Du spam sur les étagères d’Amazon

Vous détestez le spam. Vous avez appris, lorsque vous cherchez une information sur Google à détecter d’un coup d’œil dans la liste de résultats les « faux sites » des vrais. Vous vous êtes fait prendre une fois ou deux, puis vous avez mémorisé les URL à bannir, et les signes qui annoncent un site sans véritable contenu. Vous avez compris depuis longtemps qu’il existe quantité de sites sans auteurs, qui se contentent d’agréger sans objectif de service du texte aspiré ici et là, uniquement en fonction des requêtes les plus fréquentes, afin d’attirer l’internaute, peu importe s’il ne trouve pas de réponse sur le faux site, il a cliqué, il est venu, le compteur tourne, le nombre de visiteurs uniques augmente, le page rank grimpe, et voilà, le tour est joué.

Google vous donne un coup de main, modifiant son algorithme deux fois coup sur coup, une fois pour pénaliser dans ses résultats les sites produits par des fermes de contenu, réalisés par des volontaires sous-payés recrutés pour écrire le plus vite possible sur n’importe quel sujet, une autre pour pénaliser les « scraper websites », qui ne contiennent aucun contenu original.

Vous avez en tête les déclarations maintes fois entendues, qui diabolisent le web et ce qui s’y écrit, les dangers d’un lieu non régulé, où tout un chacun peut publier.  Alors que les livres, disent souvent les mêmes personnes, sont infiniment plus dignes de confiance : les auteurs sont sélectionnés, leurs textes sont relus, l’éditeur veille sur la qualité du fond et de la forme.

Mais, alors que vous avez appris à trier vous même les résultats de votre moteur de recherche, et à trouver les pépites parmi les cailloux sans intérêt, alors que Google vous aide désormais en veillant à reléguer loin dans son classement les sites sans intérêt, voici que les spammeurs ont trouvé une autre cible : les ebooks.


Vous vous souvenez de Jack Nicholson dans Shining, tapant sans fin sur sa machine à écrire la phrase « All work and no play makes Jack a dull boy » ?  Le personnage du film pourrait aujourd’hui sans problème (pour peu qu’il y ait du réseau dans son hôtel perdu dans la montagne) publier un livre composé uniquement de cette phrase répétée sur 500 pages. Il aurait facilement transformé le fichier en EPUB, puis mis en vente ce fichier dans la section ebooks d’Amazon. Je ne dis pas qu’il aurait pu l’y laisser très longtemps, ni qu’il en aurait vendu des quantités, mais l’essai a été tenté par Mike Essex, un spécialiste de la recherche en ligne de l’agence britannique de marketing numérique Impact Media. Il a copié puis collé des centaines de fois les paroles d’une chanson, en a fait un fichier numérique qu’il a publié sur Amazon, et a attendu. Rien. Rien n’est mis en place pour détecter un faux livre de ce type. Bien sûr, personne d’autre ne s’amuse à publier exactement ce type de faux livres, mais il en existe bien d’autres, fabriqués à partir de texte aspiré sur le web, ou bien reprenant sans aucun effort éditorial particulier des ouvrages du domaine public. Faites l’expérience : tapez « Manuel Ortiz Braschi » dans le moteur de recherche d’Amazon US. Cet « auteur » a 3090 ebooks à son actif  à l’heure où j’écris , vendus le plus souvent 3,44 $…

Les quelques commentaires montrent le désarroi des acheteurs qui se font piéger, mais hésitent à se mobiliser pour une dépense de 3,44 $, et il est probable que la personne qui se cache derrière ce nom et perçoit 70% du prix de vente doit tirer un revenu régulier de ces centaines de titres.

Essex plaide pour la mise en place d’un minimum de contrôle de la part des plateformes de livres numériques, afin de détecter les « faux livres ». Amazon, très attaché à l’expérience utilisateur, devra apporter une réponse, avant que les spammeurs du livre numérique ne se multiplient, et encombrent les étagères virtuelles, noyant des livres de valeur parmi une masse de pseudo livres.

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De la page à l’écran

Je reprends ici, avec quelques coupes, le texte dont je me suis servi hier pour introduire les Assises professionnelles de l’édition, qui se tenaient au Salon du Livre et qui avaient pour thème : le livre illustré, de la page à l’écran.

Je voudrais aussi attirer l’attention sur ce billet d’Olivier Ertzscheid, qui a un drôle de titre, dont je n’aime pas du tout la première partie (on n’en peut plus des « de quoi [truc] est il le nom? »Â  et adore la seconde, cette très jolie idée d' »enluminure du code »…  Vous ne trouverez probablement que peu de parentés entre la réflexion très articulée d’Olivier et la tentative de mise à plat assez factuelle qui suit, et pourtant il y a bien une relation, car ce qu’on met derrière le mot « page » est au cÅ“ur,  je crois,  de l’évolution des métiers de l’édition.

Le numérique, ça concerne des éditeurs de toutes sortes…
Les débats autour du livre numérique ont tendance à se focaliser sur la littérature générale, et le plus souvent sur des publications comportant principalement du texte. Cela s’explique par le fait que la littérature générale est le secteur le plus emblématique de l’édition. Le sens commun associe bien souvent le métier d’éditeur à celui d’éditeur de littérature.

C’est aussi parce que les premiers terminaux de lecture mobile à se généraliser  ont été, après les assistants personnels du tout début,  soit des liseuses,  soit des smartphones. La technologie des liseuses, utilisant l’encre électronique, offre un confort de lecture certain pour le texte, mais leur écran prive les images de couleur, alors que le smartphone qui restitue la couleur enferme l’image dans un écran de dimension réduite.

L’arrivée des tablettes tactiles change la donne : la consultation de contenus sur un écran de taille raisonnable ouvre la voie à la lecture / consultation de livres dans lesquels l’image sous toute ses formes est partie intégrante du contenu éditorial. Cette expérience était jusqu’à présent limitée aux lectures s’effectuant devant l’écran d’un ordinateur. Elle peut désormais s’étendre aux lectures nomades, aux lectures en position détendue.

Les tablettes ne sont pas seulement des outils qui rendent agréable la consultation d’ouvrages richement illustrés. Elles permettent également la consultation d’éléments audio-visuels et l’ajout de séquences interactives. Elles autorisent des modes de navigation à travers un contenu éditorial qui s’affranchit progressivement de l’imitation du livre imprimé.

À ces dispositifs de lecture, il faut en ajouter un, qui s’installe progressivement dans les salles de classe, le tableau blanc interactif, qui a en commun avec les tablettes sa dimension tactile. Le tableau blanc interactif n’est pas une surface passive sur laquelle vient s’agrandir l’image affichée sur l’écran d’un PC. L’enseignant ou l’élève interagit directement à l’écran avec les éléments affichés.

Livres scolaires, livres pratiques, beaux livres, albums jeunesse, documentaires, les productions de tous les secteurs éditoriaux sont aujourd’hui susceptibles d’être feuilletés, lus, examinés, parcourus, regardés, consultés sur des terminaux électroniques.

Livres enrichis ou augmentés et applications
Tous ces dispositifs ouvrent aux auteurs et aux éditeurs un champ de possibilités qu’ils commencent à explorer, et ces explorations s’effectuent aujourd’hui selon deux axes distincts : d’une part, celui des livres numériques dits enrichis ou augmentés, d’autre part, celui des applications.

Les livres numériques enrichis ou augmentés demeurent dans l’univers du livre. Ils continuent de proposer une expérience de lecture héritée du monde de l’imprimé, et font voisiner, sur des écrans qui persistent à  simuler une page, textes et images fixes avec des sons, des images animées, des vidéos. Ils demeurent aussi dans cet univers par leur format, généralement le format EPUB dont la prochaine version autorisera des publications plus complexes que la version actuelle, ainsi que par leur mode de commercialisation via les librairies en ligne.

Les applications, elles, s’éloignent de cet univers. À l’écart des librairies en ligne, elles sont disponibles sur les « app stores » (apparemment, Apple ne considère pas qu’il s’agit là d’un nom commun puisque la firme poursuit Amazon qui souhaite l’utiliser….) et elles s’y mêlent avec quantité d’autres contenus, jeux, services, outils. Même si elles peuvent proposer du texte, elles présentent des fonctionnalités et offrent des services qui les éloignent du monde traditionnel du livre imprimé.

Concevoir une application, c’est abandonner des réflexes de conception articulés autour du chemin de fer et de la double-page. C’est penser l’écran comme une surface active susceptible de convoquer différents contenus selon des règles à inventer. C’est découvrir ce que permet le code et imaginer ce que l’on va pouvoir lui demander. C’est apprivoiser l’ergonomie, les concepts d’interface et de navigation. C’est découvrir la puissance des bases de données, réfléchir aux modes pertinents d’interaction avec l’utilisateur. C’est aussi, en permanence, centrer la conception autour de l’utilisateur, tester et tester encore chaque idée, pour réussir à produire des applications agréables et faciles à utiliser.

Nouveaux défis pour les éditeurs
En s’éloignant ainsi du monde de l’imprimé, l’éditeur entre en compétition avec d’autres acteurs désireux de capter l’attention du public, parfois le même public, parfois  sur des thématiques identiques. Dans certains cas, l’éditeur est aussi en compétition avec des produits constitués par du contenu généré par les utilisateurs. Cette situation est la conséquence de la généralisation des usages du web, qui bouleverse en profondeur la relation de ses utilisateurs avec l’ensemble des médias. Cette production immense de contenus, ce flux incessant de textes, d’images, de vidéos, partagés sur les blogs et les réseaux sociaux est à la fois perturbante et stimulante.

Perturbante, car en mettant à la portée de chacun le geste de publication autrefois réservé aux professionnels, elle fait vaciller les prérogatives anciennes de nombreux acteurs du monde de l’information et de la création, journalistes, auteurs, éditeurs, photographes.

