fracture numérique

Deux témoignages me frappent lors du forum « Pour une nouvelle dynamique de la chaîne du livre », cet après-midi à la SGDL. Un peu en marge du débat qu’il modère, Pierre Assouline indique que depuis deux ans à peu près, à Sciences Po où il enseigne, il n’a plus en face de lui les visages de ses étudiants, mais une forêt de capots d’ordinateurs. Tous ses étudiants sans exception sont équipés, et prennent directement des notes sur leur portable. A peine a-t-il fini de poser une question qu’ils googueulisent immédiatement ses termes pour fournir la réponse trouvée dans Wikipedia.

Dans l’assistance, Benjamin Renaud,  enseignant-chercheur en musicologie tient à préciser qu’à Paris VIII, il a toujours bien en face de lui des visages : ses étudiants ne sont pas équipés. Rue St Guillaume / St Denis : la fracture numérique se confond avec le Boulevard Périphérique, mais ça, on s’en doutait un peu.

La deuxième fracture numérique est moins visible : elle se situe, parmi les étudiants équipés, entre ceux qui vont accéder rapidement à quelques notions leur permettant d’utiliser à meilleur escient des (et non pas un) moteurs de recherche, et d’accéder au Web au delà des trois premiers résultats ramenés par Google… Souhaitons que ceux de Paris VIII puissent rapidement et simultannément réduire ces deux fractures : celle de l’équipement, et celle de la connaissance.

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le corps-livre

f_bon-arsenal1.jpgLe mur blanc, le son de la voix, le corps de celui qui parle, agité parfois un peu, le pied qui tape, la main qui s’élève. Le texte est inscrit sur des feuilles de papier, il tient les feuilles à la main, il lit le texte inscrit sur les feuilles. Il choisit entre quels mots poser la suspension de la respiration, le texte respire, il respire la peur.
Sans images. Juste le corps qui se détache devant le mur. Juste la voix qui porte la force des mots. Juste nos corps autour, immobiles, à l’écoute.

La voix monte, habitée : il faut, pour mobiliser notre chétive attention, il faut que la voix tende et retende sans cesse le fil, il faut le rythme dans l’intonation et l’énergie du corps entier qui dit le texte, pour que nous écoutions encore et encore.

La lecture va s’achever, il jette les feuillets et n’en garde qu’un seul à la main, le dernier, il lit la fin du texte et sitôt jeté le dernier mot se détend et sourit.

Ce serait l’envers indispensable de l’ASCII, des microformats, des widgets, des blogs, des bibliothèques virtuelles, des podcasts : la rencontre, la présence, le petit nombre, le regard, le renoncement provisoire à l’ubiquité, au contraire, le choix d’être là et pas ailleurs, son choix à lui d’auteur qui dit lui-même son texte ce jour là à cet endroit là, notre choix à nous qui venons l’écouter, du temps dédié à une seule voix, à un instant singulier de poésie.

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« books by the greats, blogged by you »

Comment traduire en conservant l’assonnance ? « Ecrits par les plus grands, blogués par vous », sauf qu’en français on n’utilise pas le terme bloguer dans ce sens, avec un complément d’objet direct. Pour nous, bloguer, c’est « tenir un blog ». C’est encore tout un événement, finalement, pas besoin d’objet direct, on n’en est pas encore à préciser ce dont on parle, le fait d’en parler sur un blog constitue encore le fait essentiel. Donc,  on dirait plutôt : « Ecrits par les plus grands, commentés par vous ». C’est la « baseline » (mmm… le slogan ?) choisie par Penguin pour le blog qu’ils ont ouvert permettant à tout un chacun de déposer des commentaires sur les ouvrages de sa collection de classiques en livre de poche.

