèques.

Martyn Daniels, du blog Brave New World, s’interroge :

Les téléchargements seront-ils gratuits, s’agissant d’un « prêt en bibliothèque » ? L’accès sera-t-il restreint aux résidents de la localité ? Pourquoi un consommateur achèterait-il un livre numérique s’il peut l’emprunter gratuitement ? (NdR : la question est la même avec les livres physiques…) Les emprunteurs seront-ils en mesure d’effectuer des téléchargement gratuits de n’importe où une fois qu’ils auront été inscrits ? Les titres disponibles sont-ils issus des catalogues locaux ou bien s’agit-il d’une « offre bibliothèques » proposée par Overdrive, permettant aux libraires d’utiliser sa plate-forme en marque blanche ?

Les relations entre bibliothèques et librairies n’ont jamais été aussi sensibles dans le monde physique : là, les copies et les accès étaient limités à une aire géographique et les emprunteurs avaient l’obligation de se rendre à la bibliothèque aussi bien pour emprunter que pour rapporter les ouvrages. Dans un monde numérique, ils n’ont qu’à s’identifier, télécharger, consommer, puis le fichier s’auto-détruit automatiquement au terme du délai de prêt. Comment les libraires pourront-ils entrer en compéition avec cela ?

Cette tournée est une belle idée, tout comme la sensibilisation au numérique, mais quelles seront les conséquences d’une possible canibalisation des ventes des libraires ? OverDrive sera payé, les bibliothèques continueront de payer, les éditeurs continueront de faire des ventes auprès des bibliothèques, les consommateurs accèderont gratuitement à du contenu, mais quel sera l’impact sur les royalties des auteurs et sur les librairies, dans les centres-villes comme dans les universités ?

The Brave New World est un blog qui prolonge les réflexions contenues dans le rapport du même nom, émanant du syndicat des libraires britannique, et il n’est pas surprenant d’y lire ces lignes inquiètes. Mais où mène cette inquiétude ? Pourquoi les libraires n’organisent-ils pas avec Overdrive ou un autre leur propre tournée du bus numérique des libraires ? Pourquoi ne se sentiraient-ils pas concernés comme des acteurs et non comme des victimes potentielles du grand chambardement numérique ? Chaque maillon de la « chaîne du livre », dont on a vu que le numérique la transforme en réseau, est concerné par ce que le numérique fait aux livres. Va-t-on se livrer à un concours du genre « c’est moi, le maillon qui souffre le plus ? ». Il est urgent au contraire de briser cette chaîne des victimes du numérique et d’investir le réseau, de comprendre les nouveaux enjeux, d’apprivoiser les techniques, d’expérimenter les usages, chacun dans son métier. Sans céder ni à l’enthousiasme technologique béat, ni à la grande peur du numérique.

En attendant moi j’aime bien le camion, et j’aime bien cette idée de tournée, d’événement, de nomadisme. Soudain, le numérique prend la route.

Mise à jour, 20 janvier 2009 : on peut suivre le bus numérique via Twitter ici : http://twitter.com/DigiBookmobile/

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un iPhone, vite !

Pile au moment où l’iPhone 3G va commencer à être commercialisé en France, Hadrien Gardeur annonce sur le blog feedbooks la disponibilité d’une application permettant de lire des livres électroniques, à la fois sur iPhone et sur iPod Touch. Il s’agit de Stanza, produit par Lexcycle.

Aussi bien la blogosphère que la « twittosphère » du livre numérique publie abondamment à propos de la lecture sur iPhone.

Combien de fois n’a-t-on pas lu , depuis l’apparition des liseuses ePaper, qu’on attendait  le « moment iPod du livre », et qu’il n’était pas là encore… On a reproché aux liseuses leur absence de sex-appeal, leur ergonomie imparfaite, leur design triste. Et pourtant il semble que le Kindle se porte bien, il y en a qui profitent d’un voyage à New York pour s’acheter la nouvelle liseuse de Sony, je vois des éditeurs utiliser la Cybook de Bookeen, (l’un d’entre eux m’a confié qu’il était en train de lire sur Cybook le rapport Patino…)

Mais l’actualité du moment, c’est l’iPhone. Petite revue d’articles à son propos :

– Publishing Frontier se livre à une rapide étude de prix, partant de l’idée que quelqu’un qui a acheté 300$ une liseuse ne sera pas prêt à payer très cher les livres qu’il va installer dessus, alors que le propriétaire d’un iPhone ne l’a pas acheté uniquement pour lire des livres numériques : il possède déjà son iPhone, c’est son téléphone, et il serait plus facilement tenté par l’achat d’un livre, qui ajoute un usage à ceux déjà nombreux de son téléphone, sans être trop regardant sur son prix.