Stimulante, car elle dessine de nouvelles configurations, de nouveaux modes de repérage et de recommandation, de nouvelles formes d’intermédiation, que les éditeurs ne peuvent balayer et ignorer, mais parmi lesquelles ils doivent réinventer leur métier.

Publier est de plus en plus simple. Conquérir l’attention, beaucoup moins.
L’obstacle matériel de la reproduction en nombre et  de l’acheminement des multiples exemplaires vers le plus grand nombre possible de points de vente a fait de l’éditeur un acteur incontournable à qui souhaitait diffuser une œuvre de l’esprit auprès d’un vaste public. Cet obstacle demeure pour l’ensemble de la production imprimée, qui constitue encore aujourd’hui la principale activité des éditeurs.

Dans l’ordre du numérique, la reproduction et l’acheminement ne présentent pas aujourd’hui le même type de difficulté. Si la distribution numérique d’un grand nombre de références en différents formats vers une multiplicité de canaux de vente nécessite bien sûr des infrastructures sophistiquées et des savoir-faire particuliers, publier est aujourd’hui à la portée de chacun.  Cependant la disponibilité de l’offre ne suffit pas : il faut encore obtenir pour ces objets éditoriaux, livres numériques ou applications, la visibilité qui permettra à leurs lecteurs de les trouver et des les distinguer dans le flux incessant d’objets numériques déversés à chaque seconde sur le web.

Cette visibilité s’obtient en menant de front plusieurs stratégies, qui toutes visent à permettre la rencontre entre un titre et ses lecteurs ou utilisateurs potentiels.

La première, c’est de veiller à la qualité des métadonnées. Quels que soient les revendeurs, ceux-ci doivent disposer, pour mettre en avant nos catalogues, présenter les livres, en autoriser la découverte, de métadonnées de qualité. Au sein de la commission numérique du SNE, un groupe de travail intitulé Normes et Standards, travaille exclusivement sur ces questions, et ses travaux ont fait l’objet d’une restitution lors d’un atelier public le premier mars.

La seconde, c’est la présence en ligne des différents acteurs : auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, et leur capacité à prendre place parmi les échanges en ligne que les réseaux sociaux ont banalisés. Les lecteurs changent, leur relation à la lecture évolue,  les lecteurs sont aussi des contributeurs, des critiques, des prescripteurs, des interlocuteurs.  Cette proximité soudaine du lecteur est une chance formidable pour le monde du livre.

On le voit, entrer dans l’ère du numérique, ce n’est pas seulement numériser les livres, mais, d’une certaine manière, numériser nos savoir-faire, entrer dans des logiques nouvelles, réinventer nos pratiques.

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trois pour cent

Chad Post est éditeur, il dirige Open Letter, maison d’édition attachée à l’Université de Rochester, dédiée à la littérature étrangère. J’ai eu plusieurs occasions de le rencontrer, lors d’une table ronde au TOC de Francfort en 2009, animée par Richard Nash, puis lors de la venue en France d’un groupe d’éditeurs américains avec le programme Courants.

Il anime aussi un site web, Three Percent, sur lequel il vient de publier in extenso le texte d’une intervention qu’il a faite à Amsterdam en début d’année, à la conférence « Non Fiction ».(publication en cinq parties présentée en ordre inversé, il faut donc descendre dans la page pour commencer sa lecture…).

Le thème de son intervention, titrée « l’age des écrans » est : comment développer son audience dans un monde qui a changé, et où les écrans tiennent une place de plus en plus importante. Et pour Chad Post, développer son audience est un véritable défi. Si j’ai intitulé ce billet « trois pour cent », comme s’intitule aussi le site des éditions Open Letter, c’est que 3% est le pourcentage que représentent aux USA les titres traduits parmi l’ensemble des titres publiés.. Les livres qu’il publie, Chad utilise un paragraphe pour essayer de les définir.

« Je parle de ces livres – les Å“uvres véritablement littéraires, qui se prêteront à être lues, appréciées et discutées encore dans plusieurs dizaines d’années. Oui, je suis conscient que sans même vraiment les définir, ça sent déjà l’élitisme. Et oui, je réalise que d’essayer de vraiment décrire les paramètres de ce qui définit la littérature est une tâche impossible. Plutôt que d’essayer d’être restrictif, ou de m’embarquer dans une catégorisation infinie à la Borgès, je veux juste opérer un distinguo entre « littérature » et « divertissement ». Ces termes peuvent s’appliquer à tous les genres, qu’il s’agisse de la BD ou des romans, il y a James Joyce et il y a Twilight, Thomas Bernhard et James Patterson, Dubravka Ugresic et l’autopbiographie de Sarah Pallin. Vous le savez quand vous le voyez. » (…)

Pour un million de raisons capitalistes, nous tendons à faire équivaloir ventes et succès. Si un livre rapporte, ce doit être un bon livre. Et dans un contexte économique difficile, c’est la sorte de succès dont on a besoin pour survivre. Mais il existe d’autres métriques… Il y a des raison d’accorder de la valeur à des Å“uvres « hautement littéraires » qui ne se vendent qu’à quelques milliers d’exemplaires mais ont un impact important sur un groupe sélectionné de lecteurs. Comme évoqué plus haut, ces livres ne vont pas figurer dans les listes de best-sellers, mais vont susciter l’innovation et faire circuler de nouvelles idées. Je vous l’accorde, toute règle a ses exceptions, mais en gros le « divertissement » tend à renforcer les modèles culturels dominants, là où la littérature remet en cause certaines croyances, manières de penser, hypothèses. Ce qui peut bien expliquer pourquoi ces livres ont des succès commerciaux limités. »

Citant alors l’auteur de « Proust was a neuroscientist », Jonah Lehrer, Chad fait un détour par la musique. Jonah Lehrer explique les bases neurologiques qui concourent au fait que nous aimons tel ou tel morceau de musique. Le plaisir musical s’appuie sur la reconnaissance de motifs (patterns) : nous aimons être en mesure, en écoutant de la musique, de prévoir ce qui va suivre, en s’appuyant sur cette reconnaissance. Par extension, Chad considère que pour la plus grande partie des lecteurs, et pour le bonheur des vendeurs de bestsellers, les goûts de lecture ont aussi quelque chose à voir avec la reconnaissance de structures narratives, d’intrigues familières, de phrasés, et que la recherche de la familiarité y joue un rôle important. Cependant, la littérature sort de ce schéma. Une Å“uvre littéraire tend à briser ces motifs, à remettre en cause les schémas, les règles de la narration, et n’offre pas aux lecteurs ce réconfort de la reconnaissance immédiate. Elle fait bouger les lignes, elle surprend, choque, dérange, ce qui explique qu’elle ne séduit pas d’emblée un public en quête de divertissement, à la recherche du plaisir de reconnaître.

« Toutes ces considérations conduisent à penser que lire ce type de livres demande un véritable travail, non ? Que cela soit ou non reconnu, cela participe au fait préjudiciable qu’aujourd’hui, seulement 3% des livres publiés aux Etats-Unis sont des Å“uvres traduites. Nous savons que ces titres ne vont pas se vendre, que seulement les plus sadomasochistes voudront les lire, que les critiques vont suspecter ces livres d’être secondaires par rapport à leur version originale. »

Et pourtant, nous dit Chad, il existe un contre-mouvement, qui s’oppose à ce tableau déprimant. Certains lecteurs recherchent, parmi les millions de livres qui leur sont proposés, ces Å“uvres qui font bouger les lignes. Et certaines parmi elles circulent, deviennent même parfois des livres cultes, et sortent de la confidentialité.

Comment ces lecteurs, prêts à des lectures exigeantes, trouvent-ils leurs livres ? L’âge des écrans fait miroiter un espace de liberté, celui du web, qui semble rendre possible le fait d’atteindre des lecteurs potentiels sans devoir nécessairement en passer par les grandes maisons d’édition qui, de toute manière, prendront rarement le risque de les publier. Et de fait, aujourd’hui, une immense quantité de livres est disponible sur le web. Téléchargeables en un clic s’ils sont en version numérique, livrés en 48h à domicile s’il s’agit de livres imprimés. Mais comment s’y prennent les lecteurs pour effectuer, dans cette masse, un choix ? On ne choisit pas un livre comme on choisit un tube de dentifrice. Richard Nash ajoute joliment en commentaire, que l’on choisit plutôt un livre comme on choisit un amoureux (mais il ne va pas jusqu’à suggérer un Meetic pour les livres…). Le leitmotif des éditeurs, depuis ces deux dernières années, est : « grâce au web, entrez en contact avec vos lecteurs », et chacun se lance sur les réseaux sociaux. Pour y dire et y faire quoi ?

Lorsqu’il questionne ses étudiants, Chad s’aperçoit qu’ils ne se déterminent pas sur leur choix de lectures en lisant des critiques dans les magazines ou les revues, pas plus qu’ils ne décident d’acheter un livre simplement en le voyant cité sur Twitter. Tous s’accordent à dire que leurs choix dépendent largement du bouche à oreille et de la sérendipité. Chacun d’entre eux peut citer quelques amis-en-livres (book friends) dont la recommandation peut les conduire à rechercher un livre particulier. Et puis, ils surfent sur le web, et tombent sur des références de livres. Ainsi s’en remettent-ils aux gens, et à la chance. (N’est-ce pas ainsi que l’on rencontre bien souvent aussi son amoureux : via des amis, ou bien tout à fait par hasard ?) Quelques étudiants déclarent aussi s’appuyer dans leurs choix sur des auteurs, mais aussi sur des éditeurs : certaines livres, s’ils sont publiés par tel éditeur, même si leur auteur est inconnu, ne peuvent être que de bons livres.

