influence et connectivité

Je lis sur Publishing 2.0 un billet que j’aurais pu écrire. Comment ça, non ? Mais si, j’vous juuure, j’aurais pu. Il me semble d’ailleurs avoir dit quelque chose de ce genre, lors de la dernière soirée Bouquinosphère. (Traduction maison, comme d’hab’)

« Lorsque j’interviens auprès d’éditeurs traditionnels qui s’inquiètent à l’idée de poser des liens de leur site vers d’autres sites car cela va « envoyer les gens ailleurs » au lieu de les garder enfermés au milieu de leurs contenus, ma réponse standard est aujourd’hui la suivante : il y a un site qui ne contient rien d’autre que des liens vers d’autres sites, et tout ce que fait ce site c’est d’envoyer les gens ailleurs. Et alors, c’est incroyable, les gens reviennent… A tel point que cette stratégie a abouti à des millions de dollars de revenus publicitaires. (Oui, c’est bien de Google dont je parle…)

N’importe qui peut devenir influent sur le web en ouvrant son blog ou un compte sur un site de réseau social, et en créant des liens vers les gens et les contenus qui l’intéressent. Quiconque dispose d’une influence « hors ligne » et souhaite conserver cette influence « en ligne » doit commencer par poser des liens, et inscrire ces liens dans un vaste réseau.

L’influence, sur le web, c’est avant tout la connectivité. Plus large est le réseau, plus puissants sont les liens. »

Comment a fait Clarabel pour que le blog où elle poste ses critiques de livres et de films devienne l’un des plus fréquentés de la blogosphère du livre ? Allez voir son commentaire sur le dernier billet de La Feuille. Lorsqu’elle commente un ouvrage sur Amazon, c’est toujours son commentaire qui arrive en tête. Toujours. N’est-ce pas ce qui s’appelle « avoir de l’influence » ?

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carte, encyclopédie, photographies

Cette carte affiche en temps réel les lieux d’où sont postées les contributions dans Wikipedia et le titre des pages concernées.  Elle nous dit : « quelqu’un, il y a 10 mn, à Issy les Moulineaux, a complété un article de Wikipedia sur Gustave Courbet ». Elle nous dit quelques secondes plus tard : « quelqu’un, à Aurillac, a modifié un article de Wikipedia concernant le chauffage solaire ».

Cette carte n’invite pas au voyage. Elle nous permet de contempler la puissance du réseau, la diversité du monde et des centres d’intérêts.

Cette autre carte affiche en temps réel les ajouts de photos sur le site Flickr. La photo s’affiche arrimée au lieu à partir duquel elle a été postée. Ainsi, si un Suédois met en ligne les photos de ses vacances en Egypte, des images de pyramide s’affichent sur la carte à la hauteur de Stockholm.

Une manière nouvelle d’accéder brièvement à l’activité des autres, aux centres d’intérêt d’inconnus proches et lointains, étrangers et familiers.
Qui va développer le mashup qui montrera en temps réel sur une carte les livres qui s’ajoutent dans librarything ou facebook ?

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Si le livre est une base de données alors…

persobook.jpgSi ce livre est une base de données, alors on peut proposer à son acheteur d’ajouter sur la page de garde la photo de son fils, et une dédicace, qui seront imprimés comme s’ils avaient d’emblée été parfaitement intégrés au livre.
On peut bien sûr imaginer aller beaucoup plus loin dans la personnalisation des livres. (Ici, petit clin d’oeil virtuel aux MMC Girls, si elles me lisent encore…)

Mais la mise en place de la chaîne nécessaire à ces deux fonctionnalités simples – ajout d’une image, ajout d’une dédicace – n’est pas à négliger : préparation du fichier numérique du livre, conception de l’interface utilisateur, développement de la mini-application permettant l’upload de l’image et du texte, design de la page web, insertion correcte de la page modifiée dans le fichier du livre, inscription des utilisateurs et mise en place d’un système de paiement, envoi de ce fichier à un service d’impression à la demande, impression du livre, acheminement du livre chez le client, et j’en oublie probablement.