-Actualitté nous apprend que des titres du domaine public sont vendus (99 cents ou 78 centimes d’euros) sur l’Apple iTunes Book Store, téléchargeables et lisibles sur iPhone. En attendant que se développe une offre de titres sous droits au format numérique, les francophones auront eu le temps de réviser leurs classiques… mais iront-ils acheter sur iTunes ce qu’ils peuvent trouver gratuitement sur Feedbooks et ailleurs ?

– sur Times Emit, un appel est lancé aux éditeurs : qui sera le premier à signer avec Apple, pour vendre ses livres en version numérique sur iTunes book store ?

– Teleread nous le rappelle : Stanza n’est pas la seule appli permettant de lire sur son iPhone : il compare dans un billet deux autres applications : eReader et Bookshelf.

-sur Medialoper , on a essayé la lecture sur iPhone et celle sur Kindle. Mais on attire notre attention sur un point qui semble aussi important que le confort de lecture : la facilité à trouver et à télécharger un titre, et l’importance d’avoir des formats interopérables.

– Enfin, le titre du post de  Kassia Krozser sur Booksquare est plutôt provocateur : « Sittin’ Here, Watching The Market Go By ». Elle conclut son article en citant les derniers mots de celui de Times Emit, qui s’étonne que les éditeurs britanniques ne se soient pas déjà rués chez Apple pour vendre leurs livres qu format numérique sur iTunes.

Bon, c’est gentil de lire toutes ces annonces, ces comparatifs… Mais j’aimerais bien essayer tout ça moi-même, j’aurais pu ainsi compléter cette revue par des infos de première main… En fait, j’ai terriblement besoin d’un iPhone. Vite !

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Les Pingouins parlent aux Pingouins

penguin.jpgChez Penguin (Royaume-Uni), les salariés se désignent eux-mêmes comme des « Pingouins », bien sûr. Ainsi commence un billet de Jeremy Ettinghausen, éditeur numérique et Pingouin lui même (à qui nous devons le projet « We tell stories« ) sur le Penguin blog (traduction maison) :

« Vendredi dernier quelques Pingouins ont présenté à d’autres Pingouins notre stratégie pour la mise en ligne de nos livres numériques, qui va avoir lieu plus tard dans l’année. Nous, comme les autres éditeurs, sommes en train de numériser nos livres parce, comme vous le savez tous, le livre numérique arrive !!! C’est bien sûr un moment tout à fait excitant – nous pourrions être au seuil d’une révolution dans la façon dont nous distribuons les livres et dans la manière dont les gens y accèdent. Mais le mot clé est « nous pourrions » – ce qui est vraiment excitant c’est que personne ne sait vraiment comment les choses vont tourner. Le livre numérique pourrait changer notre monde, mais il pourrait aussi ne pas le changer… Nous en saurons un peu plus dans un an »

Suit un article signé de l’écrivain Nick Hornby, qui lui prend plutôt le parti du « pourrait ne pas », mettant en avant le coût trop élevé des liseuses, la disparition progressive du désir de lire, et l’idée que les gros lecteurs (espèce en voie de disparition) ne sont pas des « early adopters ». L’article a déclenché une salve de commentaires, ou à côté des sempiternelles considérations sur l’odeur du papier et le bruit des pages qui se tournent, quelques utilisateurs de liseuses protestent et témoignent de l’usage qu’ils ont adopté et qui les satisfait.

Prendra ? Prendra pas ? Voir le billet de François Bon, qui expérimente actuellement la dernière liseuse Sony, et se fend d’une description détaillée et passionnante : celle d’un lecteur qui est aussi auteur et éditeur, préoccupé de la manière dont l’outil affiche ses textes et ceux des auteurs qu’il publie, tout comme de la qualité de l’expérience qui lui est proposée, pour lire, gérer sa bibliothèque numérique, acquérir de nouveaux titres.

