J’emprunte à André Schiffrin le titre de l’un des livres qu’il a écrits, après en avoir publié de très nombreux, pour vous encourager à aller lire l’article de Clément Laberge intitulé : « Avec Internet on n’a plus besoin d’éditeurs! ». Derrière ce titre un brin provocateur , l’auteur, directeur du développement numérique d’un groupe d’édition, adopte une forme qui, du point de vue pédagogique, a fait ses preuves : Il nous invite chez lui, un dimanche matin, pour l’écouter parler avec ses enfants de son travail :
— Alors ton travail c’est d’aider les éditeurs à faire des livres sur Internet?, demande Capucine, comme pour vérifier qu’elle comprend toujours où j’en suis dans ma réponse à sa question.
— On peut dire ça. Sauf qu’un livre sur Internet, ça ne ressemble pas toujours à un livre. Bien sûr, c’est fait avec des idées, des mots et des images, mais cela peut aussi contenir des sons, des vidéos, des activités comme celles de certains de vos jeux vidéos. Transformé pour Internet, un manuel scolaire pourrait prendre bien d’autres formes, et peut-être même inclure des moyens de communiquer avec d’autres gens qui apprennent en même temps que nous, ou faire des projets avec d’autres classes ailleurs en France ou ailleurs dans le monde. On peut penser, par exemple, que les enseignants et les élèves pourraient transformer les manuels scolaires pour les adapter à leur goût, ou pour qu’ils s’adaptent à leurs difficultés.
— Et pourquoi on n’en a pas dans notre école de livres comme ça? demande Étienne, grand amateur de jeux vidéo.
— Eh bien justement, imaginez-vous donc que les éditeurs sont encore tout juste en train d’apprendre comment on peut faire des livres de ce genre, on ne le sait pas trop encore. Je les aide à le faire, mais c’est encore un peu compliqué…
Voyez la suite, (ou : « quand, resté seul, l’auteur se plonge dans la réflexion… »), et dans les commentaires, celui de Laurent Capéraà . Je partage son avis sur quelques points. Comme lui, j’ai constaté que très nombreux sont encore les gens qui s’imaginent qu’une bonne formation à Photoshop permet de faire une bonne image, une bonne formation à Flash permet de faire une bonne animation etc. On aime toujours la magie, on a envie que les outils soient magiques, que l’appareil photo nous transforme en photographe (ou le robot ménager en cuisinère… j’ai essayé, ça ne marche pas…).
Laurent et Clément se rejoignent sur un point : il faut du temps. Il faut du temps pour apprendre et transmettre. L’école s’inscrit dans ce temps long de l’enfant qui grandit, de l’ado qui se construit. Alors que le web et les nouvelles technologies s’inscrivent dans un temps nié, dans une vitesse hallucinante : des projets se montent en quelques semaines, les matériels sont caducs avant qu’on ait pu finir de les payer, et dans les entreprises on se demande où est passé quelqu’un qui n’a pas répondu à un e-mail dans le quart d’heure qui suit son envoi. Le web est probablement encore largement animé d’une part par des gens dont le web est le métier, d’autre part par des jeunes dits « digitals natives ». Pour les autres, qui forment la majorité, ce temps du web est dérangeant, trop rapide : il les bouscule, il est anxiogène. C’est en acceptant cela que l’on pourra le mieux accompagner le changement, et non en utilisant des incantations du type « c’est facile, on peut tout faire, c’est super simple… »
Ce n’est ni facile, ni simple. C’est intéressant, ça s’apprend. Et ensuite, ça devient facile. Quand on a appris. Quand on comprend. Quand on maîtrise un peu. Quand on est devenu un « good enough user ». Elle est pas jolie cette petite formule en anglais pour conclure mon post article ?