On l’a dit déjà : avec le numérique, il sera de plus en plus difficile de parler de chaîne du livre, comme on le faisait couramment jusqu’à présent. Chacun des maillons de cette chaîne ne « parle » qu’aux maillons qui voisinent directement avec lui. Non, avec le numérique, on va plus volontiers parler de réseau, et ce, même en ce qui concerne les livres imprimés. Chacun des nÅ“uds d’un réseau peut virtuellement entrer en contact avec tous les autres. Pour les éditeurs, il existe aujourd’hui des moyens d’entrer en contact direct avec leurs lecteurs. J’en vois qui s’inquiètent, qui voient les éditeurs arriver avec leurs gros sabots, et venir polluer les discussions sur le réseau avec des messages promotionnels, rédigés en pure marketing-langue. Essayer de transposer sur internet des pratiques marketing héritées du XXème siècle est une aberration. On l’a vu avec quelques exemples célèbres de faux blogs. Faudrait-il alors s’interdire de se saisir en aucune manière d’une opportunité aussi formidable pour entrer en contact avec ses lecteurs ?
A l’heure où Le Monde fait découvrir twitter à ses lecteurs, certains éditeurs ont déja de nombreux « following people » sur twitter. [ajout du 18/01/09 : en voici toute une liste sur un répertoire créé par Jeniifer Tribe.] Little, Brown and co, par exemple. Que peut bien twitter un éditeur ? C’est simple, il suffit de déchiffrer ses derniers tweets.
Le premier nous apprend que non content d’être sur twitter, Little, Brown and Co est aussi sur Facebook :
1 – « Relaxing this weekend with THIS ONE IS MINE by Maria Semple. Become a fan of the book on Facebook: http://tinyurl.com/65aapr
Le ton est direct : besoin de vous relaxer ce week-end ? Lisez donc This one is mine par Maria Semple. Et devenez fan du livre sur Facebook. C’est bien de la promo. Mais le ton est simple et direct, personnel. Et personne n’est obligé de suivre LB & co sur twitter : celui qui le décide est à priori intéressé par de l’info sur les publications de l’éditeur.
2 – « @lovebabz Sounds divine. Have a great relaxing day. » – Un message qui commence par @ suivi d’un pseudo twitter : c’est donc qu’il y a bien des échanges. Qui est lovebabz ? Il semble que c’est une mère de famille, blogueuse, qui twitte des trucs comme : « Good Morning! Well it’s not raining! Getting children ready for church. Greg is playing the bells this morning in the Boys Choir » (Bonjour ! Super, il ne pleut pas ! Je prépare les enfants pour partir à l’église. Greg joue des cloches ce matin dans le choeur des garçons)
3 – « @bookingmama posts video of Anita Shreve discussing the origins of TESTIMONY http://tinyurl.com/64nm6m » Liens, liens, liens : Un tweet qui signale que « bookingmama » a posté une vidéo d’Anita Shreeve. Quelques clics d’enquête plius loin : Bookingmama est une blogueuse du livre, (sharing ideas on books and bookclubs – and occasionnally some other things – partageant des idées à propos de livres et de clubs de lecture, et occasionnellement à propos de quelques autres choses). Bookingmama a effectivement posté une vidéo dee l’auteur sur son blog, issue de YouTube. Allons-voir sur YouTube d’où vient cette vidéo.
Elle vient de BookVideos.tv , et je passe un bon moment sur leur site, pour voir un peu ce qu’ils font en matière de « story behind the story ». Le site est très bien fait : une offre directe aux éditeurs avec deux types de vidéos, l’un économique et l’autre plus cher, et l’indication des sites partenaires sur lesquelles sont diffusées les vidéos parmi lesquels Amazon, Facebook, Barnes & Noble, iTunes, Google, Yahoo, AOL etc, et la lise des éditeurs clients : Simon & Schuster, Random House, Broadway Books, Chronicle Books, Ten Speed Press, W.W. Norton & Company, Thomas Nelson, Loyola University Press, Penguin, Hachette, Holtzbrinck, Bantam Dell, Doubleday, Sports Illustrated, Oxmoor House, Macmillan, Henry Holt and Company, Dorchester Publishing, John Wiley & Sons.