Prendra ? Prendra pas ? Le rapport Patino dit la même chose que Jeremy : « On ne sait pas ». Il le dit des les premières lignes du résumé qui figure en tête du rapport :

« Mais qu’en serait-il si une accélération, voire un basculement dans le numérique se produisait ? Une telle hypothèse, si elle ne peut être prédite avec certitude, mérite toutefois que les acteurs du secteur s’y préparent, compte tenu des effets très importants qu’elle pourrait entraîner sur une économie du livre aux équilibres précaires. »

Et il développe dans son rapport cette question du « basculement » :

 » Dans l’édition comme dans les autres secteurs soumis à la numérisation, le marché ne dictera pas les usages. Les secteurs des dictionnaires, des livres de référence, de l’édition professionnelle affichent certes des tendances claires, mais sans que l’on puisse trancher un point décisif : la lecture/plaisir sur écran va-t-elle se développer massivement? « 

Et, tandis que les « Pingouins » de chez Penguin  numérisent à tour de bras, simplement « au cas où » un basculement des usages venait à se produire, il incite les éditeurs à se préparer :

 » La question centrale n’est en réalité pas de savoir s’il existe une forte probabilité de développement d’un usage massif de la lecture numérique ; mais, à partir du moment où cette probabilité existe, les acteurs du livre doivent s’y préparer sous peine de subir un impact qui modifie le marché de façon irréversible. »

Pour éviter que la banquise sur laquelle vivent les Pingouins et quelques volatiles d’autres espèces, ne se mette à fondre brutalement…

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Bien sous tous rapports

Deux rapports ont été publiés à quelques jours d’intervalle, qui concernent tous les deux le livre numérique. L’un émane de la commission réunie par l’ALIRE (Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques) et le SLF (Syndicat de la librairie française). Il est consultable en ligne, dans une version ouverte aux commentaires (thème CommentPress sous WordPress), et disponible également au format PDF ici, et ici, ainsi qu’en version imprimée (Editions La Découverte).

Le second a été commandé à Bruno Patino par le Minisitère de la Culture et de la Communication. Il est téléchargeable ici.

Ces deux rapports sont de nature et de facture bien différentes :

– L’un propose un état des lieux et dévoile une réflexion « in progress » menée de l’intérieur d’une profession, la librairie. L’une des formes de publication choisie, ouverte aux commentaires, témoigne de la volonté d’ouverture de la commission SLF/ALIRE, qui prend le risque de soumettre aux commentaires un texte qui embrasse des questions nombreuses et complexes.

– Le second s’appuie sur la connaissance des problématiques liées au numérique de son auteur, (Bruno Patino dirige le Monde interactif), et sur le travail de la Commission qu’il a présidée et qui a procédé à l’audition de nombreux acteurs du monde du livre.
Les recommandations des deux rapports ont déjà été largement rapportées et commentées, aussi ne vais-je pas y revenir ici.

J’ai préféré tenter de rechercher, à travers l’un et l’autre textes, qui par ailleurs présentent de nombreuses similitudes, les points de divergence les plus importants.

Le premier concerne la définition du livre numérique. Cette définition s’avère difficile dans les deux cas, mais contrairement à Bruno Patino, qui conclut à une « définition impossible », la commission SLF / ALIRE compte sur l’interprofession pour parvenir à préciser cette définition, qui seule, permettrait d’espérer un amendement de la loi Lang pour que le prix unique s’applique également au livre numérique :
SLF / ALIRE

« Nous pensons que l’interprofession a intérêt à définir une notion de « livre numérique » (par exemple, Å“uvre complète vendue de façon pérenne et individuelle, reflétant le livre papier quand il existe) à laquelle ne saurait être assimilée la vente de contenus ou d’usages dérivés de ce contenu originel et matriciel. (…) Sur le principe, et dans l’idéal, la législation du prix unique et le taux de TVA réduit s’appliqueraient au livre numérique, mais ne concerneraient pas les autres types de contenus numériques. »

Rapport Patino

« A la limite, le seul cas où l’amendement (NDLR: de la loi Lang) semble « naturel » serait celui du fichier fermé téléchargé, simple retranscription d’un livre existant dans l’univers imprimé. Mais même dans ce cas, ce dispositif risquerait d’être discriminant par rapport aux autres formes de « livres numériques ». Du coup, le mode d’exploitation le plus respectueux de la version sur papier serait le seul à être régulé (car étant le seul à être définissable en continuité directe avec l’univers de l’imprimé) ; de ce fait, il serait potentiellement pénalisé au profit d’autres qui ne seraient pas encadrés. La loi « Lang » semble donc, dans sa formulation actuelle, ne pas pouvoir être amendée pour inclure la totalité des expressions d’un « livre numérique » qui est avant tout un droit de propriété intellectuelle sur un contenu écrit. »

Un autre point sur lequel les deux rapports soutiennent des positions différentes est celui de l’application d’un taux de TVA réduit au livre numérique. Si le SLF / ALIRE souhaite que cette TVA à 5,5 s’applique au livre numérique (ce qui implique, encore une fois, d’en fournir une définition…), il souhaite voir ce taux réservé au seul livre numérique, alors que pour Bruno Patino, en l’absence de définition, il est préférable d’étendre cette réduction du taux de TVA à l’ensemble des « biens culturels numériques ».