Je me souviens avoir beaucoup agi ainsi pour choisir mes lectures lorsque j’étais moi-même étudiante, être parfois pratiquement tombée amoureuse d’une maison d’édition qui avait publié un livre qui m’avait plu, et avoir acheté, ou, le plus souvent, emprunté en bibliothèque, des livres sans autre recommandation que leur présence chez cet éditeur. Avoir aussi très souvent lu d’affilée tout ce qu’un auteur qui m’avait enchanté avait publié. Les plus belles découvertes, je crois que c’est à l’intérieur même des livres que je les ai faites, chez ces auteurs qui citent leurs pairs, dans un jeu de rebonds sans fin.

Aujourd’hui, il m’arrive de plus en plus fréquemment de commander un livre d’un auteur dont j’ignore tout, parce que je le trouve cité sur le web, rarement directement dans Twitter, mais le plus souvent après plusieurs rebonds, de mon fil twitter vers un site puis un autre.

L’article de Chad cite plusieurs anecdotes concernant ses propres découvertes en ligne, sur le site GoodReads par exemple, où il a trouvé l’auteur français Albert Cossery. Le nom ne m’est pas inconnu, mais je suis certaine de ne l’avoir jamais lu, et la manière dont il décrit sa rencontre avec cet auteur, me donne immédiatement envie de tenter l’aventure.

Chad Post ne conclut son article par aucune recette miracle sur la manière de réussir à mieux vendre des ouvrages exigeants grâce au web. Ce qu’il décrit, c’est un moment de suspension : aux USA plus qu’ici, de nombreuses formes de recommandation ont disparu pour la littérature qu’il publie, les libraires qui la défendent ne se trouvent plus que dans les centres des métropoles. L’espace infini du web se déploie, lui, partout, mais les formes de recommandation n’y sont pas encore fixées, en tout cas pour ce type de livres. Il se demande quel impact sur la lecture de la littérature qu’il défend pourrait avoir l’équivalent pour le livre du magazine en ligne Pitchfork, dédié au rock indépendant, publiant des critiques d’albums assorties d’une notation de 1 à 10, avec des décimales. Cette idée de notation semble à première vue assez rebutante, mais il argue du fait que la note, même s’il s’agit par exemple d’un 5,4, peut fournir une base qui donne envie de s’engager dans la lecture afin de déterminer si l’on est d’accord avec cette appréciation ou non. (Pitchfork a été créé en 1996 par Ryan Schreiber, un étudiant de Minneapolis, et ses critiques pèsent aujourd’hui autant que celles d’un magazine traditionnel comme Rolling Stone.)

Il a aussi compris ce qui fait tout le sens d’une présence en ligne : l’authenticité, la nécessité non pas d’investir les différents réseaux sociaux comme de nouvelles terres de marketing, mais d’y développer une véritable présence, savoir s’y engager réellement, sans crainte d’être soi-même. Seulement alors il est possible d’y devenir, parce que l’on parle avec sincérité d’un livre que l’on défend, le « book friend » de quantité de gens inconnus, qui se fieront à votre jugement pour choisir leur prochaine lecture. Seulement alors se tissent les liens, de blog à blog, de #ff en RT, qui dessinent peu à peu une communauté.

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une tentative de description

J’ai participé hier à une journée du livre numérique à l’invitation du Service général des lettres et du livre du ministère de la Communauté Française de Belgique. Cela m’a permis d’entendre également Hervé Bienvaut, François Bon, qui a mis en ligne sa déclaration de Bruxelles, Amélie Rétorré pour Bande Numérique, la société qui propose la plateforme Izneo, Françoise Prêtre, fondatrice de la souris qui raconte, Pierre Colin, et Jef Maes, qui présentait la plateforme de livres numériques flamande boek.be. J’ai plus ou moins dit ce qui suit, plus ou moins, car il m’arrive de ne pas suivre exactement mon texte…


Livre numérique : au commencement, un mimétisme inévitable

Par nature, un fichier numérique est reproductible, duplicable sans altération à l’infini. Par nature, le texte numérique est mobile, modifiable, transformable, copiable, volatile. Dissocié d’un support unique, il est disponible pour des affichages multiples.

Face à la mobilité infinie de la communication électronique, on observe les efforts qui sont faits, nous dit Roger Chartier,  pour “enserrer le texte électronique dans des catégories mentales et intellectuelles, dans des formes matérielles qui le fixent, le définissent, le stabilisent.”

Il n’est pas anormal que les premières réactions exprimées par les éditeurs concernant le numérique aient été l’expression d’une crainte : crainte de cette confrontation entre le livre imprimé, dont ils maîtrisent la fabrication, la production et la commercialisation,  avec de nouveaux objets virtuels, aux contours difficilement identifiables, mis en circulation dans un univers dominé par des acteurs globaux,  dont le fonctionnement et les règles leur étaient jusqu’à présent inconnus.

Il n’est pas anormal non plus que la manière d’appréhender cette mutation ce soit traduite par une tentative mimétique : transposer les usages en vigueur dans le monde physique vers le monde numérique, en essayant d’en reconstituer au plus près les caractéristiques.

Ainsi, le livre numérique tel qu’il se vend et s’achète aujourd’hui dans les pays où ces pratiques se densifient, est le résultat de ce mimétisme, qui va forcément s’estomper dans les années qui viennent, au fur et à mesure du développement de pratiques de lecture / écriture nativement numériques. Je crois qu’on assistera à un métissage progressif entre les formes héritées du livre imprimé, et celles qui s’inventent aujourd’hui sur le web.

Lorsque je parle de « moment ebook », c’est de cela dont je parle. C’est d’une phase première de mutation qui s’inspire très largement des pratiques utilisées dans le monde du livre imprimé, qui en est une transposition.

Cette phase première atteint cependant un niveau de maturation qui permet, dans certains pays, le développement d’un marché numérique véritable, et quand je dis « marché » je ne parle pas seulement de l’opportunité financière pour les différents acteurs, mais de réalité de pratiques de l’ensemble des acteurs, que l’acte d’achat rend visible : des gens achètent des livres numériques et les lisent. Des gens qui ne sont pas des « geeks », des « digital natives ». Des lecteurs de romans policiers,  de séries sentimentales, de science fiction. Des lecteurs de littérature, de bande dessinée, de livres pratiques, de livres d’actualité.

La lecture numérique est à la fois populaire et savante, addictive et érudite, distrayante et sérieuse. Ces lecteurs lisent sur des liseuses, pour la majorité d’entre eux, mais aussi sur des PC, des netbooks, des smartphones, des tablettes.
Ces lecteurs lisent plus que les autres, parce que leur bibliothèque les accompagne partout, et parce qu’ils peuvent se procurer le livre dont ils ont envie en moins d’une minute.

DRM : barrières fragiles, difficilement praticables, et toujours en place

Ces lecteurs de livres numériques, dans leur grande majorité, se posent peu de questions relativement aux DRM, ne s’interrogent pas sur l’avenir du livre, le moment ebook ou la lecture numérique.

Ceux qui mettent en avant avec raison les réels inconvénients que posent les DRM aux utilisateurs, omettent parfois de dire que ces inconvénients sont infiniment moindres pour les clients des e-libraires qui ont opté pour un système fermé.

Aux USA, autant les utilisateurs précoces qui ont commencé à lire en numérique dès le début des années 2000 étaient et demeurent très opposés aux DRM, autant les très nombreux acheteurs qui sont venus s’ajouter à leur nombre ces deux dernières années, essentiellement des clients d’Amazon, Apple ou Barnes and Noble, semblent s’en accommoder.

Ces e-libraires utilisent tous des DRM, et,  pour certains, des formats de fichiers propriétaires, qui contraignent leurs clients à acheter leurs livres numériques toujours au même endroit.  Cette contrainte a cependant un effet positif en termes d’utilisabilité : le système de DRM, pour quiconque accepte de demeurer dans le « silo » proposé par ces revendeurs est pratiquement transparent. Les limitations, concernant le prêt, sont contournées par des fonctionnalités proposées par certains.

On comprend pourquoi les DRM sont aujourd’hui, pour les éditeurs américains un « non sujet » : Il n’en a pas été question une seule seconde lors du dernier Digital Book World à New York.

Malheureusement, la question est différente pour les utilisateurs qui souhaitent conserver la liberté d’acheter leurs livres numériques où bon leur semble. La présence de DRM, généralement celle d’Adobe nommée ACS4, sur les fichiers EPUB ou PDF complique le téléchargement et le portage des livres numériques sur différents terminaux.

Il impose le téléchargement du lecteur Adobe Digital Editions, l’attribution d’un identifiant Adobe, la « déclaration » des différents terminaux sur lesquels on souhaite lire le fichier téléchargé, autant d’étapes qui, si elles ne sont pas réussies du premier coup, constituent des obstacles décourageants pour les utilisateurs.

Alors qu’on essaye en France de promouvoir un écosystème ouvert pour les livres numériques, ces inconvénients dans l’usage que représentent les DRM pour les utilisateurs n’ont cependant pas conduit à une remise en cause de leur adoption par la majorité des éditeurs.

Les DRM fonctionnent encore comme une barrière symbolique, un message adressé à l’utilisateur (« ce fichier est protégé par le droit d’auteur, et vous n’avez pas le droit de le remettre en circulation »). Il est aujourd’hui difficile qu’auteurs et éditeurs acceptent de s’en passer, même si elles ne correspondent à aucune protection réellement efficace, même si on sait qu’elles détournent certains usagers des livres numériques qu’elles protègent.

La réponse apportée par les mesures de protection technique est en effet insatisfaisante : il est relativement simple de « craquer » la DRM d’un livre numérique, et la « brèche analogique » est encore aujourd’hui la principale source des échanges illégaux de livres numériques : personne ne peut empêcher concrètement quelqu’un de scanner un livre, de l’OCRiser, de le corriger, de produire un fichier et de le mettre éventuellement en circulation de manière illégale.

Le maintien de l’usage des DRM, par des acteurs qui ont bien conscience de l’efficacité réduite de la protection qu’elles représentent, est cependant toujours d’actualité, pour des raisons qui tiennent bien plus aux représentations de ces acteurs, celles des éditeurs, des auteurs, et celles qui sont prêtées aux lecteurs, qu’à une rationalité purement technique.


