Pousser l’intelligence hors de chez elle

J’emprunte à Noémi Lefebvre cette citation de Bergson :

« Il est de l’essence du raisonnement de nous enfermer dans le cercle du donné. Mais l’action brise le cercle. Si vous n’aviez jamais vu un homme nager, vous me diriez peut-être que nager est chose impossible, attendu que, pour apprendre à nager, il faudrait commencer par se tenir sur l’eau, et par conséquent savoir nager déjà. Le raisonnement me clouera toujours, en effet, à la terre ferme. Mais si, tout bonnement, je me jette à l’eau sans avoir peur, je me soutiendrai d’abord sur l’eau tant bien que mal et en me débattant contre elle, et peu à peu je m’adapterai à ce nouveau milieu, j’apprendrai à nager (…) Il faut brusquer les choses, et, par un acte de volonté, pousser l’intelligence hors de chez elle ». (Henri Bergson, l’évolution créatrice,1907, Œuvres, PUF, p.658-659)

Je suis revenue vers ce texte  à propos de l’enseignement musical, alors que je préparais une conférence à laquelle je dois participer demain à Educatice sur le thème « Education 2.0 ».

Je n’ai pas l’intention de vous ennuyer avec l’Education 2.0 un jeudi soir, comme ça, après votre journée de travail plus les deux heures de marche à pied + vélo avec changement de vitesse un peu pété + métro serrés comme des sardines (je crois toujours bêtement que tout le monde habite à Paris, je sais c’est énervant…).

Juste cette anecdote : je me suis amusée, pour préparer cette intervention, à reprendre le fameux article de Tim O’Reilly, « qu’est-ce que le web 2.0« – (version en français) et à chercher des équivalents terme à terme des différentes idées énoncées dans l’article, si l’on remplace « Web » par « Education ».

Et puis, à un moment, j’ai buté sur un concept que je ne comprenais pas suffisament bien pour lui trouver un équivalent dans l’univers scolaire. Et j’ai pensé à Christian, que je n’ai jamais vu, mais qui est dans mon agrégateur, dans mes friends, et que c’est comme si je le connaissais ou presque. Et je me suis dit ;  » ça, Christian, il sait surement ». Ni une, ni deux, j’ai envoyé un petit message à Christian via Facebook et j’avais ma réponse en deux minutes, et même une réponse supplémentaire plus précise encore cinq minutes après, et nous avons échangé quelques messages.

En fait, c’est peut-être ça l’Education 2.0…
Voici un coupé / collé de l’échange : Continuer la lecture

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Kindle : les livres électroniques ne se cachent plus

Remarquez : je n’affiche pas de photo du Kindle d’Amazon. Pas de vidéo non plus. Même pas de lien. A moins de ne pas vous connecter une seule fois sur Internet aujourd’hui, vous n’échapperez pas au Kindle, de toute façon.
Je ne commence pas non plus une discussion sur la publication sur liseuse, ou sur la lecture sur liseuse, ou sur les fonctionnalités qu’on attend d’une liseuse. Votre agrégateur bruisse déjà de centaines d’arguments échangés. (Dernière conversation ici.)

Non, j’ai juste envie de m’interroger sur le nom choisi par Amazon pour sa liseuse : « Kindle ».

Francis Pisani ( et Aldus, dans un commentaire de la première version de ce billet auquel manquait cette première définition) nous le rappellent  l’apprennent : Le verbe “to kindle” se traduit par « allumer un feu », « faire éclore un sentiment » ou « attiser un amour ».

Que peut également nous évoquer ce mot ?

kindlesurprise.jpgAvec « kind » pour la gentillesse (notre liseuse ne mord pas, et elle est user friendly, gentille avec l’utilisateur).
« kind » en allemand c’est « enfant » (Das Kind), comme ça on a aussi un petit clin d’oeil aux « digital natives ».

On a vu aussi quelques jeux de mots avec la marque Kinder, celle des fameux oeufs en chocolat contenant des petits jouets à monter (souvenirs cuisants de montages énervés des dits jeux, avec enfant impatient, bouche barbouillée de chocolat, et, plus tard, de petits éléments des jouets kinder une fois brisés meurtrissant la plante des pieds quand dispersés dans chambre d’enfants…)

kindle2.jpg

Bon, et pour le suffixe « le » de « kindle ?
Peut-être des envies de devenir aussi incontournable que…
kindy.jpg

En France, ça nous fait penser aussi à une marque de chaussettes, celles qui ne se cachent plus, mais ça, il peuvent pas tout savoir, chez Amazon, non plus…