Rapport SLF / ALIRE

« – La TVA à 5.5% doit rester un taux réduit exceptionnel dû à l’objet spécifique du « livre imprimé » et du « livre numérique » si un accord est trouvé sur sa définition (cf. § précédent). Il n’est donc pas demandé de révision du taux de TVA sur les autres types de contenus numériques. « 

Rapport Patino

« Il paraît donc plus judicieux de proposer, plus généralement, une TVA à taux réduit pour l’ensemble des biens culturels numériques. La présidence française du Conseil de l’Union européenne et l’échéance de renégociation de la sixième directive TVA pourraient permettre de mettre rapidement l’accent sur cette demande. La commission estime donc nécessaire de demander, pour favoriser l’essor des livres numériques, l’application d’un taux de TVA réduit pour les contenus culturels numériques. »

Enfin, et c’est peut-être ce point qui est le plus intéressant, les deux rapports s’approchent de la notion d’usage de façon bien différente. Là où les libraires réaffirment leur rôle de médiateurs, au secours de lecteurs perdus dans la « jungle du numérique », Bruno Patino met en avant l’expérience utilisateur, et confie à ces utilisateurs, seuls à décider in fine de ce qui « prendra » ou « ne prendra pas » en matière d’usage, un rôle qui gomme la médiation, même s’il est avéré que dans la « jungle du numérique », les médiations existent bel et bien, même si elles se modifient, ou se font à l’insu des utilisateurs. (cf à ce sujet Alain Giffard, que je cite encore une fois, auteur d’une étude menée en 2007 pour le Ministère de la Culture et de la Communication et intitulée « Lire – les pratiques culturelles du numérique « . )

SLF / ALIRE :

« Ainsi, éditeurs et libraires pourront jouer mieux encore leur rôle de médiateur, proposant une offre qualifiée aux lecteurs qu’une jungle du numérique pousserait à une lecture plus encore qu’aujourd’hui banalisée, attendue et imposée. Ainsi, les auteurs et les lecteurs seront-ils mieux respectés et considérés. Ainsi, la diversité et la richesse d’une offre culturelle tiraillée entre standardisation et atomisation pourra-t-elle non seulement être préservée, mais développée avec enthousiasme et passion. »

rapport Patino :

« Les usages, et non les auteurs, éditeurs ou libraires, décideront en définitive de ce que sera la lecture numérique. Un usage, dans le processus de construction d’un secteur du numérique, est une expérience suffisamment satisfaisante pour que le consommateur lui reconnaisse une valeur. Cette valeur se mesure dans l’argent et également dans le temps qu’il est disposé à donner pour vivre cette expérience. La plupart des expériences neuves vécues dans l’univers numérique restent sans suite, une technologie et ses fonctionnalités ne retenant pas l’attention du public. Mais parfois, dans un contexte donné, l’expérience est si satisfaisante qu’elle définit de nouveaux usages, consolidés dans une pratique assez large pour constituer un nouveau marché. »

Cette question de la médiation, qu’il s’agisse de celle prise en charge par les éditeurs ou de celle effectuée par les libraires et les bibliothécaires, est au coeur de la révolution numérique. Les uns et les autres sont tenus d’apprivoiser très rapidement les technologies et de poursuivre leur mutation pour être en mesure de continuer à jouer un rôle dans l’univers numérique. À ce titre, l’engagement de l’état ne devrait pas se limiter, me semble-t-il, à l’aide à la numérisation, mais pourait inclure un soutien au développement des infrastructures numériques et à la formation.

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Enfin pouvoir aimer le désordre

desordre.jpgAvant d’aimer tout de suite le site, lorsque je l’ai découvert il y a déjà quelques années, j’ai aimé son nom. Le désordre, à la fois mon penchant et mon ennemi, ma maladie et ma richesse, la clef de ma désinvolture et la source de mes énervements, venait prendre ses aises sur le web, revendiquait le détour, le passage secret, le hasard, les chemins de traverse.