DRM sociale : des fichiers tatoutés

Une alternative au système qui utilise le cryptage des fichiers pour en limiter l’usage, c’est la DRM dite sociale, qui consiste à marquer les fichiers, à différencier le fichier téléchargé en y apposant un marquage qui le relie à l’utilisateur acheteur.

Ses partisans comptent sur un effet dissuasif pour l’utilisateur, le marquage permettant d’identifier l’utilisateur d’un fichier si celui-ci venait à  circuler sur des sites P2P ou de téléchargement.

Il n’est cependant possible de faire apparaître l’identité de l’acheteur d’un fichier que si celle-ci est connue de l’instance chargée d’effectuer le marquage. Si les fichiers demeurent stockés dans l’entrepôt numérique du distributeur jusqu’à sa délivrance au client final, c’est nécessairement celui-ci qui prend en charge le marquage du fichier. Le distributeur ne connaît pas l’identité du client, visible seulement par le revendeur qui communique un simple identifiant au distributeur. Dans ce cas, le seul marquage possible est celui d’un élément permettant l’identification, un numéro de client ou de transaction, moins dissuasif que l’apparition en clair de l’identité du client.


Les livres dans le nuage : streaming

Enfin, une alternative au téléchargement des fichiers, ce sont les offres en streaming. Le fichier du livre, dans le cas du streaming, n’est pas téléchargé sur la machine de l’utilisateur, et demeure stocké sur un serveur distant, « dans le nuage », car ainsi sont désignées les fermes de serveurs qui stockent nos données sur le web.

Il n’ y a pas de différence théorique entre les livres «dans le nuage » et les livres téléchargés. Si vous lisez en entier un livre situé « dans le nuage » via votre navigateur web, vous l’avez en réalité téléchargé. Il a été chargé dans la mémoire cache de votre navigateur.

Mais en pratique il y a des différences significatives, et des différences dans l’expérience utilisateur. Les livres dans le nuage sont streamés et affichés bit par bit, et ne sont jamais réunis en un paquet unique, facilement redistribuable.

Ils sont mémorisés dans la mémoire cache comme une série d’enregistrements dans une base de donnée interne, et reconstituer le fichier complet d’un ebook à partir de ces enregistrements est loin d’être trivial.

Ceci répond à la question que l’on se pose généralement lorsque l’on entend parler pour la première fois de ce système : mais comment peut-on lire, si le fichier du livre réside à distance, lorsque l’on n’est pas connecté ?

Le système considère pour acquis qu’un possesseur de terminal mobile n’est pas connecté en permanence, mais l’est occasionnellement, et chaque connexion permet de charger dans la mémoire cache le livre que vous êtes en train de lire, pour poursuivre ensuite votre lecture off-line.


Cesser de se focaliser sur les risques et les dangers

La mise en avant permanente des risques liés au numérique ne peut aider toute une profession à appréhender les changements qui la concernent aujourd’hui.

Mieux vaut se concentrer sur ce qui constitue la meilleure parade à la prolifération d’une offre illégale : l’accélération de la construction d’une offre numérique légale et attractive

La manière la plus efficace d’éviter la prolifération du téléchargement illégal de livres numériques, c’est d’offrir aux lecteurs qui achètent des livres numériques des services auxquels ne peuvent accéder ceux qui préfèrent se les procurer de manière illégale.

Le premier de ces services c’est la facilité d’accès aux livres numériques  : la constitution d’un vaste catalogue, des métadonnées de qualité permettant d’offrir une information complète sur les livres, des possibilités de recherche et de navigation qui favorisent la recherche des titres, ou la proposition de titres en relation avec le besoin d’information d’un utilisateur.

Le second, c’est une expérience d’achat la plus fluide possible, de l’instant où un utilisateur a fait son choix à celui où il est en mesure de commencer sa lecture.

Le troisième, c’est de proposer une expérience de lecture de grande qualité, quel que soit le terminal de lecture choisi par le lecteur : on sait que la qualité de cette expérience ne dépend pas uniquement de la qualité du fichier, mais engage aussi celle du terminal et du logiciel de lecture.

Mais il revient à l’éditeur de produire un fichier irréprochable, et cette exigence n’est pas facile à concilier avec la nécessité de produire rapidement de nombreux titres. Le temps de relecture, de correction est incompressible.

Enfin il est possible, selon les secteurs éditoriaux concernés, d’imaginer des services qui ne sont envisageables que pour des versions numériques des livres : des mises à jour régulières du fichier lui-même, des liens vers des contenus en ligne en relation avec le sujet du livre, des possibilités d’engager le lecteur dans des échanges avec d’autres lecteurs, et pourquoi pas avec l’auteur.

C’est une dynamique qu’il faut créer autour des livres numériques, une dynamique qui ne pourra obliger ceux qui sont résolus à ne pas payer pour leurs lectures à le faire, mais qui donnera à ceux qui  achètent leurs livres plutôt que de chercher à les télécharger gratuitement des avantages évidents.

Savoir et comprendre

Il est difficile, dans un moment de mutation, d’avoir une vision globale de la situation, et en même temps, c’est essentiel. Sans cette compréhension, il est impossible de prendre des décisions éclairées.

Cela implique une veille permanente : savoir ce qui se passe, suivre les évolutions techniques rapides, observer les mouvements qui se produisent non seulement dans l’édition, mais dans l’ensemble des secteurs culturels.  Mais cette simple observation ne suffit pas, elle doit être accompagnée d’analayses, et de discernement.

Comprendre la nature des discours, comment ces discours s’articulent autour de positionnements très variés des différents acteurs, identifier ces acteurs et leurs stratégies respectives. Il faut prendre le temps de penser ce qui survient, pour tenter d’en avoir une vision juste.

Les enjeux sont importants, et la pression très forte, qui tend à présenter la mutation actuelle de manière unidimensionnelle. Questionner cette présentation simpliste, s’interroger sur ce qui advient, et s’accorder sur ce que l’on souhaite voir advenir, et sur les moyens de le mettre en place, c’est plus difficile.

“I have to run two businesses”

De l’extérieur, cela paraît si simple : ben quoi, vous avez peur du numérique ? Ben quoi, vous avez peur du piratage ? Ben quoi, vous voulez protéger vos ventes papier ? Ben quoi, vous vous inquiétez de l’avenir des libraires ? Comment, vous faites des livres numériques qui ressemblent à des livres papiers, vous savez pas qu’avec le numérique on peut faire tant d’autres choses ?

Une éditrice américaine, Dominique Raccah, a très bien synthétisé la position des éditeurs aujourd’hui avec une formule qui a ensuite été très souvent reprise. Elle a dit simplement : « Today, I have to run two businesses » – Oui, aujourd’hui, les dirigeants de maisons d’édition  doivent conduire deux entreprises conjointement.

L’une, qui pour le moment représente la quasi totalité de leurs revenus, qui est de produire et de mettre en circulation des livres imprimés. L’autre, qui, en France, ne représente encore qu’une part extrêmement faible de leur chiffre d’affaires, qui consiste à produire et mettre en circulation ces mêmes livres en version numérique.

J’aurais envie d’ajouter une troisième activité, qui consiste à produire également des livres numériques différents des livres papiers. Aujourd’hui, essentiellement, des applications mobiles. Demain, très certainement, des livres enrichis, au format EPUB, dès que la prochaîne version d’EPUB sera publiée.


De l’autre côté de l’Atlantique

La croissance de la part du numérique dans les ventes de livres  commence seulement à s’observer aujourd’hui en France. Elle a commencé plus tôt aux USA, où les ventes en numérique représentent aujourd’hui entre 7 et 10% du chiffre d’affaires.

La quasi totalité de cette croissance s’est appuyée non sur un changement de la nature des livres, qui pour la plupart sont des transpositions numériques des livres imprimés, mais sur l’adoption d’un terminal de lecture électronique justifiée principalement par des raisons de commodité :
– la possibilité d’avoir sur soi un grand nombre de livre à tout moment
– la possibilité d’obtenir immédiatement un livre

Cette croissance a été largement soutenue par Amazon, qui dispose d’une position dominante dans la vente de livres aux USA, Amazon a véritablement porté cette croissance, investissant dans le développement d’un terminal qui existe aujourd’hui en plusieurs versions, et investissant dans l’acquisition de parts de marché en fixant un prix pour  les livres numériques (je parle des nouveautés et des best sellers )  à 9,99 $. Il faut rappeler qu’Amazon perdait de l’argent à chaque vente avec ce prix, revendant les livres moins chers que ce que ces derniers lui coûtaient.

La position dominante d’Amazon aux USA est à mettre en relation avec différents facteurs qui n’existent pas tous en France.

Elle repose bien évidemment en partie sur la qualité du  service proposé aux utilisateurs, et l’innovation dont a su faire preuve la société.

Un autre facteur, c’est l’état de la librairie aux USA. Au début des années 1990, il y avait environ 6000 librairies indépendantes à travers les États-Unis. Aujourd’hui, leur nombre avoisine les 2200. C’est l’arrivée des grandes chaînes comme Borders et Barnes & Noble à la fin des années 80 qui a sonné le début des difficultés de la librairie indépendante. Amazon n’a fait qu’accentuer ce déclin.

Les chaînes, tout comme Amazon, ont été en mesure d’exiger des remises de plus en plus importantes auprès des éditeurs, et ont eu ainsi la possibilité de pratiquer des prix qui ont rendu les libraires indépendants infiniment moins compétitifs.

Ceci explique le bon accueil qui a été fait par les éditeurs US à Apple l’an dernier, d’une part parce qu’Apple arrivait avec son iPad comme un challenger d’Amazon, d’autre part parce qu’Apple proposait un nouveau type de contrat, dit contrat d’agence, permettant à l’éditeur d’avoir un meilleur contrôle des prix. S’en est suivi, pour les plus grands groupes d’édition, un bras de fer avec Amazon qui a abouti à l’acceptation, limitée à ces grands groupes, de ce modèle d’agence.

