Questions :
Granularité des ressources (concept de « learning object ») ou manuel scolaire numérique ?
Apprendre, est-ce ingurgiter au fil de l’année scolaire une quantité déterminée de « granules de savoir » ?
Un manuel scolaire traditionnel n’est il rien d’autre qu’un assemblage raisonné de ces dites granules ?
Faire évoluer le manuel scolaire, jusqu’où et comment ?
Têtes bien pleines, têtes bien faites. Certes. Mais pleines de quoi ? Et faites comment ?
Agrégation de contenus. Rêves de Lego, mécanisation, industrie de la connaissance.
Quid du bonheur sauvage de dénicher sur le web LA ressource, exactement celle que l’on recherchait ?
Intuition que les habiletés sont là , que les nouvelles médiations consistent à favoriser et transmettre ces habiletés. Mais comment ?
Quelques une de mes questions du jour…
Quelques jours plus tard, je lis un article de Michael Feldstein sur « eLearn magazine » qui interroge cette notion de learning object. En voici la traduction (merci de m’indiquer les erreurs ou éventuels contresens, je ne suis pas traductrice : )
Les learning objects n’existent pas
(traduction de l’article « There’s No Such Thing as a Learning Object » de Michael Feldstein, Assistant Director, SUNY Learning Network
Nous apprenons par l’action. Nous observons. Nous comparons. Nous mesurons, discutons, débattons, critiquons, testons et explorons. Nous essayons, nous ratons et essayons à nouveau. Apprendre est une activité. C’est un processus. Une fois avancé ce fait indéniable, le terme de « learning object » – objet d’apprentissage n’est plus qu’un oxymoron. Un objet est une chose. Nous n’apprenons pas des choses. Nous apprenons en faisant des choses.
La majorité des portions de contenu que l’on rassemble actuellement sour le terme de « learning-object » serait appelé plus justement « instructionnal object » (objet d’instruction), ou plus simplement, « matériel d’instruction ». Ils dispensent de l’information, ou de l’instruction, de la même manière que le ferait une conférence. Les objets d’instruction existent depuis fort longtemps. Quand j’étais enfant, on les nommait « polycopiés » ou « stencils » s’ils pouvaient être réutilisés. Plus tard, ils furent remplacés par la technologie plus avancée des photocopies. Et au 21ème siècle, nous avons les ultra-modernes PDF et pages Web. Ajoutez un peu d’information présentant le PDF (ce que Technorati appelle les metadata) déposez sur MERLOT et voilà . Vous obtenez quelque chose que tout le monde est prêt à nommer un objet d’apprentissage réutilisable. (« eusable learning object »). Bienvenue dans le nouveau millénaire, professeur Gradgrind. Vos navires vides vous attendent.
Même les objets d’instruction les plus sophistiqués requièrent une action de la part des apprenants, en sorte que le processus d’apprentissage s’effectue, même si cette activité se limite à la mémorisation. Et l’usage d’un langage adapté peu certainement stimuler toutes sortes d’activités cognitives chez le lecteur. Cet article, pas exemple, se veut une provocation qui engage à réfléchir. Mais en réalité, un grand nombre d’apprentissages requièrent plus qu’une simple transmission de contenu. C’est pourquoi les enseignant n’ont jamais été remplacé par des livres sur bande magnétique et ne le seront pas non plus par des podcasts. Apprendre est une activité. Enseigner est une activité conçue pour stimuler l’apprentissage. Rassemblez ces deux actvités, vous créez une boucle infinie nommée « interactivité ».
Je crois que le terme de « learning object » est devenu nocif. Il cache le vieux modèle du cours magistral derrière un vocable sexy. Si nous voulons réellement stimuler l’apprentissage, alors nous devrions plutôt penser en terme de « catalyseur cognitif ». Plutôt que de distribuer des contenus numériques et supposer que les étudiants vont l’absorber, nous devrions créer des artefacts qui fonctionnent comme des enzymes pour le système digestif intellectuel. Nous souhaitons augmenter la probabilité d’une réaction chimique entre une portion d’information et l’esprit humain. Pour moi, c’est là l’essence de l’enseignement. Le « catalyseur cognitif » peut être un contenu d’apprentissage (un cours), une activité, ou plus souvent, un mélange des deux.
Un PDF peut être un catalyseur cognitif mais il ne le devient pas automatiquement parce que nous pouvons le télécharger depuis un site Web ou l’envoyer par mail à un étudiant. Pour qu’un objet puisse être appelé un « catalyseur cognitif » il est nécessaire de répondre aux questions « Quelle cognition cela catalyse-t-il ? » « Quel processus d’apprentissage cela stimule-t-il ? » Les termes prêtent à confusion à cause de la tendance courante à privilégier le terme d' »objet » à celui d' »apprentissage ». En même temps, cela ne doit pas nous faire perdre de vue les faits et les concepts qui sont appris. Le contenu compte. Nous devons équilibrer les objets d’instructions et les activités d’instruction, les verbes et les noms, en formant une phrase avec sujet (les apprenants), verbe (processus cognitif) et complément (contenu) : « Jane mesure la vitesse ». « Harry critique l’Iliade. » » Nous débattons à propos des objets d’apprentissage. » Si nous considérons les objets dans un contexte d’apprentissage, alors laissons leur leur statut d’objets. Pris en eux même, séparément de l’apprenant et du processus cognitif, un « learning object » est l’équivalent pédagogique d’une portion de phrase. Il n’est pertinent que très occasionnellement et échoue la plupart du temps à communiquer.
Michael Feldstein dit « Je crois que le terme de “learning object†est devenu nocif. Il cache le vieux modèle du cours magistral derrière un vocable sexy. Si nous voulons réellement stimuler l’apprentissage, alors nous devrions plutôt penser en terme de “catalyseur cognitifâ€. »
J’aime bien — beaucoup, en fait — l’idée qu’un terme peut devenir nuisible : le jeu du langage est trop fréquemment à l’origine de décisions ou actions sans que la vacuité de ce jeu, rendu possible par la puissance de langage même, soit en rapport avec le poids qui lui est conféré ou l’enjeu mis sur la table.
(La prudence inverse ne faisait sans doute pas de Wittgenstein un convive très sociable… )
Cela dit, il me semble qu’on devrait distinguer entre les outils d’un projet pédagogique et ce dont on parle : « stimuler l’apprentissage », « catalyseur cognitif » sont des expressions qui reposent sur un « projet pédagogique » — décidément, le langage est vertigineux — qui implique une discussion d’un autre ordre : à savoir (?), qu’est-ce qu’on a comme objectif dans une interaction pédagogique/cognitive/formatrice… ? Comment compte-t-on le mener ?
Un minimum de clarification du contexte dans lequel le « learning object » est susceptible d’être invoqué mériterait explicitation.