Je donnais des cours alors, expliquais aux étudiants les rudiments de la conception d’interface (centrée utilisateur, bien sûr, et attention à la surcharge cognitive de celui-ci, on lui fait tout comme d’habitude, l’interface doit se faire oublier, respecter les standards, devenir transparente, intuitive…). Et après, comme un pasteur fonçant en douce au bistro après un sermon sur la tempérance, j’allais faire un tour sur desorde.net. Un site pas « centré utilisateur » mais offert au curieux et accueillant les amis. Un site pas « Web 2.0 » mais des milliers de pages 200% passionnantes, dont sa page d’accueil arrachée à un carnet de notes (combien de pages gribouillées, aucune aussi belle que celle-ci, dans les cahiers des archives de tout concepteur numérique : rectangles et flèches, renvois, listes embrouillées…)

Le site de quelqu’un qui excelle à travailler ce que François Bon appelle une « pâte » , la pâte numérique :

« Dans ce chemin, depuis 11 ans, la seule permanence : l’imprédictible. Passer du html au php, cela veut dire que moi-même je ne maîtrise plus la totalité de la chaîne technique que j’emploie ici. Apprendre des logiciels complexes (en ce moment, inDesign). Savoir qu’on gardera sa dominante dans une discipline, qu’on ne sera pas ingé son ni opérateur tri CCD, mais que le média qu’on met en forme est une pâte complexe avec texte, son et image, et que les quelques fous qui nous précèdent, côté video-poetry, manient cette pâte nativement comme leur propre vocabulaire : ce n’est pas mon cas. »

Ce terme de « pâte » m’était venu à l’esprit, au « temps du cédérom », temps des balbutiements numériques, lorsque, passés les premiers éblouissements, (un rien nous ravissait alors), j’ai pris conscience que la disponibilité nouvelle des différents medias ouvrait des champs immenses, quand chacun d’entre eux pris isolément requiert, pour être un tant soit peu maîtrisé, tant de connaissances, d’entraînement, de patience, d’exigence et de de talent. L’écran n’est pas une page, il est une fenêtre, une fenêtre qui ouvre sur un paysage mouvant que le code ordonne, convoquant telle image, faisant se dérouler tel texte, déclenchant cette vidéo, jouant ce son. Le code ordonne le désordre de desordre.net, le code multiplie les fenêtres, brouille les pistes, crée les surprises. Photographe, écrivain, Philippe De Jonkheere est aussi informaticien.
Si vous ne lisez ni tiers-livre (ça, ça m’étonnerait !), ni lignes de fuite, (et là, vous ratez quelque chose !) ni rougeLarsen Rose (grave erreur), si vous n’entrez pas au café du commerce, si vous ne pratiquez pas ce métier de dormir, alors vous ne savez pas que Philippe De Jonkheere s’est fait voler son Nikon. Plus de Nikon, plus de photos dans desordre.net, plus de photos en désordre, plus de photos du désordre… Ah non, ça alors, pas question !

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L’attrape-coeurs

J’aime bien la couverture de cette édition de poche de L’attrape-coeurs, trouvée sur Wikipedia, un poche dont on imagine les pages jaunies, quelques-unes ne tenant plus que par un fil de colle, prêtes à se détacher; un livre qu’on s’attendrait à trouver sur l’étagère d’une maison louée pour les vacances, à côté de quelques Club des cinq, d’une vieille édition du guide vert de la région et de trois ou quatre livres en allemand).

C’est le nom que s’est donné une librairie (4 place Constantin Pecqueur – 75018 Paris), et c’est aussi le nom d’un blog littéraire, qui n’est pas le blog de la librairie, mais n’est pas sans rapport avec celle-ci, comme l’expliquent ses auteurs.

Sur le blog de l’attrape-cÅ“ur, repéré par Hubert je lis un billet qui est plus qu’un compte-rendu de l’atelier que j’ai animé avec Alain Pierrot, Xavier Cazin et Guillaume Teissère. Renaud, à partir de ses notes, a poursuivi la réflexion sur le thème « qu’est-ce qu’un site d’éditeur 2.0 », et en lisant, je retrouve à la fois des échos que ce que nous avons pu échanger pendant cet atelier du BookCamp, mais aussi des prolongements de la réflexion engagée alors.

C’est stimulant, et cela vient dissiper cette sensation de frustration que l’on ressent fréquemment à l’issue d’une rencontre de ce type, l’impression de n’avoir pas dit tout ce que l’on aurait souhaité dire, que le débat s’est focalisé sur un petit nombre de points, éclipsant les autres. C’est la loi du genre, bien sûr. Mais c’est très encourageant de lire un tel billet, qui montre que les quelques éléments que l’on n’était pas si sûr d’avoir pu faire passer, ont été entendus, et, enrichis des réflexions de l’auteur, excellemment restitués. Merci Renaud !