Cette offre, qui porte pour l’instant sur un seul livre, est d’ailleurs le résultat d’un partenariat :

sharedbooks.jpg

« SharedBook Inc., un site de publication qui permet aux utilisateurs de créer un livre à partir de contenu issu du web, a annoncé aujourd’hui un partenariat ave Random House pour permettre aux utilisateurs de créer des versions personnalisées de leurs livres en utilisant leur site web. Le classique album intitulé « The Poky Little Puppy » sera le premier livre disponible pour la personnalisation. » (via Publisher’s Weekly)

Nombreux sont ceux qui se désolent que le livre électronique ne soit le plus souvent que la version électronique du livre papier, une simple déclinaison sur un autre support d’un texte, un pauvre malheureux texte qui n’utilise même pas les ressources du multimédia, un texte dans lequel on ne peut même pas cliquer pour faire surgir une image, faire jouer un son, convoquer un autre texte. ( Ils sont vraiment bêtes alors ces éditeurs ! ) C’est ignorer que le fait d’afficher correctement un texte, avec une mise en page convenable, sur une liseuse, est déjà une petite aventure technique non négligeable. ( Et ce ne sont pas François, Hadrien, Hervé qui devraient me contredire… )

Choisir de faire en sorte que le texte ne soit plus quelque chose que l’on offre à la lecture, mais un objet qui interagit avec son lecteur utilisateur (autrement que par le truchement de son imagination), c’est changer le statut du texte même, quitter l’univers du livre, et entrer dans l’univers des applications.

Et on voit, avec cet exemple archi-simple de Random House, que cette opération n’est pas un mince affaire. Tous ceux qui ont traversé la brève histoire du cédérom s’en souviennent : un écran n’est pas une page, et produire une application multimédia conjuguant de façon pertinente textes/sons/images/animations/vidéo, maîtriser l’ergonomie des interfaces, c’est difficile, c’est long et ça coûte très cher. Ceux qui sont aujourd’hui passés maîtres dans cet art s’appellent Electronic Arts ou Ubisoft et sont bien loin de l’univers du livre. Il y a par ailleurs des inventions merveilleuses du côté de l’art numérique. Mais la numérisation dans le domaine du livre (qui semble s’accélerer ces temps-ci, non sans quelque fracas), ne signifie pas le surgissement systématique et quasi magique de nouvelles formes de récit, même si certains explorent déjà de nouvelles formes, formes liées à des développements d’applications aussi bien que formes originales d’échanges, possibilités de création publique ou collective, liées aux types de sociabilité engendrés par le web.

Il y a une migration à effectuer, qui ne passera pas massivement par une réinvention « multimédia » des Å“uvres littéraires au prétexte que « avec l’informatique, on peut… on peut… ». Et si déjà on pouvait offrir aux prochains acheteurs de liseuses un catalogue de titres électroniques qui leur donne un autre choix que celui de lire en anglais ?

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Bouquinosphère + soirée remue.net

Tomber en panne de blog, juste la semaine de la bouquinosphère, c’est ce fut vraiment idiot…
(Mais l’incident est clos, et je fais juste ici un copier/coller depuis mon blog de secours à 1 seul post « en-rade.blogspot.com »…)
Hubert (filmé par François Bon) nous a parlé vendredi dernier du livre comme base de données. Donc, prévoir que nos livres pourront tomber en panne. Jusqu’à présent, on pouvait tomber en panne de livres (horrible), et bientôt, ce sont les livres eux mêmes qui seront en panne. Zut, mon livre a planté. Affreux.

C’était bien de faire se succéder dans le même lieu une soirée bouquinosphère et la soirée « Ã©crire avec l’internet » organisée par remue.net. Impression d’avoir l’occasion de réconcilier mes deux côtés, le côté du computing, cette passion bizarre pour les machines, le programme, le numérique et ses promesses, et mon côté textes, ce goût immodéré et un peu contrarié des mots et de l’écriture. Ainsi agencée, la soirée a permis des rencontres entre gens du texte et gens du « digit », écrivains et geeks, avec bien sûr quelques mutants, ceux qui sont ou deviennent à la fois l’un et l’autre.