PersonaNonData critique ainsi ce site (traduction maison) :

« Il a ouvert il y a quelques mois mais pour l’instant cette expérimentation intéressante ressemble à un site sur lequel les lecteurs soumettraient des critiques d’ouvrages. Quelques commentaires sont parfois attachés aux critiques, mais le site semble échouer à capturer l’esprit et la spontanéité que le « blogging » pourrait engendrer. Le blogging peut être anarchique, et ce que l’on pourrait s’attendre à voir sur ce projet c’est : quelqu’un démarrant une conversation ou une interaction à partir d’un livre qu’il a lu. Ce qu’il a ressenti, ce qu’il n’a pas compris, ce qui s’est passé le jour où il l’a lu et qui restera attadché au souvenir de ce livre… .
Je pense que Penguin devrait se dégrafer un peu… »

C’est vrai. en même temps, j’ai envie de donner un coup de chapeau aux concepteurs du site, d’une grande clarté et simplicité d’utilisation. Les commentaires n’ont pas ce ton très vivant de ceux que l’on trouve sur les vrais blogs écrits par des vrais gens, ni sur Library Thing… Est-ce parce qu’ils sont en réalité alimentés par des « faux gens », soit des gens de chez Penguin ? Est-ce parce que les commentaires ayant un ton trop relâché où comportant des notations personnelles sont filtrés ? On aimerait en savoir plus. Ce type de site relance toutes les questions que le web2.0 nous pose de la manière la plus insistante, concernant l’autorité (au sens de « faire autorité »), la position d’auteur, l’intelligence collective, le contenu généré par les utilisateurs…

Et vous, qu’en pensez-vous ?

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Free Burma

free_burma_06.jpg
Liberté pour la Birmanie. –

Free Burma! Рjourn̩e internationale des blogueurs pour la Birmanie.
http://www2.free-burma.org/index.php#join

Rien d’autre aujourd’hui.

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Amazon, la référence ?

Ce matin, mon agrégateur voit double, et en plus, il est bilingue… Je trouve pratiquement la même formulation dans deux articles, l’un en anglais , l’autre en français. Ils ne parlent pas du même site, aussi il ne s’agit évidemment pas de citation ou de la propagation d’une même info. C’est cela qui attire mon attention.
La Feuille commente en ces termes la nouvelle version du site de La Fnac : « Intéressant les flux RSS de la Fnac (par Genre et par Nouveautés ou Coups de coeur des libraires).
On est encore loin de ce que propose Amazon, mais bon. »

Read/Write Web titre : Barnes & Noble .com Re-Designed : Adds some Web 2.0 Elements, But Still Far Behind Amazon.com.

« On est encore loin de ce que propose Amazon », « But Still Far Behind Amazon.com »… Décidément, Amazon demeure une référence forte en ce qui concerne l’innovation dans la mise en ligne et l’animation d’un catalogue de livres. Si je me suis parfois divertie de quelque prescription automatique non pertinente de ce site, j’avoue que j’ai passé de longs moments, lorsque je devais moi-même concevoir des interfaces pour des sites d’éditeurs, à observer et décortiquer le site d’Amazon. Les designers peuvent faire la grimace (lorsque je le montre à des étudiants, ils prennent leur air ennuyé et patient avec la prof) : ce site qui n’est pas sans défaut, est réellement « centré utilisateur » et surtout se réinvente en permanence, ajoutant régulièrement des fonctionnalités, des services, qui tous font preuve d’une capacité importante à proposer des usages qui sont autant de valeur ajoutée pour l’utilisateur. Maintenant, en ce qui concerne le livre, je regarde aussi du côté de Library Thing et de quelques autres.
Comme si certains avaient compris et intégré avant les autres, mais également plus profondément, les changements induits par la généralisation des accès internet et l’augmentation de la puissance des machines grand public, quelles qu’elles soient. Le changement de paradigme que Jeremy Rifkin décrit comme le passage de l’âge de la propriété à celui de l’accès a été intégré et comme « digéré » par certains, alors qu’il fait tout doucement son chemin ailleurs. Tout doucement…

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CommentPress, par The Institute of The Future of The Book

The Institute of the Future of the Book (dont if:book est le blog) a développé un thème pour WordPress qui est surtout une interface tout à fait originale d’ajout de commentaires. CommentPress permet d’ajouter des commentaires contextuels à un paragraphe et non à un article entier.

En observant les exemples d’utilisation de ce principe, on découvre qu’il ne s’agit pas seulement d’un mode de présentation parmi d’autres des commentaires sur un blog. Le simple fait d’accrocher ces commentaires à un bloc de texte et non au texte entier offre des possibilités qui apparentent le système plus à véritable système d’annotation, qui peut être collectif. Du commentaire à l’annotation, de l’annotation à la conversation : les usages pédagogiques de CommentPress sont évidents, et particulièrement mis en avant par ses inventeurs. Ici, une édition de l’Enfer de Dante (traduction de Longfellow), annotée lors d’un séminaire au Pacific Northwest College of Art.