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Message personnel

Cher F,

Tout d’abord, je te rassure : Hubert a mis de côté pour toi un T-shirt « BookCamp », très joli, blanc avec le logo gris et rouge…

J’ai pris le métro hier midi avec un peu d’avance, bonne fille, me disant qu’il y aurait peut-être besoin d’un coup de main à la Cantine avant l’arrivée des BookCampers. Trouvé un mot scotché sur la porte vitrée avec un plan : « le bookcamp dîne ici », alors j’ai continué d’avancer dans le passage (la Cantine se trouve dans un passage couvert qui donne sur la rue Montmartre), et effectivement les GO du BookCamp n’étaient pas du tout en train d’installer des chaises ou de dresser des panneaux d’affichage, ils déjeunaient tranquillement en terrasse. Alors je me suis attablée avec eux, et j’ai commandé une salade. Le temps d’échanger des nouvelles, de déplorer ton absence, de faire un peu joujou avec le Kindle tout neuf qu’Alain Pierrot m’a mis dans les mains, il était deux heures.

Hubert Guillaud nous l’avait dit, un BookCamp est essentiellement dispensateur de frustration : il suffit de regarder le tableau où est inscrit (à la craie) le programme : 3 horaires successifs, et pour chaque tranche horaire, pluieurs ateliers. Entre chaque séance, une demi-heure pour circuler, échanger, se faire raconter par quelqu’un d’autre l’atelier auquel on n’a pas pu aller.
Je n’étais jamais venue à la Cantine. Les premiers participants discutent déjà dans un grand espace ouvert, articulé autour d’un escalier à vis qui grimpe sous une verrière.
Deux zones sont aménagées comme des salles de réunion, mais certains ateliers ont lieu aussi autour du bar ou dans le coin salon. Coup de chance pour la paresseuse que je suis, c’est là qu’Alain Pierrot et Hadrien Gardeur animent le premier atelier où j’ai choisi d’aller. J’ai donc la possibilité de m’installer confortablement sur un canapé, bien entourée de Christian Fauré et de Guillaume Teissère. Alain et Hadrien ont apporté des liseuses, et aussi des livres, et nous parlent lecture, page, lisibilité, mise en page, typographie, moteur de composition… Tu as suffisament échangé sur ce thème avec eux pour que je ne te résume pas leur intervention. Ils ne diront pas, et c’est aussi typique d’un barcamp, le quart de ce qu’ils ont prévu de dire, car les participants interviennent rapidement dans le débat. Les questions inévitables surgissent, auxquelles il faut répondre, en essayant de ne pas s’égarer… On retrouve les clivages habituels, ceux qui baignent dans la culture web, qui ne voient pas bien pourquoi on s’embête avec cette question de la restitution de la page, et sont convaincus que tout se règle avec un navigateur web, une bonne interface et du texte recomposable. Ceux qui considèrent que de passer au numérique, si c’est pour faire comme sur le papier, ce n’est pas la peine, et qu’avec une liseuse on doit afficher du texte, mais aussi des animations, des sons, des vidéos. Alain, qui n’en est pas à son premier débat sur le thème, excelle a faire prendre conscience, à l’aide d’exemples, de la complexité du livre imprimé. Complexité cachée, parce que prise en charge par les différents métiers, de manière que le lecteur, au final, soit dans le plus grand confort pour rencontrer un texte. Et la question est bien, si on va vers des lectures sur support numérique, de reconstituer une chaîne de production et de savoir qui assume les décisions nombreuses et insoupçonnables qui font que le livrel se présentera de telle ou telle manière, offrira telle ou telle fonctionnalité. Bon, tu connais par coeur tout ça, auquel tu te confrontes avec publie.net.

Pour la deuxième session, je n’ai pas à faire de choix d’atelier, puisque j’ai promis d’en animer un, avec Xavier Cazin, Alain Pierrot et Guillaume Teissère. Pas question de m’appuyer sur les slides que j’avais préparés : pas de grand écran, et trop de monde pour que chacun puisse lire sur l’écran de mon mac. On s’en passera très bien, pour évoquer la question : « qu’est-ce qu’un site d’éditeur 2.0 ? ». Un site d’éditeur, ça intéresse qui ? Qui va y venir ? Pour y trouver quoi ? On va parler catalogue, fils RSS, widgets. On va rappeler qu’un site, ça n’existe pas tout seul, c’est un élément d’un système plus vaste, qui n’existe que par les liens qu’il offre, entrants et sortants, vers les autres éléments du système. Le web vient bousculer en profondeur la fameuse chaîne du livre, sa confortable linéarité : auteur-éditeur-diffu/distributeur-libraire-lecteur. Avec le web cette linéarité fait place au réseau, et de nouveaux maillons apparaissent : moteur de recherche, sites sociaux, blogs de lecteurs, sites de bibliothèques, sites d’auteurs. Christian Fauré rappelle à juste titre que « web2.0, ça veut dire aussi un site qui parle aux machines, un catalogue conçu de telle manière qu’il puisse s’afficher ailleurs que sur le site de l’éditeur ». J’aurais aimé en profiter pour lui demander de nous parler de web sémantique, mais le temps manque, et j’ai promis à Constance Krebs de lui en laisser un peu pour présenter le très joli projet qu’elle prépare actuellement, autour d’un livre qui sera publié à la rentrée aux éditions Zulma, dont elle propose une version accessible sur le web, et nous terminons la séquence en découvrant en avant-première le très beau travail qu’elle a réalisé avec la complicité de Yann de Roeck et de Jean-Marc Destabeaux.