C’est bien de voir que les écrivains s’emparent du web, d’échanger avec eux sur la nature du texte numérique, de chercher avec eux s’il existe une poétique de l’hypertexte, de discuter les dogmes concernant l’écriture web (qui devrait absolument être concise, structurée, comporter des paragraphes courts, des titres, offrir la possibilité d’une lecture rapide, d’un balayage etc.).

C’est bien, aussi, ce détour, qu’un homme de l’image nous parle des photos et des vidéos vites prises et vite partagées sur le web par des millions de jeunes du monde entier, une manière de se parler en images, de parler de soi sans dire je mais en se montrant, loin des mots, plus près du geste et du corps (danser, chanter).

Contente aussi de voir Isabelle Aveline parler avec Babelio (une dream team, non ?), de voir en vrai Fred Griot, celui de mes friends dans Facebook qui a le nom le plus court, de savoir que des précurseurs, Alain (rencontré chez Hachette en 95, alors que déjà il y fomentait des troubles numériques) et Constance, (qui participa à l’aventure 00h.00.com) ont ouvert chacun leur blog.

Et puis j’ai rencontré un pays, Sébastien Bailly, et on a parlé de Rouen, et de la rue Grand Pont. Savez-vous pourquoi l’un des accès à la cathédrale est appelé portail des libraires ? Mais je ne vois vraiment pas le rapport avec la lecture, internet ni la bouquinosphère…

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Quelque chose dans l’air

Panne d’ADSL chez Virginie. L’horreur ! Alors juste un coup d’oeil rapide sur le petit, tout tout tout petit dernier chez Apple, ci-dessous en équilibre sur les doigts de Steve Jobs. Un « terminal de lecture » supplémentaire pour les livres électroniques ? Pour en savoir plus, allez voir ici !

 

air.jpg

 

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2008, année des auteurs ?

C’est en tout cas ce qu’annonce If Books dans cet article. Il conclut, et on pourrait croire qu’il a mis quelques un des blogs de la french bouquinosphère dans son agrégateur :

« Je ne suis pas en train de dire que ça va être une grande année pour les auteurs. Les nouveaux medias vont nuire à leurs intérêts comme ils ont nuit à ceux des musiciens et à la guilde des scénaristes actuellement en grève. C’est l’année des auteurs, parce que ce sont eux qui vont effectuer le changement de paradigme. Ils vont pouvoir commencer à utiliser des outils de publication et de distribution en ligne en se passant des éditeurs traditionnels et mettre leurs oeuvres en circulation de façon massive. Ou bien ils vont refuser le modèle web du « donne-moi-ton -travail-pour-rien » et inventer ensemble de nouveaux modèles. Natalie Merchant* a choisi, (provisoirement, je l’espère) de revenir à la tradition des troubadours du business de la musique. ll sera intéressant d’observer quel sera le choix des auteurs lorsque la banquise de l’industrie de l’édition va commencer à fondre. »

*une chanteuse qui a déclaré qu’elle n’enregistrerait plus d’albums, « tant que l’industrie du disque n’aurait pas change de paradigme ».

Que ce soient les auteurs ou les éditeurs, dès qu’ils passent à l’action, ils se confrontent à des problèmes techniques. Dans le cadre de publie.net, François Bon teste et reteste, et suscite un débat sur la question des formats pour les livres électroniques.

Léo Scheer est lui confronté à la masse de textes qu’il reçoit pour m@nuscrits et à la nécessaire automatisation du processus de publication : coller une par une les pages à la main dans un fichier flash n’est pas la solution.

Expérimenter est une chose. Passer en production en est une autre. Mais ce passage, ainsi discuté publiquement sur les blogs des uns et des autres, se trouve démystifié.

L’édition électronique, comme si vous y étiez.

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Publié sur lulu.com, commenté dans Libé

Dans Libé du 4 janvier, la rubrique « Tentations » propose un article titré ‘Vélomaniaques Pays-Bas », illustré d’une photo montrant un jeune homme transportant un canapé à vélo. L’article se base sur un livre récemment paru, titré « Fiets », du mot néerlandais qui signifie vélo. Juste une petite surprise, en me référant à la note en bas de l’article qui donne la référence complète du livre : pas de nom d’éditeur, juste une adresse web, www.lulu.com.