Lecture et écriture semblent se rapprocher toujours un peu plus. On rêve à des usages ludiques, créatifs, poétiques de tels dispositifs, à des textes à plusieurs voix, à des écritures polyphoniques et asynchrones.

On aimerait avoir en France un « Institut du futur du livre… », Hélène Clémente et Isabelle Aveline en parlaient à la soirée Bouquinosphère. L’idée d’une sorte d’Ircam de la littérature était déjà lancée par Isabelle et discutée en mai dernier sur La Feuille. Ircam littéraire ? Oui ! Mais qui sera son Pierre Boulez ?

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Hier soir, j’ai dîné avec mon agrégateur…

– Avec qui ? Je le connais ?
– Avec mon a-gré-ga-teur. Tu sais, mon agrégateur de fils RSS. Ce truc qui me permet d’accéder sur une seule page aux derniers billets écrits dans tous les sites ou blogs que j’aime lire.
– Et t’as dîné avec…

En fait, ce n’est pas moi qui ai eu cette idée. Je crois que c’est Hervé, dit Aldus, qui a déclaré soudain hier soir à table : « J’ai l’impression de dîner avec mon agrégateur », et c’est vrai que toutes les personnes assises autour de la table avaient un URL, que toutes avaient un jour commenté sur le blog de l’un ou de l’autre, tous avaient échangé des liens, des idées, des questions.

De même pour les nombreux participants de la seconde Bouquinosphère, réunis à la librairie du Merle Moqueur, blogueurs pour la plupart, qui se sont prêtés au rituel (au bout de deux fois, on va dire que ça devient rituel…) des présentations : mon nom, le titre de mon blog. Tiens, c’est lui, l’idiot du village… Et eux, c’est Babelio. Et qui a amené son grand fils ? Tais-toi ! C’est le fondateur de Scribeos, et il est venu tout seul, tout comme il a développé son site tout seul…

Plus un blog est connu, plus la présentation est brève. Hubert dit :  » Hubert, La Feuille« . Normal. La Feuille, quoi. Pareil pour Bibliobsession, Zazieweb, pas besoin d’expliquer. ISBN arrive trop tard pour les présentations, pas grave, on se connaît déjà, dommage qu’on ne s’entende pas avec la musique trop forte dans le café où tout le monde a migré après la fermeture de la librairie.
Comme en juin dernier, certains ont apporté des livrels, (liseuses ? lecteurs eBook ?). Grosse concentration de Cybooks, cette fois-ci, et la soirée tourne à la bookeenosphère

J’aimerais avoir le temps de citer tous ceux qui étaient là. Au lieu de ça, un petit signe à ceux qui n’ont pas pu venir, et qui nous ont manqué, bien sûr. La prochaine fois ?

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Un pour moi, un pour toi

La vente des ordinateurs à 100 dollars au grand public est sur le point de commencer. Comme le signale aujourd’hui BBC World, les ordinateurs issus de l’opération « one laptop per child » seront accessibles selon le principe G1G1 (get one give one) : Pour 399$, vous achetez deux ordinateurs (on voit que l’objectif de 100 $ par machine n’a pas été atteint pour le moment). L’un est pour vous, l’autre est envoyé à un enfant d’un pays en voie de développement. Pour l’instant, l’offre est réservée aux résidents des Etats-Unis. Les machines concernées sont robustes, dotées d’un OS original : j’ai eu l’occasion d’en manipuler une, et j’aurais aimer la garder… Mais non, si tu en veux une, Virginie, il va falloir attendre que l’offre soit dispo en France, et puis sortir ta carte bleue…

(Plus de détail ici, et, encore une fois, merci à Alain Pierrot qui m’a signalé l’info par mail.)

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précurseur

Son commentaire sur un post précédent me conduit sur le site publié par Thibaud Saintin, enseignant en lettres, qui faisait en 1998 ce dont nous discutions à la non-conférence Education 2.0 samedi dernier. Le site vaut vraiment le détour.

Extrait de sa page d’introduction :

Mise en ligne commentée de textes écrits en classe au cours de séances d’ateliers d’écriture : premiers pas sur Internet en 1998, à l’heure où l’interactivité s’inventait encore, où l’idée du blog et des « commentaires » immédiatement publiés n’avait pas encore fait son chemin – l’idée du « retour » sur un texte imposait alors un email.