Je connais, cher F, ton amour des librairies. Le temps que tu passes dans les trains pour en rejoindre une, à Brest ou à Metz, à Montpellier ou à Toulouse, pour y faire une lecture, pour y présenter un livre. Tu en parles souvent sur tiers-livre. Tu les photographies. Si tu avais pu venir, tu te serais installé comme moi sur un tabouret de bar de la Cantine pour écouter Antoine Stéphane Michalon, enregistré par Hélène Clémente (avec le même truc que tu as, le super enregistreur extra plus numérique dont je ne connais pas la marque…), proposer une réflexion sur la mise en scène d’une offre de livres numériques en librairie. Tu aurais vu Hubert faire signe à Bernard Strainchamps de Bibliosurf de venir se joindre à la discussion. Tu aurais entendu Bernard raconter son expérience de libraire sans librairie, entièrement en ligne, une eLibrairie de proximité, rien à voir avec Amazon… Une jeune libraire pose les bonnes questions : oui, mais comment ajouter cette pratique de médiation numérique quand il faut aussi gérer la librairie réelle, et qu’on n’a pas un temps dédié pour ça, et qu’on n’en connaît pas assez sur la technique pour même être en mesure de choisir un bon prestataire web et de lui formuler ses demandes avec suffisamment de précision pour obtenir le site dont on a besoin ? Le livre numérique en librairie ? Des écrans pour les clients ? Des clés USB ou des SD cards ? Le temps là aussi passe trop vite pour qu’on ait le temps de conclure…

Il va me falloir conclure aussi ce message, déjà trop long. Te dire que j’ai eu le plaisir de faire la connaissance IRL de Pierre Mounier, dont j’apprécie tant les messages sur Homo Numéricus, le site comme le blog, et qui publie un article intéressant sur rue 89. Ne pas citer, pour ne pas ajouter à ton regret et parce que j’en oublierais certainement, les noms de tous ceux que j’ai aperçus sans avoir le temps de leur parler.

Te dire aussi qu’on en refera un, de BookCamp, pour que puisse avoir lieu cet atelier que tu avais proposé, la rencontre d’un parapluie et d’une machine à coudre, ou « montre moi ce qu’il y a dans ta liseuse, je te montre ce qu’il y a sur mon disque dur »…

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Oup ! Vers un vrai marché du livre numérique

Lu sur Oup, (Le blog d’Evan Schnittman, des Presses universitaires d’Oxford – Oxford University Press)

« Le succès, dans la technologie comme ailleurs, conduit au succès. Il n’est pas rare de voir 5 années de croissance ininterrompue suivre le lancement d’un produit technologique à succès. Pensez à l’iPod, à la Wii, au Blackberry. Des micro-économies émergent autour de produits qui proviennent de l’accélération dans le création de contenus, et dans celle de toutes sortes de produits et de services dérivés. Les versions 2.0 et au delà proposent des services toujours améliorés. Meilleur est le produit technologiquen plus il a d’accessoires, plus il suscite de contenus, et déjà tout un monde d’opportunités de business fait boule de neige et prend de la vitesse. Ceci à l’esprit, je peux facilement imaginer le succès du Kindle et du Reader (Sony) se développer l’an prochain et se multiplier par 5. Si cela se produit, alors la formule ci-dessus nous mène vers une économie du livre numérique complètement renouvelée. 5 miilions de liseuses signifirait des ventes de livres numériques de $1.200.000.000, ce qui représente, selon mes estimations, 1,3% du marché global du livre qui est de $90.000.000.000. »

Lire l’article complet pour comprendre d’où sortent les 5 millions de lecteurs (Amazon et Sony ne communiquent que très peu sur leurs ventes).