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à c’t’âge-là

Les digital natives, ceux pour qui les livres, depuis leur plus tendre enfance, sont des modes d’accès parmi d’autres à la culture, à la connaissance, ou au divertissement, ont avec le livre imprimé une relation bien différente de celle qu’entretiennent les digital immigrants qui, certes, ont connu l’arrivée des objets concurrençant le livre, mais pour qui le livre a longtemps été et reste souvent le lien privilégié avec la culture. Nos (oui, je l’avoue, je suis née un peu pas mal longtemps avant 1985… mais vous pouvez continuer à lire quand même…), nos « heures de lecture » (comme on parlerait des « heures de vol » d’un pilote), ont comme « engrammé » chez nous depuis nos premiers Club des Cinq une relation physique et émotionnelle avec le livre, dont il nous est très difficile de nous dégager.

Je n’observe pas chez les adolescents d’aujourd’hui cette tendresse particulière pour les livres en tant qu’objets, même quand ils sont lecteurs. Depuis leur plus jeune âge, ils passent de l’écran à la page, du grand écran au petit. On les dit « zappeurs » et on a raison, mais ils sont meilleurs zappeurs que nous. Ils tiennent autant, voire plus, aux quelques centaines de morceaux qui passent de l’ordinateur à leur baladeur mp3 qu’aux livres qui commencent à s’aligner sur les rayonnages de leur bibliothèque. Déclarez à un ado que le disque dur familial est fichu, et vous verrez sa réaction… ( Je parle des ados qui vivent du bon côté de la fracture numérique… )

Je n’aime pas tellement les prédictions concernant l’avenir du livre, les discussions sans fin pour décider si les liseuses vont « prendre » ou non… Ce qui est certain, qui n’est pas une prédiction, mais va compter beaucoup dans les années qui viennent, c’est que les comportements de la génération qui arrive à l’âge adulte aujourd’hui sont très différents de ceux de leurs parents : si leur relation au livre imprimé semble beaucoup moins viscérale, on dirait parfois que leur téléphone portable est le prolongement naturel de leur bras, qu’un voyage en voiture sans lecteur mp3 devient à peine envisageable, et qu’une panne d’ADSL est presque aussi grave qu’une panne de chauffage (z ont jamais froid à c’t âge là…).

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Jeff via Joe via Hubert via Clement

Une petite traduction (pour only french readers ou pour les feignants) du court texte cité sur Remolino, extrait d’une interview de Jeff Gomez, l’auteur de « Print is dead », livre découvert par La Feuille. (Ainsi se déploie la bouquinosphère, et elle ondule joliment sur le web… non, vous ne trouvez pas ?)

« Tout d’abord, et principalement, les éditeurs doivent cesser de penser qu’ils sont dans le business du livre. (Les seuls dont le business est le livre sont les imprimeurs). Les éditeurs doivent par contre prendre conscience qu’ils sont dans le business des idées. Et une fois qu’ils se seront mis dans le crâne ces réalités, ils s’apercevront qu’un monde numérique leur offre plus d’opportunités que de limitations, et que le monde de l’électronique n’est pas la fin de l’invention de Gutenberg, mais au contraire sa plus récente amélioration. »

Business des idées ? Pour certains, business est un gros mot. Pour d’autres, le gros mot c’est idées.

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Peter Brantley (O’Reilly Radar) non plus ne croit pas beaucoup aux liseuses…

Il le dit sur le blog des éditions O’Reilly, et je traduis (tant bien que mal) :

 » Peut-être les liseuses Kindle et Sony vont-elles rencontrer le succès; si c’est le cas, je pense que cela risque d’être un succès à court terme, le dernier souffle d’un type de contenu socialement produit (form of socially constructed content), type artificiellement rénové par une présentation sous forme numérique. Malencontreusement, les liseuses existantes ont perdu l’émotion et la sensualité de l’ancien type sans tirer parti des opportunités du nouveau, à la fois du point de vue de l’expérience utilisateur et de son pouvoir d’information et de divertissement. La manière dont nous lisons se transforme tout autant que la nature de ce que nous lisons.

Intrinsèquement, ce qui fera le succès d’un terminal sera son ouverture au hacking et à l’expérimentation – et même si les éditeurs de contenu et les distributeurs n’ont pas tellement envie de l’entendre, c’est bien cela qui créera le marché. »

L’emploi du terme « hacking » me rappelle ce texte récent d’Alain Giffard, et cet autre du même dont j’extrais ces quelques mots, tirés de « Un manifeste hacker » deMcKenzie Wark :

Les hackers sont les bûcherons et les amoureux de l’abstraction. « Nous produisons de nouveaux concepts, de nouvelles perceptions, de nouvelles sensations à partir de données brutes. Quel que soit le code que nous hackons, serait-il langage de programmation, langage poétique, mathématique ou musique, courbes ou couleurs, nous sommes les extracteurs des nouveaux mondes ».