Un bon accueil également a été fait à Google par les éditeurs américains. Tout d’abord avec  la signature d’un accord de compromis à l’issue des procès intentés par les auteurs et les éditeurs américains suite à la numérisation par Google de livres sous droits en bibliothèque. (accord qui reste en attente d’une validation par la justice américiane). Plus récemment, au moment du lancement de Google eBooks, qui fait de Google une librairie électronique, et offre aussi  une solution de vente en marque blanche proposée aux libraires indépendants.

Il faut aussi noter  les efforts couronnés de succès de la chaîne de librairie Barnes & Noble pour se développer dans l’univers numérique.

La promotion de sa liseuse, baptisée Nook, occupe une place de choix dans les magasins Barnes & Noble, et la chaîne grignote régulièrement des parts de marché à Amazon et Apple.

On voit que le livre numérique n’est pas seulement le fruit d’une innovation technique qui vient s’appliquer naturellement au secteur de l’édition, mais que son développement est aussi une partie qui se joue entre des acteurs de taille internationale, dont certains étaient totalement étrangers au monde de l’édition, mais qui s’y intéressent de très près au moment où le livre devient un objet numérique.

Pour des raisons diverses, et selon des modalités différentes, ses acteurs s’intéressent à un contenu « premium », dont ils veulent que leurs robots soient susceptibles de  les visiter et de les indexer, auquel ils souhaitent que les acheteurs des objets techniques qu’ils fabriquent puissent accéder. Le livre, une fois numérisé, suscite des appétits. Et les éditeurs doivent aujourd’hui apprendre à dialoguer avec des acteurs nouveaux, très puissants, de taille mondiale.


Situation française

En France, la situation est différente de celle qui prévaut aux USA. La loi Lang,  qui aura trente ans cette année, a permis la préservation d’un réseau dense de libraires. Amazon représente moins de 7% des ventes de livres. Le projet de règlement Google n’a pas été accepté par la plupart des pays européens. Les français sont reconnus comme de grands « applemaniaques », mais peu d’éditeurs ont pour l’instant accepté de confier leur catalogue numérique à Apple.

Promouvoir un écosystème ouvert

D’une part, il existe une grande réticence à l’idée de confier à ces acteurs les fichiers de leurs catalogues, de la part d’acteurs qui sont aussi pour les plus puissants d’entre eux dans le monde du papier des distributeurs, et qui connaissent l’importance que représente la maîtrise de la distribution.

Cela les a conduits à développer des plateformes de distribution, permettant de mettre en place un système d’achat de livres numériques dans lequel les fichiers ne quittent l’entrepôt numérique du distributeur que pour être transférés sur le terminal du client.
Les ventes de livres numériques à la Fnac et chez les libraires qui se sont dotés d’un site de vente se passent de cette manière. Aujourd’hui, aucun e-libraire, en dehors d’Apple pour quelques éditeurs, ne stocke les fichiers des catalogues des éditeurs.

Ensuite, la volonté de permettre aux libraires de jouer un rôle dans ce nouvel écosystème. Les éditeurs, on l’a vu, doivent conduire deux activités parallèles, et devront continuer de les mener pendant de longues années, même si la part de chacune de ses activités va évoluer. Il est normal qu’ils privilégient ceux de leurs partenaires susceptibles des les accompagner sur ces deux activités.

On sait que la plus grande menace qui pèse aujourd’hui sur un livre, c’est celle de passer inaperçu. Les librairies sont avec les bibliothèques les seuls espaces qui mettent les livres en contact physique avec le public, les seuls espaces qui leur donnent de la visibilité.

L’idée que les libraires peuvent jouer un rôle dans l’écosystème du livre numérique étonne parfois. Pourquoi quelqu’un irait-il acheter son livre numérique sur le site d’un libraire, alors qu’il peut l’acquérir sur un site connu ? Comment les libraires pourront-ils rivaliser avec les grandes enseignes ?

Même aux Etats-Unis, dont j’ai décrit le déclin de la librairie indépendante, certains s’accordent à penser que les libraires qui ont résisté  jusqu’aujourd’hui ont des cartes à jouer sur le terrain du numérique.

Ceux parmi eux qui sauront s’approprier les usages du web, qui sauront développer une présence en ligne que les outils rendent aujourd’hui possible pour tous, qui sauront prolonger en ligne les services qu’ils offrent à leur clientèle locale, ont toutes les chances de fidéliser leurs clients, et de développer une complémentarité entre leur librairie physique et leur site web.

Un marché global

Une idée qui fait également son chemin aux Etats-Unis, et qui devrait attirer notre attention, est celle d’un marché global. Non pas seulement via la présence des acteurs globaux comme Amazon, Google ou Apple dans de nombreux pays du monde. Mais via celle de l’offre numérique des éditeurs américains dans ces pays. L’anglais étant la première langue dans de nombreux pays, et la seconde dans un nombre croissant d’autres pays, il existe une véritable opportunité de vendre, à peu de frais, des livres numériques de langue anglaise à des clients de très nombreux pays.

Cette idée se heurte encore, en particulier en ce qui concerne les pays anglophones, à la question des droits d’auteur : les agents (qui dominent la relation entre auteurs et éditeurs aux Etats-Unis) préfèrent généralement ne pas céder les droits mondiaux à un éditeur américain, de manière à pouvoir négocier de meilleurs contrats avec des éditeurs anglais, canadiens, australiens etc.. Mais les éditeurs insistent de plus en plus pour obtenir les droits mondiaux.

Le consultant Mike Shatzkin cite les chiffres de 600 millions d’anglophones (dont l’anglais est la première langue) et d’1,4 milliard d’anglophones dont l’anglais est la deuxième langue. Ce qui fait, pour les Etats-Unis, qui comptent 250 millions d’habitants en âge de lire, un marché potentiel de 2 milliards d’individus.

Concernant ces ventes potentielles de livres numériques hors des Etats-Unis, il s’agira de plus des ventes que les éditeurs préfèrent : des ventes « incrémentielles » (qui s’ajoutent aux ventes de livres imprimés) et non de ventes cannibalisant le marché papier (qui se substituent aux ventes de livres imprimées).

Parmi les raisons qui peuvent conduire des lecteurs à acheter des livres numériques en anglais, la faiblesse actuelle des catalogues numériques dans la langue maternelle de ces acheteurs potentiels est la principale. Raison de plus pour élargir au plus vite l’offre numérique !

Bibliodiversité

Avons-nous envie d’un monde où la majorité des gens prendraient l’habitude de lire non plus dans leur langue maternelle mais dans celle qu’ils ont apprise à l’école, parce qu’elle est la langue des affaires, parce qu’elle est une chance de meilleure intégration économique ?

Avons-nous envie d’un monde où pour se faire entendre, il n’y aura d’autre choix que celui d’écrire en anglais ? C’est déjà largement le cas dans le domaine de l’édition scientifique. Faut-il que cette exigence s’étende à la littérature, aux essais, à la poésie ?

Certes, le numérique fait tomber les frontières, et on ne peut que se réjouir de cette circulation rendue possible, des rencontres qu’elle autorise, des découvertes qu’elle permet. Mais il n’y a de découverte et de rencontre que si demeure l’altérité, la singularité, que portent les langues et les cultures. Il ne s’agit pas de refermer l’espace, il s’agit de s’avoir l’occuper aussi. Avec des livres dans toutes les langues, avec des échanges interculturels rendus possibles par l’irremplaçable activité des traducteurs.

C’est pourquoi je suis parfois un peu inquiète de voir qu’en France, le monde de l’édition numérique tend à se focaliser trop souvent sur le champ des tensions fondées sur des questions certes bien réelles, mais qui mobilisent nos énergies pendant que l’Amérique regarde ce qu’elle nomme « le reste du monde » en y voyant son prochain marché.

Que faisons-nous pour faciliter, dans un premier temps, l’accès à nos catalogues numériques à l’ensemble  des lecteurs de langue française, quelle que soit leur situation géographique ? Pour être attentifs à l’inclusion dans cette transition numérique des éditeurs d’auteurs francophones situés dans les pays en développement ?

Appuyons-nous pour cela sur la créativité et les compétences numériques qui existent ici : ce n’est pas seulement d’un écosystème commercial dont nous avons besoin, mais également d’un écosystème créatif et technologique.

Développons les compétences des éditeurs, qui devraient tous disposer de solides connaissances informatiques au sortir de leur formation.  Il ne s’agit pas d’en faire des développeurs, mais ils doivent apprivoiser la culture web, connaître les méandres de l’édition numérique, savoir ce qu’est un fichier EPUB, ne pas s’évanouir en voyant une page de code HTML, avoir saisi l’importance des métadonnées et des standards.

Sachons  aussi travailler avec des partenaires innovants, avec ceux qui défrichent et inventent. Encourageons  les jeunes sociétés, associons nos savoir-faire. Nous, les éditeurs dits traditionnels, avons effectivement deux activités à mener de front. Sachons nous appuyer, pour développer notre vitalité numérique, sur ceux qui n’en ont qu’une.

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Que se passe-t-il quand…

Que se passe-t-il lorsque (environ) 10% des livres vendus sont des livres numériques ? C’est la question que je me posais en arrivant à la conférence Digital Book World en début de semaine dernière. Car c’est bien ce qui se passe aujourd’hui aux USA, où les ventes d’ebooks ont connu une croissance très rapide depuis deux ans.