Plus loin :

« Cela me rappelle un commentaire entendu d’un dirigeant dans l’industrie de la musique dans une conférence il y a quelques années : « Un jour il y a eu l’iPod et iTunes. Le lendemain, 20% de notre business était numérique. Le jour suivant plus de 50% de nos revenus provenaient du numérique. Yeah, maintenant, je crois dans le numérique en musique. »

Personnellement, je ne vois pas l’édition devenir une industrie à 50% numérique, car les livres et les CD sont des animaux très différents. Mais je verrais bien 3% – 4%, chiffres que j’avais déjà indiqués, et qui ne sont plus du tout absurdes. Et oui, je crois dans les livres numériques. »

Si vraiment ça décolle, qui sera prêt ? Au Royaume-Uni, il y a visiblement encore du travail à faire. Ici aussi. Oup !

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Retour sur le manifeste de Sarah Lloyd

« Est-ce que l’industrie de l’édition réagit assez rapidement et travaille suffisamment créativement pour s’adapter à la nouvelle économie de l’information et des loisirs ? », demande Sarah Lloyd dans son manifeste.

Ce qui est en train de changer rapidement, dans l’industrie de l’édition, se situe du côté de sa dimension industrielle. Changer, c’est ce que l’industrie fait le mieux. Se doter des infrastructures que le développement du numérique requiert, adapter la distribution, trouver de nouveaux business models. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, cela implique de lourds investissments, mais ce sera fait, il n’y a aucun souci à se faire à ce sujet.

Ce qui est plus complexe, c’est l’évolution de la fonction éditoriale. La partie « Ã©dition » de l’expression « ‘industrie de l’édition ». Le défi pour les éditeurs, c’est de changer vite, pour continuer à faire exister leur métier. C’est de prendre conscience que toute la subtilité et la complexité de leur métier réside justement, dans ce qui, de ce métier, ne peut se numériser. Leur capacité de lecture, de discernement, de détection des talents. Le processus patient qui leur permet d’accompagner un auteur dans la transformation de son manuscrit en livre. L’infini souci du détail, ce que leur regard perçoit et qui échappe au lecteur, alors qu’il contribue immensément à son plaisir de lecture. Leur empreinte sur la publication, non d’un livre isolé, mais d’une collection, qui crée des liens entre différents auteurs, différents textes, et leur capacité à créer un catalogue et à le faire vivre. Mais cela ne signifie pas que les éditeurs doivent se détourner du numérique. Ils doivent changer, au contraire, justement parce qu’ils sont dépositaires de savoir-faire indispensables et non numérisables.

Changer pour continuer d’offrir des lectures de qualité, quel que soit le support de restitution choisi par le lecteur. changer pour savoir s’attacher avec la même exigence à la qualité d’une publication numérique qu’à celle d’un livre imprimé. S’intéresser aux supports, aux formats, aux technologies, pour injecter dans les ouvrages de demain la qualité d’expérience qu’ils savent offrir aux lecteurs d’aujourd’hui. Transposer ces savoir-faire dans des nouvelles formes éditoriales : se soucier de la qualité de l’expérience utilisateur de ceux qu consulteront leurs publications en ligne, de ceux qui utiliseront leurs plateformes éditoriales, même si c’est pour mixer leur propres contenus à ceux proposés par l’éditeur, où pour personnaliser des ouvrages. Ne pas lâcher un pouce de terrain sur ce qui constitue les fondements de leur métier : la précision de la réflexion, la capacité de discernement, de tri, de choix, l’exigence intellectuelle. la sensibilité à la qualité de la langue, la recherche de la perfection dans la présentation et la finition. Cela demande de gros efforts, car il s’agit non de substituer des savoir-faire nouveaux aux anciens, ce qui se ferait naturellement, par le simple effet de la relève des générations, mais bien de faire évoluer les savoir-faire existants, de leur accoler de nouvelles connaissances et habiletés, pour que rien ne se perde de ce qui a été acquis. Changer, mais pas seulement pour s’adapter. Changer, pour être en mesure de préserver et de transmettre.

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Premiers chiffres sur le Kindle

(Sur O’Reilly Radar) : Les ventes de livres numériques pour Kindle représentent 6% des ventes sur Amazon pour les 125 000 titres disponibles pour le Kindle. Parmi ces titres, certains ne sont disponibles que pour le Kindle. Et on ignore si ces pourcentages représentent des unités ou des dollars… Décidément, l’information est distillée au compte-gouttes ! Si on vous demande, dites « 6% ». Ça sonne bien. Ça vous sort le livre  numérique du discours « il n’y a pas de business, hâtons-nous lentement. » Mais on aimerait tout de même en savoir un peu plus, pour pouvoir être plus convaincants.


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