Les gens de Little Brown auraient tout aussi bien pu envoyer directement un tweet avec un lien vers la vidéo qu’ils ont certainement eux-même commandée, mais d’y renvoyer sur le blog d’une lectrice est bien plus efficace : la vidéo sera aussi bien vue, cela donne de la visibilité à ce blog, cela insère l’éditeur dans la blogosphère, car il contribue à tisser des liens entre ses membres.
4 – « @highhiddenplace Enjoy! Same to you re: giveaway and fun temporary tattoos. :) » Ok, cette réponse de @littlebrown à @highhiddenplace semble être une plaisanterie, mais je ne parviens pas à la traduire. (Une suggestion ?) Hop, allons lire les tweets de @highhiddenplace. Un message vers @littlebrown les remercie pour leur envoi d’un livre. – « Received my copy of THIS ONE IS MINE yesterday. It looks wonderful and I can’t wait to read it. Thank you again! « @highhiddenplace blogue depuis 2001, c’est aussi une mère de famille, elle alterne sur son blog des notes de lecture et des photos de ses enfants. J’y apprends qu’il y a un réseau ning dédié aux blogs de livres : http://bookblogs.ning.com/.
Je vois que tout comme @lovebabz, @highhiddenplace participe à un concours d’écriture en ligne, qui pourrait faire l’objet d’un prochain billet.
Je pourrais continuer longtemps, mais l’exercice est assez concluant, et ce billet vraiment trop long : en quelques clics, sur quelques tweets, on voit comment se tisse autour d’un simple fil twitter un réseau d’échanges, avec des gens qui partagent via le web leurs lectures et parfois leurs projets d’écriture, sans prétention. Un éditeur qui joue le jeu, envoie ses livres, entretient un dialogue. Et l’utilisation tous azimuts des sites sociaux : twitter, youtube, facebook.
J’ai trouvé le lien vers la page twitter de Little Brown dans ce billet de Kassia Krozser sur Booksquare, dont voici un extrait :
« Personne ne peut atteindre vos clients mieux que vous parce que personne ne connait vos livres et ce qui les caractérise mieux que vous (exceptés, oui, vos auteurs ; ils jouent un rôle dans ce processus, bien sûr). Il n’y a pas de bonne façon pour faire cela. J’aime ce que des éditeurs comme Little, Brown and Co font sur Twitter, parlant de livres et s’entretenant avec les lecteurs (un bon point pour leurs fréquentes offres d’envois de services de presse). Je trouve agréable que des éditeurs comme Unbridled Books mettent leur point d’honneur à entrer en contact et à discuter avec des gens comme moi de façon régulière, – même les contacts commerciaux conservent une touche personnelle. »
Katia a raison, il n’y a a pas de « bonne manière » de faire cela. Il faut juste se lancer, oser l’expérimentation.
« On l’a dit déjà : avec le numérique, il sera de plus en plus difficile de parler de chaîne du livre, comme on le faisait couramment jusqu’à présent. »
Virginie, je ne connais peut être pas tous les éléments de discussion (« On l’a déjà dit… »), mais, malgré toutes les précautions que vous prenez, ne serait-il pas plus correct d’écrire :
« On l’a dit déjà : avec I-n-t-e-r-n-e-t, il e-s-t de plus en plus difficile de parler de chaîne du livre, comme on le faisait couramment jusqu’à présent. » ?
Parce qu’on entend par « numérique » sur ce blog, c’est « livre numérique », non ? Or ce que vous décrivez n’a r-i-e-n à voir avec le livre numérique. Ce que vous décrivez, c’est le web 2.0, non ?
Traditionnellement, la chaîne du livre est approximativement la suivante :
auteur -> éditeur -> diffuseur -> distributeur -> libraire -> lecteur
Internet modifie la donne. Entre autres exemples :
auteur -> éditeur -> « Amazon » -> lecteur
ou encore :
auteur -> « lulu » -> lecteur
(« Chacun des maillons de cette chaîne ne “parle†qu’aux maillons qui voisinent directement avec lui. » Cette phrase également est un peu exagérée. Entre autres, on a toujours pu commander le catalogue et les livres directement chez l’éditeur. Cf. les « cartes postales » que l’on trouve parfois dans les livres.)