En ce sens, François Bon participerait de cette « hackulturation », tel un « bûcheron de l’abstraction » et son peu d’enthousiasme pour les liseuses se fonderait sur une approche similaire à celle de Brantley.
Mais j’extrapole, probablement. Et si, dans son texte, le terme ne désignait pas les « casseurs de code » dont parle McKenzie Wark, mais plutôt les adeptes du peer to peer, tout au plus casseurs de DRM. En gros, Brantley nous dirait ceci : « le jour où l’on s’inquiétera à propos du téléchargement illégal massif des livres électroniques, c’est que le virage du numérique aura bel et bien été pris ». Je trouve plus poétique mon extrapolation, pas vous ?

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Tiers-livre n’aime pas tellement les liseuses…

…mais a adopté le terme pour désigner les « eBook readers », et cela me ravit. Comme me ravit d’ailleurs cet excellent article de François Bon, et j’aimerais qu’il ne soit pas déjà 00.45 sur l’horloge de mon mac pour le commenter ce soir plus longuement.

Juste une précision, teXtes est tout à fait « agnostique » en ce qui concerne les liseuses, que je ne cherche ni à promouvoir particulièrement ni à dénigrer systématiquement. Comme vous (non, pas vous ? ) je m’interroge à leur sujet. Par contre, l’idée m’est tôt venue de proposer l’emploi du terme liseuse : si, de temps en temps, on ne décide pas de féminiser un peu les mots désignant des objets issus des nouvelles technologies, les ingénieurs, encore malheureusement rarement des ingénieures, ne le feront pas spontanément. Une sorte de discrimation positive pour les substantifs féminins…

Livre imprimé, ordinateur portable, téléphone mobile, liseuse, PDA, ONEI, (Objet Non Encore Inventé) : quel support de lecture sera le grand vainqueur ? La question pourrait génèrer un suspens façon Star Ac’ (chaque semaine, il y aurait un « device » qui sortirait, désolé, vous ne faites pas l’affaire, les autres sont meilleurs que vous, la lisibilité n’est pas mal mais l’ergonomie nous a vraiment déçus, nous autres, au niveau du jury, pas vraiment assez pro, si vous êtes pour le iPhone vous tapez 2712 mais si vous soutenez le Cybook vous tapez 2714, au revoir, on l’applaudit bien fort…).

Je trouve tout à fait passionnante la réflexion de François Bon sur le devenir de la littérature, qu’il dissocie a juste titre me semble-t-il du devenir de l’édition ou de la chaîne du livre. Parce que même si, que ce soit en volume ou en chiffre d’affaires, la littérature ne représente pas la part la plus importante de l’édition, loin de là, c’est toujours à partir de la littérature que l’on s’interroge réellement sur l’avenir du livre. Parce que la mesure, pour la littérature, ce n’est pas le volume ou le chiffre d’affaires, même si ni l’un ni l’autre ne sont indifférents. Je lisais il y a peu les mémoires de Jim Harrison, dont les ambitions d’écrivain se limitent, dit-il, à ce que tous ses livres demeurent disponibles en librairie jusqu’à la fin de sa vie, ce qui est encore le cas pour le moment, à son grand bonheur… il nous met sur la piste de l’instrument de mesure, en ce qui concerne la littérature. En tant que lectrice, j’aimerais que la longévité de ses livres aille au delà de ses espérances. C’est cet « au delà » d’une vie d’homme qui me semble pertinent pour s’interroger sur le devenir du livre. Et le web 2.0, tellement ancré sur le « moi » (mon yahoo, mon profil, mon compte, mes préférences), est certes porteur d’un « nous », mais ne cesse d’en revenir au moi, à l’individu se référant principalement à lui même, dans un éternel présent. Echappent à ce mouvement justement les sites traitant de littérature (et bien d’autres aussi, bien sûr), et je renvoie pour découvrir ces sites aux liens nombreux sur tiers-livre.
Bon, c’est malin, mon ordinateur indique maintenant une heure tout à fait déraisonnable : allez plutôt lire l’article, et dites-moi vite ce que vous en pensez…

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iPhone: the ultimate eBook dream ?