A cette époque, il était vraiment nécessaire de s’y mettre sérieusement pour publier un site comme celui-ci. Aujourd’hui, c’est vraiment techniquement à la portée de la plupart des gens : il n’est plus du tout nécessaire de connaître le html ou de posséder un logiciel particulier. Je ne dis pas, à la portée de tous, car c’est faux. Pour ceux, nombreux, qui n’ont de l’ordinateur que l’expérience de Word, et du web que ce que leur propose la page d’accueil par défaut de leur fournisseur d’accès, ouvrir un blog demeure une aventure stressante.

Aujourd’hui, Thibaud utilise le blog avec ses élèves.
En dehors des considérations techniques (marre parfois aussi de la technique, tiens), la lecture du site de Thibaud est tout à fait intéressante et… encourageante. Autre extrait :

Essayer de rendre palpable, même en classe de français, où les petites cases sont attendues, que « parler n’est pas communiquer. Parler n’est pas s’échanger et troquer – des idées, des objets –, parler n’est pas s’exprimer, désigner, tendre une tête bavarde vers les choses, doubler le monde d’un écho, d’une ombre parlée ; parler c’est d’abord ouvrir la bouche et attaquer le monde avec, savoir mordre. Le monde est par nous troué, mis à l’envers, changé en parlant. » (Novarina, Devant la parole).

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iPhone : « prenez-en de la graine »

La feuille signale le blog d’Hélène Marcy, qui teste l’Iliad/les Echos. Pour rebondir sur les propos rapportés par Hubert, cette citation extraite du blog de l’éditeur Joe Wikert. Celui-ci exhorte les fabricants de lecteurs d’eBooks à s’inspirer du succès de l’iPhone, qui s’est littéralement arraché, malgré un prix de vente élevé, si élevé que la firme Apple l’a baissé de 200 dollars au bout de quelques semaines, proposant même aux « early adopters » quelque peu fâchés un avoir de 100 dollars sur ses produits.

« Que doit faire un fabricant de lecteurs d’eBooks pour changer la donne ? D’abord, qui peut supporter un écran noir et blanc ? Je suis certain que personne n’achète plus d’écrans noir et blanc de nos jours, alors s’il vous plaît, pourrions nous disposer de lecteurs d’ebook en couleur ?
Cela va augmenter le prix, dites-vous. Absolument. Et, bien que dans le passé j’ai plaidé pour une baisse des prix pour atteindre un marché de masse, je révise mon opinion après l’expérience iPhone.

Ajoutez la couleur et ne lésinez pas sur les fonctionnalités. Donnez-en tellement à vos clients qu’ils seront prêts à faire la queue pour elles. (…)

Allez de l’avant et faites de votre lecteur d’eBook un objet si riche en fonctionnalités qu’il sera irrésistible. Créez un objet sur lequel les utilisateurs précoces se précipiteront, même s’il est coûteux au moment de son lancement. Ensuite,trouvez des économies d’échelle et des fournisseurs de composants qui vous permettront de réduire vos prix progressivement. Même si vous devez perdre de l’argent sur chaque unité vendue, utiliser le modèle des lames de rasoir ou des consoles de jeu : imaginez que vous gagnerez de l’argent en vendant de l’accès à plus de contenu. Notez bien que j’emploie le terme « contenu » et non « livre » : faites en sorte que votre lecteur aie toute la connectivité nécessaire pour autoriser les clients à télécharger les derniers journaux, magazines etc., chez eux comme dans un aéroport… « 

Je ne suis pas certaine que le passage à la couleur soit uniquement une question de prix : la technologie e-paper en couleur est-elle déjà disponible pour une production en masse, ou en est-elle encore au stade du laboratoire ? Alain, Hadrien, Lorenzo, Hervé, quelqu’un, éclairez-nous ! Mais à ce détail près, on a envie d’applaudir Wikert. Non pour espérer des prix élevés, bien sûr, mais pour dire : faites-nous un produit dont nous aurons tous terriblement envie.

Un produit dont nous dirons, comme je l’ai entendu dire cette semaine à propos du iPhone : « Il sort à la fin de l’année, j’ai déjà prévenu mon entourage. Ils n’ont qu’à se grouper, à autant qu’ils veulent. C’est ça que je veux pour Noël. »

Moi aussi, d’abord.

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