C’est bien la première fois à ma connaissance qu’un livre publié sur Lulu a les honneurs d’un quotidien (si je me trompe, n’hésitez pas à me le dire…). Et, comment dire ? Cela me fait un petit effet, que j’ai du mal à analyser. Première réaction : ça doit être un pote de la journaliste (mais ça, ça peut s’appliquer aussi éventuellement à un ouvrage publié chez un éditeur…). Deuxième réaction : l’édition sans éditeurs, c’est maintenant, tout de suite, là… . Un tour avec le nom de l’auteur et le titre sur un moteur de recherche, et je constate que l’ouvrage a déjà été assez largement commenté sur le web : 43 sites en ont parlé, sites de défenseurs du vélo, sites associatifs, blogs etc.

Si j’étais journaliste, j’appellerais l’auteur de l’article ou celui du livre et je leur poserais mes questions… Comment avez-vous eu l’idée de cet article ? Comment avez-vous découvert ce livre ? Savez-vous pourquoi il est publié sur lulu.com ? Est-ce que vous avez cherché un éditeur sans succès ou bien pas du tout ? Mais il est tard, je ne suis pas journaliste, juste une blogueuse du dimanche soir très tard, et il ne me reste plus qu’à espérer que Julia Tessier, l’auteur de l’article, ou Arnaud Rousseaux, l’auteur du livre, font partie des lecteurs de teXtes, (ce qui est statistiquement très peu probable…) et répondront à mes questions dans un commentaire.

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Un roman en beta version

Développeur chez Microsoft (on lui doit le bouton « démarrer » de Windows 95, qui a fait beaucoup rire ceux qui s’étonnaient que pour éteindre un PC sous windows il faille d’abord cliquer sur « démarrer » puis choisir « arrêter »), Daniel Oran est aussi romancier. Lorsqu’il a publé, de la façon la plus traditionnelle, son premier roman en 1999, il s’est étonné de constater que l’interaction avec ses lecteurs était somme toute très limitée, et prenait la forme, une fois le livre publié, de quelques statistiques de vente…

Pour son deuxième roman, il a choisi une approche originale : son manuscrit ayant atteint un stade de « presque bon pour la publication », il l’a rendu disponible en téléchargement sur Amazon pour 0,99$, à destination des possesseurs de Kindle. Il obtenait ainsi deux choses : un confort de lecture grâce au Kindle, plus agréable pour une lecture suivie que l’écran d’un ordinateur, moins cher qu’une version en impression à la demande (il avait envisagé tout d’abord une première publication chez lulu.com), et surtout la possibilité pour les lecteurs de commenter leur lecture sur le site d’Amazon. Cette possibilité de discussion à propos d’un ouvrage est depuis peu disponible dans la version en français d’Amazon. Sur sa page d’Amazon, l’auteur s’explique ainsi (traduction maison) :

C’est une expérience de publication, rendue possible par le nouveau Kindle d’Amazon.

Aux jours anciens, Av. K (Avant Kindle), c’était dur pour un écrivain d’obtenir des retours sur un roman en cours d’écriture. Même les proches amis et la famille pouvaient se lasser de toujours devoir relire une nouvelle mouture de la même histoire.

Avec Kindle, l’audience d’aide potentielle est énorme. De la même manière que Google (ou Amazon) peut proposer au publice de tester une nouvelle application en beta version, un écrivain peut maintenant offrir le brouillon de son roman à des lecteurs curieux.

Évidemment, depuis le milieu des années 90, le Web lui-même permet ce type de distribution de masse et d’interaction. Alors en quoi le Kindle fait-il la différence ?

Pour beaucoup de gens, lire quelques centaines de pages sur un écran d’ordinateur est désagréable. Et imprimer des centaines de pages pour une lecture ultérieure est une corvée.