La première chose à laquelle pensent les professionnels du livre, avec la perspective d’un prochain décollage du marché du livre numérique, c’est à la possibilité d’une mise en difficulté des librairies. Celles-ci n’ont pas attendu le livre numérique aux USA, l’arrivée des chaînes de librairie puis celle d’Amazon avaient déjà fait chuter dramatiquement  leur nombre. Le basculement d’un nombre de plus en plus important de lecteurs vers la lecture numérique va-t-il venir à bout de celles qui ont survécu ? C’est l’avis de Mike Shatzkin, qui annonce une réduction de 90% des rayonnages en librairie dans les dix prochaines années. Jane Friedman, ex CEO d’Harper Collins et fondatrice d’Open Road Media n’est pas d’accord : il y a, dit-elle, un avenir pour les libraires : au contact direct des lecteurs, ils ont l’opportunité de jouer un rôle de médiation au niveau local, et alors qu’il est sans arrêt question d’écouter ses clients, d’animer des communautés, de se rapprocher des lecteurs, ils sont très bien placés pour ce faire, en sachant prolonger en ligne l’activité de leur magasin. L’enquête Verso révèle par ailleurs que « 80.7% des participants ont déclaré qu’ils préfèreraient acheter des livres numériques en ligne chez leur libraire local indépendant si les livres y étaient vendus à un prix compétitif. »

Quid des bibliothèques ? Le président de Macmillan s’est fait interpeller, dès le débat d’ouverture de la conférence, par la blogueuse Sarah Wendell (du blog dédié au roman sentimental Smart Bitches ), qui lui a demandé pourquoi, alors qu’il semblait si désireux d’atteindre tous les lecteurs, ses livres numériques n’étaient pas disponibles en bibliothèque. La réponse de Brian Napack (avant de mettre en circulation des versions numériques de nos livres en bibliothèques, nous recherchons le business model  qui conviendra ) n’a pas satisfait  Jane Friedman, qui considère qu’il est temps de prendre au sérieux le public des bibliothèques, et que celui qui emprunte un livre numérique est tout près de l’acte d’achat. Pas de business model ? Steve Potash, le CEO d’OverDrive, n’est pas d’accord : plus de 13000 clients, bibliothèques, collèges, universités utilisent ses services pour le prêt de livres numériques, selon un modèle qui, dit-il, a fait ses preuves.  A la bibliothèque publique de New York, un bouton « acheter » est présent depuis quelques semaines dans l’application, mais il est encore trop tôt pour savoir dans quelles proportions ce bouton est utilisé. La simple présence des livres numériques dans les catalogues des bibliothèques leur donne de la visibilité, ce dont les livres ont le plus grand besoin. Ruth Liebmann, directrice du marketing direct chez Random House, s’intéresse de très près aux bibliothèques. Elle y effectue ce qu’elle appelle un « Library Listening Tour », afin de recueillir l’avis et les attentes des lecteurs de livres numériques.

La grande vedette de cette édition de DBW, ce sont les métadonnées. Il semble bien que plus les éditeurs voient grandir la part numérique de leur activité, plus ils prennent au sérieux les métadonnées.  Deux sessions leur sont entièrement consacrées, mais on en parle dans de nombreuses autres, et c’est bien. Les métadonnées ne sont pas nées avec le livre numérique, bien évidemment. Il était déjà indispensable de fournir des informations détaillées concernant les livres imprimés, pour rendre possible la commercialisation d’objets qu’il était nécessaire d’identifier convenablement et de décrire, d’une part, et aussi pour constituer des catalogues utilisables en bibliothèque. Cependant les  métadonnées demeuraient l’affaire des spécialistes de la distribution, de la diffusion, de la vente, ou du catalogage en bibliothèque : le livre un fois posé sur l’étagère d’une librairie expose lui même aux yeux des clients ses propres métadonnées. Sa localisation dans tel ou tel rayon,  informe le lecteur potentiel de la catégorie à laquelle il appartient, de la thématique qu’il aborde, sa tranche donne le titre, l’auteur, l’éditeur, et il suffit à quiconque de se saisir du livre pour découvrir sa couverture, de le retourner pour lire un résumé, de le feuilleter pour lire un extrait et se faire une idée de son contenu. Lorsque le livre est un livre numérique, cette expérience de manipulation est exclue. L’Å“uvre doit être présentée au lecteur sur un écran, celui d’un PC, d’une liseuse, d’un smartphone ou d’une tablette, et pour que cette présentation permette au lecteur de découvrir le livre, chacune des informations affichées doit avoir été saisie et transmise : titre, auteur(s), éditeur, ISBN, prix, type de fichier, indication de la présence ou non d’une protection (DRM), et nature de celle-ci,  argumentaire descriptif…

Et là, on est dans le cas où le livre numérique a déjà été trouvé… Mais comment a-t-il été trouvé ?
Comment en arrive-t-on à ce stade où la description d’un livre numérique se trouve affichée sur notre écran, accompagnée du bouton qui va nous permettre de l’acheter ? De bien des manières, selon que l’on est à la recherche d’un titre précis ou que l’on souhaite parcourir les rayons d’une librairie en ligne à la recherche d’une lecture, sans savoir encore laquelle,  ou bien que l’on cherche la réponse à une question ou un problème que l’on se pose, les possibilités sont nombreuses. Selon le cas, on utilisera un moteur de recherche générique, on naviguera parmi les rayons virtuels de la e-librairie que l’on préfère ou on se servira de son moteur de recherche interne, on aura suivi un lien présent sur un site, blog, réseau social. Quelles que soient les actions qui auront précédé l’affichage des informations concernant un livre particulier, ces actions, pour nous conduire vers ce livre, mettent en jeu les métadonnées. De leur qualité, de leur richesse, de la manière dont elles sont exprimées, dépend en grande partie la probabilité que le lien vers le livre en question apparaisse dans la liste des résultats générée par une requête sur un moteur, que le livre soit classé de manière pertinente dans la rubrique qui lui convient sur le site d’une librairie.

Un exemple tout simple donné par un éditeur : en passant un livre de la catégorie « fiction » à la catégorie « policier », et en lui affectant un ISBN (ce qui n’est pas toujours le cas aux USA où les ISBN sont payants et où nombre de revendeurs disposent de leur propre code d’identificaiton), les ventes de celui-ci ont augmenté aussitôt de 300%. Pour obtenir ce résultat, il a simplement fallu que quelqu’un se préoccupe de renseigner convenablement un champ de description, et pour que cela soit fait systématiquement, il faut que chacun comprenne l’importance des métadonnées, l’enjeu essentiel qu’elles représentent aujourd’hui, et leur impact direct sur le « découverabilité » d’un livre, et donc sur les ventes de celui-ci.

J’ai parlé de deux panels consacrés aux métadonnées : l’un concernait les « core metadata » – les métadonnées essentielles, indispensables à la commercialisation d’un livre, et le second les « enhanced metada », ou métadonnées enrichies, qui visent à augmenter encore la possibilité pour un livre de rencontrer son public, en donnant plus d’informations à son sujet : biographie de l’auteur, interviews (texte, audio ou vidéo), critiques et recensions parues dans la presse,  possibilité de feuilleter un extrait, indications géographiques lorsque cela est pertinent, et permet de cibler des clients géolocalisés, liens vers d’autres ouvrages ou vers des sites web, mots clé, tags… Ainsi les métadonnées deviennent un véritable outil de marketing, et non plus seulement des informations destinées à la « chaîne du livre » ou aux catalogues bibliographiques. Elles sont ce que les lecteurs potentiels verront des livres avant de se décider ou non à les acquérir, elles sont ce qui permettra à ses clients de savoir que ce livre existe. Et on sait comme il est difficile pour un livre d’arriver à simplement faire connaître son existence à ses lecteurs potentiels. Fran Toolan, CEO de Firebrand technologies, ajoute que la manière dont les jeunes générations cherchent et trouvent leurs lectures est différente de celle de leurs aînées, et qu’il est nécessaire, lorsque l’on travaille sur ses métadonnées, de s’entourer de jeunes pour intégrer les métadonnées qui répondront à leurs attentes. Cette réflexion démontre à quel point la création des métadonnées ne peut être un geste machinal, d’ordre administratif, mais bien un processus réfléchi, fruit d’une décision, reflet d’une stratégie.

Enfin, je terminerai par le début, la remise des prix de l’innovation du livre numérique :

Dans la catégorie fiction:  DRACULA: The Official Stoker Family Edition (PadWorx Digital Media)
Finalistes:  Letters From Father Christmas (HarperCollins); War of the Worlds (Smashing Ideas)

Dans la catégorie Non fiction : Logos Bible Software (Logos Bible Software, Inc.)
Finalistes:  10 Greatest Card Tricks of All Time (Vook & Workman Publishing); Ansel Adams (Hachette Book Group, Inc.)

Dans la catégorie Jeunesse :  A Story Before Bed (Jackson Fish Market)
Finalistes: Cozmo’s Day Off (Ayars Animation, Inc.); The Pedlar Lady of Gushing Cross (Moving Tales)

Dans la catégorie Référence :  Star Walk for iPad (Vito Technology Inc.)
Finalistes: Let’s Eat Out with Celiac / Coeliac and Food Allergies! (R & R Publishing); The Solar System (Touch Press)

Dans la catégorie BD : Robot 13 (Robot Comics)
Finalistes: Operation Ajax (Tall Chair, Inc.); Tumor (Archaia Studios Press)

Concernant les « enhanced books », dont je ne sais toujours comment les désigner en français, livres enrichis, augmentés ou bien prolongés (?), plusieurs sessions leur ont été consacré, et il a été question également de la prochaine version d’EPUB, toujours en développement, EPUB 3, qui autorisera l’ajout d’éléments multmédia et d’éléments d’interactivité dans des livres numériques.

Je reviendrai plus tard sur cette question, ce billet est déjà d’une longueur épouvantable, non ?

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le reste du monde

Pas de live-blogging de la conférence Digital Book World 2011, ni beaucoup de tweets : le wifi était très souvent saturé, et plutôt que de me précipiter sur mon mac pour bloguer le plus vite possible après les conférences, j’ai privilégié les rencontres et les discussions informelles. J’essaierai, une fois de retour à Paris, de faire une synthèse de ce que j’ai pu apprendre ici.