Je m’excuse d’être aussi tatillon, mais la nuance est importante. Comme on le voit personne n’a semble-t-il attendu le livre numérique, ni ne l’attend d’ailleurs, pour s’organiser en réseau. Et puis, le réseau, n’est-ce pas justement Internet ?
(Voilà , c’était mon commentaire du dimanche soir, lundi matin, une fois par mois environ. :-)
On peut même écrire :
auteur -> lecteur : c’est le peer-to-peer de la « chaîne » (enfin les deux maillons) du livre.
« Je pourrais continuer longtemps, mais l’exercice est assez concluant, et ce billet vraiment trop long »
Pas de problèmes : Je ne vois pas d’inconvénient majeur à lire un long billet (quitte à la garder pour quelques jours plus tard) tant que la qualité y est !
Par ailleurs, bravo pour cette petite introduction Twitter/éditeurs. Je précise juste que seule une petite partie des éditeurs semble — à première vue — pouvoir exploiter au mieux ce service. Il apparait difficile, en effet, d’utiliser Twtitter quand on est éditeur de contenu scientifique, juridique ou même de sciences humaines. Pour les réseaux sociaux, et même pour les blogs en général, il est plus évident de réussir une expérience emarketing (ou presque) avec des ouvrages « relaxing » comme le propose Little, Brown and co.
A creuser…
@Virginie. Merci pour la précision. Cela allait sans doute de soi et j’ai peut-être fait un amalgame.
L’idée de réseau par rapport à celle de chaîne mériterait d’être développée. Autant, on vois bien comment, dans la représentation sous forme de chaîne, certains maillons peuvent selon les cas disparaître ; autant l’idée de réseau est complexe et mouvante (nouveaux services comme twitter…) même si l’on entrevoit ce que cela signifie.
Dans quelle mesure un réseau (réseaux d’auteurs, d’éditeurs indépendants ou non, diffuseurs, distributeur et de libraires indépendant ou non) globale pré existait à l’ère numérique ?
Ce qui est sûr, c’est que le numérique densifie et fluidifie la circulation de l’information dans le réseau. D’autre part, le consommateur à tous les niveaux de chaîne a la possibilité de se faire entendre, enfin dans l’idéal. C’est le fameux « feed-back » du web 2.0.
Au précédent schéma (top-down) se juxtapose le suivant (bottom-up):
auteur <- éditeur <- diffuseur <- distributeur <- libraire <- lecteur
avec toutes les combinaisons possibles et imaginables.
Le consommateur d’information à tous les niveaux entre dans la boucle et réagit. Il n’y qu’a lire les discussions sur le réseau par rapport aux « coups de communication » de la rentrée littéraire de certains éditeurs (Angot, Millet, Houellebecq/BHL).
On peut dire que l’effet boomerang de la communication a joué à plein grâce au réseau.
http://livres.fluctuat.net/blog/34321-les-stars-de-la-rentree-litteraire-qui-font-un-bide.html
Article intéressant sur Twitter sur le site du Monde :
http://www.lemonde.fr/le-monde-2/article/2008/11/14/twitter-media-de-l-ere-obama_1118891_1004868.html
Ce service a l’air utile dans certains cas, mais pour la chaîne du livre, suis sceptique.
« J’avoue, je n’ai jamais lu Le Clézio. »
« Déjà , les marques essaient d’installer leur « communication corporate » sur Twitter. »
@Virginie. Merci pour le lien. C’est pas un we qu’il me faudra pour tout lire, mais une semaine. C’est un impressionnant !
On a quand même un peu le sentiment que toutes ces applications sont redondantes. C’est l’inflation ! On se demande même s’il n’y a pas plus d’applis que d’infos. Mais vous avez raison, en informatique il faut essayer pour se rendre compte.
En tous les cas, chargé de com est un métier qui a de l’avenir…
@Virginie. Je n’avais pas suivi les liens du billet. Erreur, car c’est très intéressant. Merci pour la veille !