Ainsi, le Kindle – avec une solution complète de distribution sans fil, une lecture agréable à l’écran, un paiement simplifié – vous fait faire un bond en avant : affichez votre fichier sur un serveur Web, et patientez…

Pas d’expérience comparable sur Amazon en France, où le Kindle n’est pas encore disponible ( mais ne saurait tarder, il faudra être prêt…), mais des m@nuscrits (considérés par leurs auteurs comme « bons à être envoyés à l’éditeur ») à lire en ligne, télécharger et commenter, ou des textes en téléchargement, à lire aussi sur iPhone , Bookeen ou Iliad, sur publie.net, qui renvoie les commentaires éventuels aux blogs respectifs des auteurs… et aussi, une autre façon d’aller à la rencontre des lecteurs : la mise à disposition de livres à ceux qui en rédigent la critique sur Babelio (opération Masse Critique, au mois de décembre)
(via Read/Write Web).

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publie.net, l’édition en réseau

François Bon pratique depuis bien longtemps le web en tant qu’écrivain, il y a déjà ouvert son atelier, chacun peut passer devant, voir de la lumière, entrer. Il ne s’arrête pas d’écrire, il marmonne un « bonjour » et nous laisse nous promener, feuilleter les carnets qui traînent ici et là, regarder les photos. Si nous voulons, nous pouvons attraper une feuille volante et écrire nous aussi quelques mots avant de repartir sans bruit.

Avec publie.net, on change d’échelle. Il ne s’agit plus seulement de laisser entrer le passant dans son atelier, mais de proposer à d’autres écrivains de faire comme lui, de créer un espace commun, d’y mettre en circulation des Å“uvres. Pas des « sites compagnons » complétant un ouvrage pour mieux le vendre. Non. Un lieu autonome, diffusant des Å“uvres inédites sous forme électronique.

Ce faisant, François Bon fait acte d’éditeur, éditeur au sens de « publisher« . Il confirme cela par l’énergie avec laquelle il s’empoigne rapidement avec des questions familières aux éditeurs : réglementation, prix du livre, TVA, ISBN… et dont on discute ferme aujourd’hui sur Nouvolivr’actu.
Internet rend possible la mise en circulation des biens d’une façon inédite, on l’a observé avec l’immense succès d’un site comme eBay : Internet permet le « many to many » (beaucoup de gens peuvent entrer en communication avec beaucoup de gens), et on a encore du mal à en réaliser toutes les conséquences. Cela déstabilise forcément un peu les happy fews nostalgiques de l’époque du « few to many » (peu de gens peuvent entrer en contact avec beaucoup de gens). Je trouve heureux et logique que des écrivains s’emparent de ces nouvelles possibilités, qu’ils soient parmi les premiers à sauter le pas. Loin d’une logique de « business model », mais dans un élan d’expérimentation qui va bien : tous les mots sont adultes, et le web est à tout le monde…

La notoriété de tiers-livre sur le web fait cependant de publie.net un « many » pas tout à fait comme les autres : il existe déjà un grand nombre de plate-formes de publication, ouvertes par de complets inconnus, certaines proposant des textes à la vente… sans grand succès. Mais il n’en est pas des textes comme des appareils photos ou des canapés-lits. Ce qui inquiète le lecteur ce n’est pas que l’ouvrage qu’il commande soit en bon état, c’est qu’il présente de l’intérêt. Et qui peut lui garantir cela, sinon quelqu’un en qui il a confiance ? Quelqu’un dont il a suivi pendant des mois ou des années les commentaires de lecture, les récits de déplacements, les mouvements d’humeur ? Quelqu’un qui sait de quoi il parle, puisqu’il est lui même un auteur ?

Publie.net est particulièrement intéressant parce qu’il est ancré à tiers-livre, lui même inscrit dans plusieurs réseaux, réseaux sociaux et réseaux de blogs. Une inscription qui ne peut ni s’improviser ni s’acheter, mais seulement être obtenue à l’issue de longues heures de conversation et de partage. Question : les instances de légitimation des textes numériques seront-elles des maisons d’édition 100% numériques ? Les éditeurs traditionnels devront-ils effectuer leur propre numérisation (non pas uniquement la numérisation de leur fonds ou de leurs nouveautés, mais la leur, c’est à dire le déploiement de leur existence sur le web) ?