Rencontré ainsi hier soir Nick Ruffilo, qui vient de lancer EbookFling, un service de prêt de livres numériques entre particuliers, un jeune homme qui me fait sursauter quand il me parle de ses 10 ans d’expérience : il a monté sa première société à 14 ans. Dominique Raccah, CEO de SourceBooks, est là aussi, et la discussion roule rapidement sur les applications, Nick étant un farouche partisan du système d’exploitation Androïd, et Dominique expliquant qu’elle préfère l’environnement iOS 4 et l’écosystème Apple. Tout feu tout flammes, venant de l’univers de la technologie, Nick est passionné par l’édition et brûle de proposer ses idées aux maisons d’édition, concernant les livres enrichis. Je suis sûre qu’il y parviendra rapidement, avec l’énergie et l’enthousiasme qu’il déploie.

Echangé aussi avec Guy LeCharles Gonzalez, CEO (Chief Executive Optimist, comme il l’écrit ) de DBW, mais aussi slammeur (loudpoet), ainsi qu’avec deux autres personnes dont j’ignore le nom mais qui travaillent dans le domaine du transmedia, et en expliquaient les principes à Dominique Raccah.

Ces rencontres, ces discussions sont aussi importantes que les « panels » dans ces conférences. Mettre des visages sur des noms, partager des impressions, réagir à ce qui s’est dit, essayer d’expliquer aussi à mes interlocuteurs américains la situation de pays qui appartiennent au « reste du monde » comme ils disent, et cette expression est assez significative, alors que les débats s’intensifient sur le « marché global » et les droits mondiaux,  et le business que représente pour les éditeurs américains ce reste du monde où la seconde langue est partout l’anglais, et où de plus en plus de monde lit en anglais. Mike Shatzkin a d’ailleurs indiqué que cette question serait probablement au centre de la prochaine édition de DBW…

Bon, il est l’heure pour moi de retourner dans le reste du monde, si les 30 cm de neige tombés cette nuit me le permettent…

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Futur du livre, et passé du web

Blogueurs, n’arrêtez jamais ! Moins vous publiez, plus il est difficile de le faire. Après plusieurs semaines d’interruption, me voici bêtement intimidée devant mon interface WordPress, comme quelqu’un qui, dans un dîner, aimerait prendre part à la conversation sans y parvenir : plus il tarde à s’y lancer, plus cette participation acquiert de l’importance à ses yeux, et tandis que les autres convives bavardent joyeusement sans arrières-pensées, il paufine mentalement son propos à l’infini, cherche désespérément le meilleur moment pour se lancer, et plus le temps passe, plus son inhibition augmente. Il est donc temps de se tourner vers ce malheureux, de remplir son verre, et de lui poser la question : alors, et toi, quoi de neuf ?

Quoi de neuf ?

Retour à New York, malheureusement sans la Dream Team, la valeureuse équipe avec laquelle j’avais participé l’an dernier à un voyage d’études du programme Courants, voyage blogué pratiquement au jour le jour (comme j’aimerais retrouver ce rythme !).

Séjour plus court cette fois-ci, à l’occasion de la conférence Digital Book World, qui commence demain soir. Pourquoi cette conférence et pas le TOC d’O’Reilly en février ? Mike Shatzkin, l’un des co-organisateurs de la conférence DBW explique comment il voit la différence entre les deux événements :

« Tools of Change explore les développements technologiques qui ont un impact ou pourront en avoir un sur l’édition (en général) et aide les éditeurs (de toutes sortes) à les comprendre et à les appliquer. Digital Book World explore les défis économiques que le numérique adresse aux éditeurs « trade » (les éditeurs qui travaillent en priorité avec le réseau des revendeurs ) et les aide à les relever. Si j’organisais Tools of Change je scruterais l’horizon pour détecter les technologies susceptibles d’avoir un impact sur l’édition et poserais la question « comment ? ». Mais comme j’organise Digital Book World j’observe l’impact de la technologie sur l’environnement et les opérations commerciales de l’édition , et je me demande « que devrions-nous faire » ? »

Bien sûr, j’aimerais bien assister aux deux conférences, mais il a fallu choisir, et cette année c’est DBW qui l’a emporté.

Je n’ai aucune chance de croiser là ni Evan Schnittman, ni Bob Stein rencontrés l’an dernier : ils participent  à l’édition 2011 de l’échange Franco-Américain qui nous avait permis de les rencontrer l’an dernier, et seront à Paris cette semaine.

Quoi de neuf par ailleurs ?

Une nouvelle version de l’Internet Wayback Machine, ce formidable service proposé par l’Internet Archive, qui permet de remonter dans le temps du web. Tapez l’adresse d’un site, et vous pourrez accéder à l’ensemble des versions qui en ont été archivées au fil des années. C’est intéressant pour observer l’évolution des sites en matière de design, mais c’est aussi un moyen, en recherchant des URL de titres de presse par exemple, de remonter le temps de l’actualité… mais pas beaucoup plus loin que 1995 ou 96 pour la plupart des titres… Un axe supplémentaire ajoutée à la sérendipité, et aussi un travail de préservation indispensable. La nouvelle version est très ergonomique? J’ai toujours été fascinée par les trouvailles de design fonctionnel en matière d’exposition de données chronologiques, les « time line »..

Conférence autour du futur du livre, et voyage dans le passé du web, voilà qui va bien accompagner la lecture que je viens de commencer du dernier livre de Robert Darnton ; « Apologie du livre, demain, aujourd’hui, hier ». Je lui laisse la parole pour terminer, avec cet extrait d’une intervention sur France Culture au début du mois.


Les Matins – Robert Darnton

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Ça ne se fait pas…

Ça ne se fait pas tellement de parler d’argent en pleine période de Noël, mais bon, ça y est, c’est fait, le sapin va bientôt perdre ses aiguilles, et j’ai trouvé dans mon agrégateur,  sur le blog du cabinet Market Partners International, Publishing Trends, un aperçu intéressant des résultats d’une enquête menée par MPI en collaboration avec The Idea Logical Company, la société de consulting animée par Mike Shatzkin, auprès de 135 agents américains.

Rappelons deux  éléments importants pour la compréhension des chiffres et de certaines déclarations de ces agents :

1) Aux Etats-Unis, les pourcentages de droits d’auteurs ne peuvent, comme c’est le cas en France, être calculés sur le prix de vente au public, puisque en l’absence de loi ou d’accord sur le prix unique du livre, celui-ci varie d’un libraire à l’autre. L’assiette de calcul est dont le « net receipt », soit le « revenu net éditeur », c’est à dire un montant inférieur, ( ce qui revient à l’éditeur une fois déduites les remises accordées aux distributeurs et aux revendeurs.) Ainsi les 25% dont il est question, comme montant courant pour les droits, correspondent environ à 12%, si on calcule sur le prix de vente au public.

2) Le modèle d’agence concerne le contrat qui lie l’éditeur au revendeur. Dans un modèle d’agence, le revendeur agit en son nom mais pour le compte de l’éditeur, et le prix de vente du livre est fixé par l’éditeur. Dans un modèle « revendeur », l’éditeur indique un prix de référence, mais le revendeur peut fixer lui-même le prix de vente au public, et pratiquer le rabais de son choix. Aux Etats-Unis, le modèle d’agence a été imposé en février dernier à Amazon par 5 des 6 plus grands éditeurs,  Apple ayant accepté ce modèle de contrat peu avant le lancement de l’iPad.

Rappelons aussi qu’il est là bas quasiment impossible d’être édité sans passer par un agent, ce qui n’est pas (encore) le cas en France, où cette pratique demeure minoritaire.

Publishing Trends fournit les résultats suivants :

« – 50% des agents considèrent que « l’impact global des livres numériques et des royalties qui y sont associées » améliorent les revenus de leurs auteurs sur les contrats de leurs livres déjà publiés (fonds). 25% pensent que les livres numériques favorisent les revenus sur les nouveaux contrats.

– un tiers n’a pas de préférence entre les deux modèles, « agence » ou « revendeur », alors que 27% préfèrent le modèle d’agence, et 17% préfèrent le modèle « revendeur ».

– Les deux tiers considèrent que si les droits numériques ne sont pas spécifiquement accordés à l’éditeur dans le contrat, ils sont réservés par l’auteur pour l’exploitation, indépendamment de toute clause de non-concurrence.

– La majorité considère que 50% ou plus est le « juste » taux pour les royalties, et plus de 80% croient que le taux de 25% – la taux standatd actuellement pratiqué (25% sur le revenu net éditeur, qui correspond environ à 12% sur le prix public), va connaître une augmentation dans les trois ans qui viennent, 25% pensant qu’il s’agira d’une forte hausse.

– Plus d’un tiers déclarent qu’ils ont négocié des taux de royalties supéreiur à 25%, incluant des paliers et des bonus, sur les nouveaux contrats de leurs auteurs avec des gros éditeurs.

– Prés de la moitié disent qu’une « backlist » non encore publiée au format numérique aide à obtenir un meilleur deal sur les nouveaux contrats. Un groupe plus restreint a négocié des taux supérieurs à 25% sur les nouveaux contrats.

– La moitié des agents s’attendent à ce que les grands groupes d’édition cherchent à acquérir les droits numériques mondiaux dans les trois prochaines années.

– près de 90% des agents qui ont répondu disent que leurs auteurs ont manifesté de l’intérêt pour l’auto-édition, au fur et à mesure que les ventes de livres numériques progressent.

– Un tiers sont tentés par l’idée  de mettre en place leur propre programme de publication électronique, alors que 25% pensent que c’est une très mauvaise idée.