A l’occasion du lancement, aujourd’hui, de l’iPhone au Royaume Uni, deux citations glanées sur le web anglophone (traductions maison) :

Lu sur PersonaNonData

HarperCollins présente (depuis l’été dernier) une application qui rend possible la lecture d’extraits de certains de ses livres sur iPhone. C’est le premier accord passé entre un éditeur et Apple pour ce type de contenu, et les extraits seront disponibles pour une lecture sur iPhone ou iTouch par l’intérmédiaire du navigateur Safari ou de la nouvelle application web d’Apple. Non seulement les possesseurs d’iPhone pourront lire des extraits, mais ils pourront également écouter des interviews d’auteurs. Apple a déclaré n’avoir pas l’intention d’étendre cet accord à d’autres éditeurs, (même si cela sonne plutôt comme un « aucun autre ne nous l’a demandé pour le moment »)

Et sur BookSeller.com

L’iPhone est vendu £269 (soit 384 €), et Apple espère en vendre 200 000 au Royaume Uni d’ici Noël. Mis en vente en Juin aux Etats-Unis, plus d’un million d’unités ont été vendues en 2 mois.

Il me semble qu’on a déjà discuté de ça sur teXtes, non ?

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Faites vous-même votre livre de cuisine

Le site d’impression à la demande SharedBook et le site de recettes de cuisines Allrecipes.com se sont associés pour permettre aux amateurs de cuisine de rassembler leurs recettes préférées et d’en faire un livre, directement sur le site Allrecipes.com. L’application se nomme create-a-cook-book. Vous sélectionnez vos recettes, un type de couverture, vous saisissez une dédicace, et votre livre se crée automatiquement. Il ne reste plus qu’à en commander le nombre d’exemplaires désirés, qui une fois imprimés vous parviendront à domicile… Ensuite, vous pourrez utiliser à loisir votre livre, et tacher progressivement les pages pâtisserie avec de l’oeuf, les pages salade avec de l’huile, et les pages crudités avec du jus de betterave. Car tel est le destin des bons livres de cuisine. (via PersonaNonData)

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deux point zéro

Avec les applications 2.0, je me demande si le concept de « back office » n’en a pas pris un petit coup. C’est l’article que publie Christian Fauré aujourd’hui qui me fait penser à ça. Il y reprend sa définition très ramassée du web 2.0 :

« Une application Web 2.0 est un formulaire de saisie en ligne proposant des services adossés aux contenus saisis par les particuliers.”

Prenons FlickR ou Facebook : pour publier sur ces sites, nul besoin de passer dans l’arrière-cuisine : non, c’est une cuisine à l’américaine, ouverte sur le salon, et c’est dans la même pièce qu’on met les casseroles sur le feu, qu’on débouche la bouteille, qu’on s’assoit sur le canapé et qu’on mange les rondelles de saucisson… C’est dans le même espace qu’on saisit de l’information et que l’on consulte l’information, il n’y a pas de rupture.

Ce n’est pas vrai pour toutes les applications (il y a bien un espace d’administration, distinct de l’espace public, sur les plate-formes de blog par exemple, et celles-ci font partie intégrante des applis emblématiques du web 2.0). Continuer la lecture

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Lire sur une liseuse ?

Je cause, je cause, et je n’en ai toujours réellement expérimentée aucune, de ces petites machines ultra-légères, qui permettent de lire sur du papier électronique l’un des nombreux ouvrages qu’elles peuvent stocker. Essayée, oui. Soupesée, aussi : super légère, je confirme. L’écran : rien à voir avec l’écran d’un PDA ou d’un portable : plus mat, pas brillant, lisible en plein soleil. Pas la même technologie du tout. C’est du papier électronique, et pas un écran plat. J’ai choisi un titre, affiché une image (en niveau de gris pour l’instant), tourné les pages, elles tournent plus vite sur le Cybook Gen3 que sur l’Iliad.
Une petite machine dont le format pourrait freiner l’éditeur scolaire (pourtant encouragé par son ministre) : allez-donc afficher là-dessus un manuel d’histoire initialement conçu en couleurs dans un format deux fois supérieur, quatre fois si on prend en compte le fait que l’unité de conception du manuel scolaire est souvent la double-page…

Mais une petite machine qui me permettra de glisser dans mon sac Une saison en enfer, des foules intelligentes, tout comme les mutations du livre à l’heure d’Internet, mais aussi cet article du blog d’Alain Giffard que je me promettais de lire depuis longtemps…

La liseuse de Bookeen vient enfin de sortir, c’est sur le blog d’Irène que je l’ai appris aujourd’hui : le très attendu Cybook Gen3, que j’ai brièvement manipulé (essayé, soupesé…) cet été.
Pour en savoir plus allez sur le blog d’Aldus, ou sur celui de Lorenzo Soccavo, qui suivent cela de bien plus près que moi.

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