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Plonger et plonger encore

Jean-Michel Salaün distingue deux manières de forcer notre attention : l’une qui consiste à pointer du doigt, l’autre qui pointe également du doigt mais s’autorise également à nous taper sur l’épaule.

Pointer du doigt, c’est diriger l’attention vers un lieu précis, proposer que cette chose désignée, à l’exclusion de toute autre, soit considérée pendant un moment déterminé.
Taper sur l’épaule implique plus de proximité, quelque chose comme de la familiarité. C’est faire irruption dans le monde de l’autre, l’interrompre, lui suggérer de changer l’objet de son attention. Pour oser faire cela sans encourir sa colère, il faut avoir des raisons de penser que l’autre sera satisfait de ce changement qu’on lui propose de façon un peu cavalière.

Le livre a le pouvoir de capturer notre attention. Jean-Michel Salaün le décrit comme un dispositif dans lequel l’auteur pointerait en permanence du doigt le texte qu’il a écrit. Est-ce bien le cas de tous les livres ? C’est avec évidence celui de la fiction : Shéhérazade en sait quelque chose, qui captive celui qui veut la mettre à mort par ses récits, remettant sans cesse au lendemain le moment du châtiment. Mais on peut aussi être plongé dans un livre qui ne nous raconte aucune histoire : plongé dans l’étude et la réflexion, plongé dans une rêverie ou des méditations.

Être plongé dans un livre, c’est oublier le livre, oublier le temps qui passe, oublier la page, oublier le texte, c’est vivre sa lecture avec une telle force que le support qui la rend possible disparaît. Dès lors, le livre n’a pas besoin d’être très beau. Il n’a nullement besoin de comporter des images, des vidéos, des sons, des zones interactives. Il doit au contraire se faire oublier. Le gris des caractères doit être régulier. Nous remercions la monotonie des pages, les règles du jeu très simples du feuilletage, ce geste qui peut ainsi devenir complètement machinal. Parce que l’essentiel se passe ailleurs. L’essentiel est invisible. Il se passe dans notre imagination. Les personnages s’y animent. Les paysages s’y peignent. La peur ou l’inquiétude, la tristesse ou la colère, l’impatience ou la curiosité s’y succèdent. Il se passe dans notre intelligence : les questions s’y pressent, les hypothèses s’y bousculent, les notions y sont dévoilées, les définitions s’y déroulent, la compréhension y installe ses quartiers.

Qu’on ne vienne pas, c’est vrai, à ce moment là, nous taper sur l’épaule.

Sur le web, les choses sont bien différentes. Il est possible, mais rare, de s’y plonger dans la lecture continue d’un très long texte. Cependant, nous avons tous fait l’expérience de longues séquences de surf, si longues que des heures ont passé et que la courbature nous guette. Nous sommes plongés, alors, aussi, dans quelque chose, mais sur un mode très différent. Nous naviguons parmi des informations très variées, avec la conscience aigüe et permanente de la concurrence de ces « autres » informations tout autour de celle dont nous sommes en train de prendre connaissance. Mieux, les informations ne sont pas nécessairement concurrentes les unes des autres, mais peuvent parfaitement s’imbriquer, se compléter, et d’un lien hypertexte à un autre notre attention à la fois s’éparpille mais en même temps peut nous permettre de construire du sens, de faire des liens entre différentes informations, voire ajouter des liens dans le réseau parcouru. Et si nous ne plongeons pas vers les mêmes profondeurs, nous plongeons et émergeons, et replongeons, joyeusement, comme des dauphins…

Le bonheur, c’est que ces deux modes de fixation de notre attention coexistent. Mais il n’est pas certain que cela reste le cas très longtemps… et là on va bifurquer vers le précédent article de J.M. Salaün, « génération ou âge connecté ? »
(Voir aussi à propos de l’attention cet article de Piotrr sur Blogo Numéricus.)

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