– Et heureusement pour tous, plus de 75% des agents interrogés croient que la meilleure situation est lorsque  l’éditeur des versions imprimés et des versions numériques des livres de leurs auteurs est un seul et même éditeur, si les auteurs perçoivent une juste rémunération. »

Ici en France, alors que les ventes de livres numériques commencent à frémir, les droits numériques et les conditions de leur exploitation sont aussi l’occasion de débats et de questionnements, et il n’est pas inintéressant de connaître la position des agents américains sur ces questions, dans un pays où le marché numérique atteint les 10%. En parallèle de cette enquête, Shatzkin s’est entretenu avec des CEOs de plusieurs groupes d’édition US, pour connaître le sentiment des éditeurs. Il réserve le résultat de ces entretiens pour la conférence Digital Book World en janvier, mais en a tiré un article sur un sujet connexe, également abordé par ces chefs d’entreprise lors de ces rencontres, que je vous invite à consulter : « A modest proposal for book marketing« .

Comme j’aurai la chance d’assister à la conférence DGB, je pourrai vous en dire plus fin janvier, sur les résultats de cette étude.

En attendant, replongeons dans le monde des cadeaux, des vÅ“ux, des chocolats et des bisous sous le gui… je vous souhaite à tous de bonnes fêtes..

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filez vite sur La Feuille…

… lire le billet d’Hubert Guillaud sur l’édition numérique vue de l’autre côté de la Méditerrannée.

Nous étions quelques uns, conviés par l’association Diversités,  à participer à une rencontre avec des éditeurs du Maghreb, et Hubert restitue parfaitement l’essentiel de ce que ces échanges nous ont permis de découvrir de de comprendre. Extrait :

« Il est intéressant de constater que les questions que nous adressent les éditeurs du Sud sont les mêmes que celles que se posent les éditeurs du Nord. Quels contenus vont-ils pouvoir proposer ? Vont-ils pouvoir faire exister les leurs dans une culture toujours plus Mainstream, comme l’explique le livre éponyme de Frédéric Martel ?

Qui diffuse et qui vend ? La question de la constitution d’une chaîne de diffusion numérique est aussi importante des deux côtés de la méditerranée, chacun comprenant bien que sans elle, rien n’est possible, et que celles que proposent Apple, Amazon ou Google, ne sont peut-être pas des solutions sans conséquences pour la chaîne du livre et la diversité culturelle.

La question de l’accès est bien sûr essentielle. Celle de la démocratisation des supports, celle des possibilités de connexion ou de modes de paiement bien sûr. Mais peut-être plus encore, celle de l’accès à la culture. Au Nord comme au Sud, ces outils s’adressent d’abord à ceux qui lisent, à ceux qui ont le plus de moyens économiques ou culturels. Qui s’adressera aux autres ? »

Tandis que nous apprivoisons le concept d’économie de l’attention, dans notre petit monde où la question pour le livre est celle de sa visibilité au milieu d’une profusion de contenus disponibles, nous oublions que cette profusion n’est pas le cas partout sur la planète, que pour quantités d’individus il est difficile et parfois impossible de se procurer des livres, et que le numérique ne peut être la solution immédiate, la clé magique pour un accès enfin universel à la connaissance, lorsque les infrastructures manquent, lorsque les accès sont rares, instables, et chers.

Hubert restitue de manière très fidèle et exacte les propos de nos interlocuteurs marocains, algériens et tunisiens. Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il nous a proposé, lui, une brillante réflexion sur l’avenir du livre, à base d’exemples qui tous interrogent les destins que l’on peut imaginer pour les livres, lorsque ceux-ci s’affranchissent de leur support imprimé. Destin algorithmique, souvent, puisque le texte peut désormais être visité par des robots, puisque les pratiques de feuilletage, de navigation, d’achat, de consultation, de lecture, laissent des traces observables, quantifiables et manipulables. Livres enrichis, illustrés, multimédias, connectés, livres de demain, pour quels lecteurs, du Nord, du Sud,  pour quels rêves partagés ?

Se référer au billet d’Hubert pour les liens vers les éditeurs du Maghreb. D’autres éditeurs du sud, du sud de la France, étaient là également, naturellement tournés vers le monde méditerranéen : Fabienne Pavia, des éditions le Bec en l’Air, qui ne rate pas une année la foire du livre d’Alger et nous donne, à la manière dont elle en parle, envie d’y aller ; Marion Mazauric, la « chef  » du Diable Vauvert (chef du Diable, comme il est écrit sur sa carte de visite…), dont la maison d’édition installée en petite Camargue fête cette année ses dix ans, a su témoigner de la vision du numérique qui est celle d’un éditeur indépendant, qui cherche toute occasion de faire connaître son catalogue et de défendre les voix d’aujourd’hui, à travers des expérimentations sans tabous. Plus au nord, engagé au plus concret de la mutation numérique chez Flammarion,  Florent Souillot a ouvert ses fichiers, expliqué les processus de production, détaillé le quotidien d’une mutation partagée par de plus en plus d’éditeurs. Xavier Cazin, (Immatériel) lui aussi, déroule des questions, diffusion et distribution, modèles économiques, rôle des plateformes. Pierre Fremeaux, à travers la présentation du réseau social dédié à la lecture Babelio, dont il est l’un des cofondateurs, nous rappelle la place des lecteurs, leur rôle, la puissance qui est désormais la leur.  Denis Lefebvre d’Actialuna déconstruit pour nous les évidences de la lecture, pour les reconsidérer sous l’angle du numérique, à grand renfort de questions et d’expérimentations.

Saluons Jean-François Michel, instigateur de ses rencontres, artiste de la pollinisation : se parler au delà des métiers, à travers les événements organisés par l’Atelier Français : livre, presse, cinéma, musique, jeu. Se parler au delà des frontières, d’un bord à l’autre de la Méditerrannée.

Ci-dessous, quelques instants filmés au vol :

Comment, vous êtes encore là ? Allez ouste, filez vite sur La Feuille !

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écrire en direct et en public

L’écrivain canadien Michael C.Milligan écrit un roman, sur Internet, en 3 jours, là, maintenant, tout de suite. Cela se passe sur http://3d1d.1889.ca/.

MCM a passé un mois à se préparer à l’expérience, il a écrit des pages et des pages de notes sur chacun des chapitres. C’est aussi quelqu’un de très familier avec la technologie, il sait programmer.

Il utilise une pléiade d’outils Internet  pour mener à bien cette expérience d’écriture en live : Google Docs pour l’écriture, Meebo, qui permet de juxtaposer une fenêtre de chat dans laquelle peuvent échanger les personnes qui suivent l’expérience, mais aussi Twitter et Facebook, WordPress pour bloguer les coulisses de l’expérience, et UStream qui diffuse dans une autre fenêtre les images de l’auteur au travail.

Cette expérience démontre une grande maîtrise dans l’intégration des outils, et illustre de manière puissante la maturité de ces outils web qui inaugurent des usages nouveaux. L’intégration dans un unique écran de ces différents outils, que l’on convoque grâce à des onglets est assez impressionnante. La fenêtre principale permet d’afficher au choix la page d’accueil qui présente le projet, une page  Google Docs pour suivre l’écriture en direct, le texte du tome précédent dont on peut afficher chacun des chapitres affiché dans une liste à gauche, le blog qui commente l’expérience.

A droite, la fenêtre se divise en deux. En haut peut s’afficher la vidéo live de l’auteur en train d’écrire. En bas, on choisit grâce à des onglets d’afficher la fenêtre de chat (meebo), le fil twitter, la page facebook, un espace « merchandising » (Zazzle) permettant d’acheter des T-shirts #3D1D portant certaines phrases, ou personnalisés avec une inscription que l’on peut choisir.

L’auteur questionne ceux qui suivent l’expérience, leur demande leur avis sur l’évolution de l’intrigue ou bien sur des détails (suggestion pour le nom d’une marque de cigarette en 2038, le nom d’un personnage égyptien, la couleur d’un véhicule, le choix d’une arme…). En consultant le tag #3D1D sur twitter, j’ai vu qu’à un moment il demande qu’on lui suggère un surnom pour un personnage français. Deux suggestions : « Depardieu » et « Corbusier » …

L’auteur twitte régulièrement aussi des statistiques : tel chapitre est terminé, il comporte tant de mots. Il y a un petit côté marathon, c’est un peu « on achève bien les chevaux » :  parfois MCM indique qu’il va aller dormir quelques heures, 2 ou 3 pas plus, que son cerveau demande grâce.

Je suis très impressionnée par ce dispositif, par cette juxtaposition d’outils, et cette manière de s’en emparer, avec un mélange de simplicité et d’humour.

L’auteur occupe une place centrale : c’est le maître de cérémonie, c’est lui qui se montre, c’est lui qui est au clavier, qui déploie son récit. Il écrit devant autrui, assumant ses hésitations, ses repentirs. Parfois on peut le voir effacer tout un paragraphe, ou simplement le dernier mot écrit.

Les lecteurs, on pourrait presque dire les joueurs, parce qu’il y a une dimension ludique dans tout cela, l’encouragent, commentent ce qu’ils lisent, répondent aux questions que leur pose l’auteur.

Il semble qu’il y ait un premier cercle, parmi ces lecteurs, d’amis qui sont aussi des auteurs, et animent le blog de commentaires, effectuent des tris parmi les suggestions proposées par les lecteurs.

On souhaiterait que le « framework » soit disponible à qui souhaite l’utiliser à son tour, et ce pourrait être dans des contextes très variés. Utilisé par d’autres auteurs tentés par l’expérience, sans qu’elle prenne nécessairement la forme d’un marathon (même si le « live » nécessite un rendez-vous, un temps fixé pour que chacun se connecte en étant sûr qu’il se passe quelque chose en ligne). Je pense aussi  à des expériences en classe, ou lors d’ateliers d’écriture.

Et vous, que vous inspire ce dispositif ?

(signalé par mail par Eli James, du blog Novelr, centré sur la « Web Fiction »)

@liminaire indique sur twitter que cette expérience lui fait penser à celle de Nicolas Ancion, décrite ici, à la fin du billet.

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